Le printemps des jeunes catholiques - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Le printemps des jeunes catholiques

A la veille des JMJ de Madrid, une enquête réalisée par le quotidien « La Croix » auprès de 3 200 jeunes catholiques français peut être interprétée comme révélant une évolution très encourageante.
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L’enquête de La Croix, réalisée auprès de 3 200 jeunes catholiques pour mieux saisir leur rapport avec la foi, est passée quasi inaperçue car elle fut publiée discrètement le week-end de Pâques. Pourtant, cette enquête est très instructive. Même si la méthode utilisée 1 conduit sans doute à recueillir les avis de la frange la plus dynamique et engagée de la jeunesse chrétienne, il est très intéressant de saisir au travers de cette enquête un instantané assez détaillé de ce que sont, pensent et vivent les jeunes baptisés dans notre Église en 2011, ce dont ils sont porteurs, eux qui seront l’ossature de l’Église de France des années à venir.

Ce qui saute aux yeux, c’est le changement de discours et de comportement de cette jeunesse avec celui des générations précédentes : fini les problématiques idéologiques et conflictuelles de certains de leurs parents ou grands-parents avec l’Église, fini les revendications contre la morale, l’autorité ou la doctrine de l’Église. Il suffit pour cela de se reporter à plusieurs thèmes abordés et aux réponses des jeunes cathos d’aujourd’hui.

Le cœur de leur foi ? Ancrés dans le baptême, ils veulent vivre de l’expérience de l’amour de Dieu par la prière, les sacrements et la spiritualité, en s’appuyant pour cela sur l’exemple ou l’aide d’aînés ou de modèles de la foi. Exit les travers des années soixante-dix : les complexes mal placés face à la prière, les méditations « prise-de-tête », les célébrations iconoclastes qui remplaçaient l’adoration, l’oraison ou la liturgie. Exit la recherche, si immature, de la « mort du père » qu’il soit papa, curé ou pape…

Les fruits de leur foi dans leur vie concrète ? Pour eux-mêmes tout d’abord : essayer autant que possible de respecter les préceptes et comportements de vie tels que les recommandent l’Église et l’Évangile. Avec les autres ensuite : la fraternité, aider son prochain, contribuer à une vie de famille unie, etc. Fini les utopies du « grand soir » social, familial et politique ; fini les revendications vives et pressantes de changement et de conversion… surtout chez les autres !

Le cœur de leur engagement dans la société ? Défendre la vie sous toutes ses formes. Totalement à l’encontre d’une partie de leurs aînés qui défendaient la légalisation de l’avortement ou se révoltaient massivement contre les positions de l’Église en matière de sexualité ou de contraception, sujets qui ont tant miné l’action pastorale dans les aumôneries de l’époque.
Leur principal souci ? Nourrir et vivre sa foi dans un monde qui est en si grand décalage avec le principe même de croire et les valeurs évangéliques. Il ne s’agit plus de remettre en cause l’Église ou les dogmes parce que le monde les critique ou ne les comprend pas : il s’agit au contraire aujourd’hui de trouver davantage de raisons de croire et de nourrir sa foi pour tenir bon face à l’adversité d’une société devenue hostile aux chrétiens. À l’opposé d’une grande part de la génération précédente, à la suite du Christ, les jeunes cathos assument d’être dans le monde, mais différents du monde.

La mission pour un jeune ? À 100 lieux du repli identitaire, la mission est naturelle car elle découle de ce qu’ils vivent dans leur cœur, à la paroisse, dans leur groupe de prière ou dans un mouvement : que ce soit dans l’Église ou la société civile, leurs engagements sont multiples et très supérieurs à ceux de la moyenne de la jeunesse en général. En terme missionnaire, ils sont 90% à témoigner explicitement de leur foi dans les discussions entre jeunes et plus du tiers a participé à des missions collectives d’évangélisation ! La pastorale de l’enfouissement forgée si profondément à l’époque par cet immense complexe d’infériorité et de culpabilité face au « monde », est bel et bien morte et enterrée : les jeunes cathos d’aujourd’hui ne sont surtout pas des prosélytes écervelés, mais ont entendu l’appel de Saint Paul « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile » qui conduit les baptisés à « témoigner à temps et à contretemps », et donc simplement mais sans fausse pudeur.

