Le dernier préjugé autorisé - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Le dernier préjugé autorisé

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La famille de Joseph P. Kennedy senior dans les années 30

La famille de Joseph P. Kennedy senior dans les années 30

« Je vous pensais plus intelligent que ça. » « Pas plus ! » Voilà deux commentaires que j’ai reçus d’amis d’enfance que j’ai revu à de récentes funérailles, après de nombreuses années. Ils étaient abasourdis à la nouvelle que j’avais six enfants.

Comme le savent trop bien de nombreux lecteurs de The Catholic Thing dont la progéniture passe la mienne, ce sont parmi les plus polis des commentaires que reçoivent les parents de familles nombreuses de la part de gens incrédules, farceurs ou parfois hostiles. Or, de cette récente rencontre, au moins ces deux-là ne frappaient pas en-dessous de la ceinture, comme le font les réactions les plus déplacées. Dans ce genre, la moins ad hominem est le classique : « vous n’avez donc pas de téléviseur ? »

Notre société ne tolère plus les commentaires désobligeants sur l’apparence ou l’origine d’une personne. Dans la plupart des cas, il n’est pas considéré comme acceptable de ridiculiser une personne en raison de sa religion, bien que la religion en elle-même soit vilipendée par les intellectuels « éclairés » et les personnalités des médias. L’anti-catholicisme a été un temps surnommé « le dernier préjugé autorisé ». Mais les actes basés sur des préjugés, des commentaires désobligeants au saccage de statues sont accueillis par des légions de défenseurs, institutionnels et individuels, qui défendront la foi. Au moins les détracteurs ne peuvent pas être anti-catholiques et s’en sortir complètement indemnes.

De même, de nos jours, il nous est interdit de commenter le « choix de vie » d’un autre – ou du moins de certains autres. Le caissier du supermarché ne dira rien au client porteur de multiples piercings, tatouages, vêtements déchirés et chevelure violette. Les réseaux sociaux suspendront les comptes si un usager publiait un commentaire négatif sur un « choix de vie », quand bien même l’acceptation publique de ce choix aurait été inimaginable quelques années plus tôt.

Mais quand on en vient au « choix de vie » d’avoir une famille nombreuse, la censure individuelle et sociale disparaît. Après avoir laissé passer le « rocker punk », pourquoi le caissier doit-il me demander : « sont-ils tous les vôtres ? » quand il me voit approcher avec mes enfants ? Les réseaux sociaux font-ils preuve de vigilance pour défendre ceux qui sont ridiculisés pour avoir des familles nombreuses ? Qu’ils soient des étrangers ou des connaissances, il semble que les gens ne peuvent pas se retenir de faire des commentaires sur les familles nombreuses. « Ils ont quelque chose comme six enfants » ai-je entendu l’orthodontiste murmurer à sa nouvelle assistante la semaine passée, comme si le fait était en quoi que ce soit lié à la correction de la dentition de mon fils.

Parfois, même des paroissiens bien intentionnés contribuent au dénigrement des familles nombreuses. J’ai entendu chaque mois des variations sur « vous avez les mains pleines » durant des années. Plus d’une fois, après la messe, une personne pointait le doigt pour compter mes enfants en ma présence, comme si elle ne pouvait pas saisir ce qu’elle voyait.

Cependant, le pire de tout, ce sont les méchantes insultes envers leurs parents que mes fils adolescents reçoivent occasionnellement de leurs pairs. Ces commentaires ne peuvent décemment pas être répétés, bien qu’ils puissent être facilement imaginés.

De tels coup bas contre les familles, venant de tous horizons, me mènent à cette conclusion : l’animosité contre les familles nombreuses est le dernier préjugé autorisé en Amérique.

Les parents de familles nombreuses ne savent que trop bien qu’ils sont des anomalies dans une société qui a transformé les enfants en marchandises plutôt que de les voir comme le but de la vie maritale. Dans la Culture de Mort, on ne s’attend qu’à de petites familles. Après tout, beaucoup de gens sont encouragés maintenant à penser : qui veut s’occuper de petits enfants des années durant ? Cela porte préjudice aux loisirs de papa et à la carrière de maman.

Et maintenant, avec l’idéologie climatique à un niveau fébrile, les familles réduites ne vont-elles pas devenir non seulement la norme mais une exigence ? Les experts climatiques prêchent que réduire le nombre de naissance est le moyen le plus efficace pour diminuer les émissions de carbone. Entre ridiculiser les parents désirant une grande famille et faire pression sur eux pour les empêcher de le faire, il n’y a qu’un pas.

La Culture de Mort et l’idéologie climatique ont été dangereusement efficaces dans leur mission : partout dans le monde il y a un déclin de la population, avec des gouvernements en Europe et en Asie payant les familles pour avoir davantage d’enfants. Par « davantage », ils entendent un, deux ou au maximum trois – au contraire d’aucun. Ces efforts ne sont cependant pas l’affirmation que les enfants sont un bien mais seulement une parade aux conséquences de l’effondrement de la population. Aucune nation au monde ne promeut ce qui était autrefois compris comme « une famille catholique irlandaise typique ».

Dans un tel monde, les familles nombreuses vont rester une cible de choix. Elles sont signes de contradiction : des témoignages de vie, d’amour et de sacrifice au sein d’une culture qui a choisi la mort, l’apathie et l’égoïsme. Les réflexes à la vue de plusieurs enfants indiquent clairement une conscience coupable.

Puisque aujourd’hui le premier motif pour lequel des parents catholiques choisissent d’avoir beaucoup d’enfants est l’amour de Dieu, nous découvrons que le choix que Dieu a présenté à Israël se reproduit dans notre époque séculière et déchristianisée :

J’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction ; choisis donc la vie, afin que toi et tes descendants viviez, aimant le Seigneur ton Dieu, obéissant à Sa voix et s’accrochant à Lui ; car cela signifie pour toi la vie (Deutéronome 30:19-20).

Il peut bien ne jamais y avoir l’équivalent de la Ligue Catholique pour la Religion et les Droits Civils pour défendre les familles nombreuses contre les discriminations. C’est parfait – nous ne cherchons pas des protecteurs terrestres. Que les familles nombreuses soient le dernier préjugé autorisé en dit plus sur les persécuteurs que sur les persécutés, qui savent à quoi ils s’attendent. « Parce qu’il s’accroche à moi dans l’amour, je le délivrerai ; je le protégerai car il connaît mon nom » (Psaume 91:14).

Les parents de familles nombreuses peuvent se lasser des piques et des moqueries mais ils les supporteront avec patience parce qu’ils cherchent l’approbation de Dieu, non celle de la société. Nous avons la promesse de notre Seigneur que l’exclusion sociale nous apporte l’inclusion divine. Ironiquement, l’inclusion étant avant-gardiste dans les cercles éclairés actuels, les familles nombreuses empruntent le chemin difficile pour aller de l’avant : « heureux êtes-vous quand les hommes vous insultent, vous persécutent et disent faussement toutes sortes de mal contre vous à cause de moi. Réjouissez-vous et soyez dans la joie car votre récompense est grande dans les cieux » (Matthieu 5:11-12)