Le discours de Riyad - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Le discours de Riyad

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Le discours du 14 janvier à Riyad suscite moins de controverses que celui du 20 décembre au Latran. Il n’en est pas moins intéressant. Le chef de l’État français a repris les thèmes sur l’importance des racines religieuses de la morale et de la civilisation, sur la part d’universel que contient chacune des grandes religions. Il fait confiance aux chefs politiques et religieux pour éviter le choc des civilisations. Il prône le respect de la diversité entre les religions et les cultures, entre ceux qui croient et ceux qui ne croient pas.

On en conclut qu’il n’a qu’un seul discours, qu’il s’adresse au chef de l´Église catholique ou au gardien des deux Lieux Saints de l’islam. « En tant que chef d’un État qui repose sur le principe de la séparation de l’Église et de l’État, je n’ai pas à exprimer ma préférence pour une croyance plutôt que pour une autre ». Si, tout en expliquant la substance, il n’a pas utilisé à Riyad le terme de laïcité, c’est que celui-ci y est littéralement intraduisible. Le parallélisme entre le Latran et la Choura est trompeur. Les no­tables désignés par le Souverain ne sont en aucun cas assimilables aux cardinaux eux-mêmes nommés par le Pape. L’Arabie saoudite n’est pas une Église même si son territoire entier est considéré comme sacré au-delà des deux sanctuaires de La Mecque et de Médine. Le fait pour Nicolas Sarkozy de s’adresser, au-delà des membres du Conseil consultatif du Royaume, à toute la nation arabe et à toute la communauté des croyants (Umma) consacre le statut du gardien des lieux saints qui pourtant n’en fait pas le Calife des mu­sulmans lesquels ne reconnaissent au­cun centre législa­tif ou théologique et moral unique. Les musulmans sont en grande majorité non arabes. En concluant son propos en célébrant « l’amitié franco-arabe », Nicolas Sarkozy s’arrête à mi-chemin et n’ose franchir le pas de « l’amitié franco-musulmane » qui constituait pourtant la chute logique de son discours.

Nicolas Sarkozy doit en fait jouer en permanence entre le religieux et le politique. À Rome, il se défendait d’une laïcité ou d’un laïcisme qui sépare trop radicalement les deux ordres. À Riyad, il faisait face, à l’inverse, à la confusion des deux domaines. Ainsi quand il excuse la lenteur des réformes dans le royaume saoudien par l’« exigence » de l’intégrité des lieux saints « avec laquelle le Royaume ne peut pas transiger et qui l’oblige à être pour les croyants du monde entier un modèle de piété et de fidélité à la tradition », il confond garde des lieux saints et wahhabisme : pourquoi faire passer pour structurelle une alliance qui n’est que conjoncturelle, liée a la prise de La Mecque par les Saoudiens contre les Hachémites en 1924 ?

Le roi Abdallah a rendu à Benoît XVI au Vatican en novembre dernier une première visite hautement symbolique. Nicolas Sarkozy a salué ce geste qui « a plus d’importance pour la paix et pour l’avenir de la civilisation que bien des conférences internationales ». Peut-être le Président français et le Saint-Père s’en étaient-ils entretenu le 20 décembre à Rome. Une visite de retour du Pape en Arabie saoudite est difficilement envisageable, mais le roi Abdallah a rompu ainsi l’ostracisme qui semblait per­durer depuis le dis­cours de Ratisbonne. Cette mention dans le dis­cours du président français était d’autant plus naturelle qu’elle aurait surpris dans la bouche du président Bush qui lui a succédé quelques heures plus tard à Riyad.

Après le Latran et la Choura, il ne nous reste plus qu’à attendre le discours de Nicolas Sarkozy à la Knesset au printemps.

Yves La Marck

PS : On notera que le président français adhère à une théologie contestable sur l’identité des « religions du Livre », dont Alain Besançon ou Rémi Brague, notamment, ont fait justice de­puis longtemps.