Le martyre, sanglant ou non sanglant - France Catholique
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Le martyre, sanglant ou non sanglant

Traduit par Bernadette Cosyn

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En dépit de l’intérêt plus que modéré des médias pour la persécution des chrétiens, la haute visibilité récente des morts de gens uniquement coupables de fidélité au Christ a fait croître notre sensibilisation aux enjeux pour les chrétiens dans différentes parties du monde. Ces enjeux sont plus élevés quand la persécution prend la forme du martyre sanglant infligé par l’État Islamique ou Boko Haram – et proportionnellement moins grands pour la forme de martyre non sanglante qui couve en Occident.

Dans chaque cas, il est particulièrement douloureux de voir nos coreligionnaires diffamés par leurs persécuteurs et parfois par nos propres médias. Ici, chez nous, il est particulièrement exaspérant de voir la diffamation s’ajouter à la position sociale et légale de plus en plus inconfortable de ceux qui ont perdu leur emploi et leur gagne-pain – et ont été frappés de lourdes amendes – pour leur foi.

Aux États-Unis, bien que l’empiétement de l’Obamacare sur la liberté religieuse ait éveillé la conscience d’un grand changement dans l’échelle des menaces, le principal moteur de l’assaut contre notre liberté religieuse est en ce moment le mariage homo.

Évidemment, mariage et homo sont des termes contradictoires, une lubie qui ne peut pas être sortie d’un chapeau pour venir à une existence réelle, ni par quelque loi d’état ni par quelque opinion de cour de justice, parce que c’est un concept sans signification. Un concept qui redéfinit le mariage hors de son propos, afin de faire plaisir à ceux qui ne sont pas attirés par sa vraie nature mais par certains signes extérieurs et privilèges légaux.

Ce qui rend cela crucial dans la sphère séculière, ce sont les victimes innocentes, les enfants, qui ont besoin de mères et de pères qui peuvent les intégrer au sein d’une union stable, d’un véritable mariage, et qui ont déjà été maltraités par l’augmentation des divorces et de la cohabitation, pour ne pas parler de l’avortement et de la contraception.

Nos opposants, qui sont de nos jours légions et qui exigent de plus en plus du pouvoir coercitif du gouvernement qu’il intimide les gens et les réduise au silence, assaillent ceux qui soutiennent la conception traditionnelle du mariage, les traitant de mesquins semeurs de haine vindicatifs. Par exemple, le traitement réservé aux propriétaires de la pizza Indiana, qui ont exprimé leur opposition au mariage homo, me prend aux tripes et me rappelle le cri de protestation des cours de récréation : « ce n’est pas juste ! ». Parce qu’effectivement : « ce n’est pas juste ! » est notre témoignage implicite au standard de justice pré-existant donné par Dieu, un jugement droit dans notre monde déchu, où il y a déjà suffisamment de choses loin d’être justes.

Ma réaction suivante est la crainte que, en plus d’entraver la défense du mariage et la liberté religieuse dans l’espace public, une telle attitude empêche les gens de comprendre que les chrétiens dont on dénigre la réputation, l’intégrité et le témoignage, sont en fait des martyrs non sanglants. Comment le sang (ou dans ce cas-ci la réputation et les moyens de subsistance) des martyrs peuvent-ils être semence d’Église si les gens qu’ils sont supposés convertir ne savent pas qu’ils sont des martyrs parce qu’ils sont calomniés et diffamés ?

Portant mon regard sur l’histoire des martyrs chrétiens dans une grande variété d’époques et de situations, j’ai pris conscience de deux choses. D’abord, les chrétiens qui ont donné leur vie pour leur foi étaient généralement diffamés de la même manière par leurs persécuteurs, qui déformaient leurs motifs et fabriquaient de fausses charges tout comme ils manipulaient leurs « crimes » contre l’état en quelque chose de bien différent de la Bonne Nouvelle du salut.

Parfois, les mensonges et les diffamations étaient une propagande cynique ou un coup monté pour dresser les gens contre les chrétiens. A d’autres moments, le portrait tendancieux venait du fait que, du point de vue de l’état, les chrétiens étaient coupables de déloyauté envers l’état, d’impiété et de troubles à l’ordre social. C’était vrai dans la Rome antique, c’était vrai en grande partie dans l’Angleterre élisabéthaine (où l’Armada espagnole avait renforcé chez le peuple le sentiment que les catholiques étaient des traîtres) ou dans le Mexique du début du vingtième siècle et dans beaucoup d’autres endroits.

Dans les territoires musulmans sous le contrôle de groupes terroristes qui ne font pas la distinction entre la religion et le gouvernement, les choses sont quelque peu différentes. Là-bas, l’État Islamique et autres structures apparentées mettent les gens à mort en raison de leur foi chrétienne – ou plus exactement en raison de leur refus d’abandonner leur foi pour se convertir à l’islam.

La seconde chose à comprendre à propos de la situation actuelle est que, malgré l’importance de témoigner sincèrement de notre foi et de « donner la raison de l’espérance qui est en nous », l’efficacité spirituelle de toute forme de martyre est généralement cachée, comme la plupart des effets de la grâce, on ne peut pas en suivre facilement la trace comme si c’était le jeu où l’on relie les points numérotés. Quelle a été l’influence du martyre de Campion et des autres Élisabéthains pendus, traînés et écartelés à Tyburn pour leur foi ?

A court ou moyen terme, il est difficile de discerner des résultats spectaculaires – certainement pas des conversions de masse. Mais dans la grande économie de Dieu, qui peut savoir ? Comme pour la plupart de nos œuvres moins dramatiques de vertu et de coopération avec la grâce, les résultats ne nous sont pas forcément apparents en ce monde-ci. Il nous est donné occasionnellement la consolation de les voir. En tout cas, nous savons que ces effets existent, aussi sûrement que Dieu existe.

Ellen Wilson Fielding est rédactrice en chef de la Human Life Review et vit dans le Maryland.

Illustration : « Les martyrs anglais et gallois » par Daphné Pollen, 1970

source :http://www.thecatholicthing.org/2015/05/02/martyrdom-wet-and-dry/