L’organisation ou les prises de positions de l’Église ? La remise en cause systématique est quasi inexistante aujourd’hui : toutes les revendications si chères aux cathos soixante-huitards — remise en cause de la hiérarchie, demande de révision des positions sur la morale sexuelle et les divorcés remariés, ouverture de l’ordination aux hommes mariés et aux femmes, priorité à la lutte sociale – arrivent en dernier et à un niveau plancher dans la liste de réponses possibles des attentes vis-à-vis de l’Église. Ces propositions si chères à ceux qui se disent progressistes sont devenues complètement has been, d’un autre âge et inappropriées, défendues encore à ce jour, ici ou là, par quelques groupuscules bien décatis : comme toutes les hérésies dans l’histoire de l’Église depuis 2000 ans, voici bientôt le chant du cygne avant le néant et l’oubli.
Les souhaits majeurs des jeunes chrétiens ? Finis les idéologies naïves et trompeuses qui ont imprégnés leurs grands-parents ; aujourd’hui, ils re­joignent les fondements de l’initiation à la vie chrétienne telle qu’elle se pratique depuis les premiers temps apostoliques : grandir dans la vie spirituelle, être à l’écoute des maîtres spirituels et de l’histoire de l’Église, se former dans l’intelligence de la foi, être éclairés par la Révélation chrétienne tant pour sa vie personnelle que sur les grandes questions éthiques ou sociales de notre temps.

Comment donc ne pas être dans l’action de grâce devant cette véritable révolution pastorale qu’a connue la jeunesse catholique de France en à peine 10-20 ans ? Pourtant, la hiérarchie épiscopale et l’encadrement intellectuel et presbytéral français dans leur majorité furent bien loin d’encourager cette mutation, ou de voir cette évolution de manière positive (nombre d’universités catholiques et de séminaires français ont été biberonnés durant ces périodes grises à des nourritures border-line au plan catholique…). Cette mutation profonde est donc à mettre à l’immense actif de Jean-Paul II, visionnaire, d’une foi et d’une énergie à bousculer les empires : dès les années 1980, il a appelé puis a amorcé avec force et conviction une profonde révolution théologique, spirituelle et pastorale de l’Église face aux si nombreuses dérives de l’époque d’une Église ayant perdu nombre de repères ; il fut relayé en France sur le terrain avec quelques trop rares évêques — comme le cardinal Lustiger — quelques prêtres ou religieux forts en gueule et inspirés, par de rares mouvements et certaines communautés nouvelles et anciennes, et peu à peu — vers la fin des années 90 — par une nouvelle génération de jeunes prêtres « orthodoxes » et décomplexés de la « Génération JP2 » : ces prêtres diocésains ou ces religieux de communautés très diverses ont aujourd’hui en charge la nébuleuse de la jeunesse catholique de France, qui a si fortement changé par rapport à ce qu’était la pastorale de la jeunesse il y a encore 10 ou 15 ans : des institutions ou des mouvements incapables de se renouveler se sont réduits comme peau de chagrin, d’autres ont vécu une mutation salutaire et ont rebondi, de nouveaux groupes ou mouvements ont fortement émergé, créé des réseaux, retrouvé cette santé et cet équilibre que cette enquête décrit si bien.

Après les heurts et soubresauts des débuts, ce n’est visiblement qu’à la troisième génération post-conciliaire que le Peuple de Dieu en France — en sa jeunesse catholique — semble vivre enfin paisiblement le mystère de l’Église tel qu’il fut actualisé puis proposé par Vatican II. Mais, rien n’est figé : nous n’assistons qu’au début de cette révision profonde et salutaire de l’Église de France : dans les années qui viennent, ce sont de nouveaux pans entiers qui vont connaître des bouleversements heureux et salutaires, car ces jeunes vont bien se marier, devenir des adultes aux commandes, en responsabilité… dans la société et l’Église : la pastorale conjugale et familiale, le service de la charité dans toute sa diversité, l’enseignement catholique, le monde intellectuel et universitaire, le monde professionnel, les médias, l’art et la culture… N’en déplaise à certains gardiens du temple de l’ordre passé qui sévissent encore et qui s’arc-boutent encore aux commandes, le renouveau est en marche et est rempli d’espérance : il suffit que l’Esprit-Saint continue de souffler et d’agir comme il commence à nous y habituer !

Alors on pourra bel et bien dire : ce triste épisode hivernal est bel et bien passé. Allez, courage : voici peu à peu venir le printemps dans l’hexagone ecclésial. Alors vous verrez dans une génération les vocations éclore dans toute leur diversité – prêtres, moines, religieux, laïcs consacrés, mariés – et la palette des spiritualités refleurira ! Les plantes n’aiment pas les terres anémiées ou asphyxiées : pour fleurir, elles ont besoin d’un terreau nouveau, riche, aéré et équilibré, celui qu’un Jean-Paul II a su si bien introduire en profondeur dans les plates-bandes de l’Église universelle … et de l’Église de France.

  1. Enquête via les mouvements et réseaux s’inscrivant aux JMJ