Le cirque à Buffalo - France Catholique

Le cirque à Buffalo

Le cirque à Buffalo

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Les choses ne vont pas très bien pour l’évêque de Buffalo, Richard Malone.

Un grand jury fédéral enquête sur la manière dont son diocèse traite les cas d’abus sexuels commis par des membres du clergé. Cela s’ajoute à l’enquête en cours à l’échelle de l’État sur les huit diocèses catholiques de New York menée par le procureur général de l’État. Et puis il y a les dizaines de poursuites civiles déposées récemment en vertu de la loi sur les enfants victimes, réclamant des dommages et intérêts dans des cas qui dépassaient le délai de prescription. Il semble probable qu’une enquête ecclésiale sur Monseigneur Malone va suivre.

Des questions sur le traitement des abus par Mgr Malone sont dans les nouvelles depuis l’année dernière, quand un ancien assistant a rendu public une mine de documents montrant le diocèse pratiquant la dissimulation – qui est une œuvre de bienfaisance – dans le traitement de plusieurs cas.

Malone, pour sa part, a reconnu avoir commis des erreurs et a présenté ses excuses : « Mon traitement des réclamations récentes de certains de nos paroissiens concernant l’inconduite sexuelle avec des adultes est incontestablement en deçà de la norme que vous nous demandez de respecter et à laquelle nous nous tenons.»

Mais Mgr Malone a également, jusqu’à présent, insisté sur le fait qu’il ne démissionnera pas – tant qu’il pensera avoir le soutien de son troupeau. « Le pasteur, dit-il, ne déserte pas le troupeau à un moment difficile. » Ces dernières semaines, la situation déjà précaire de Malone s’est encore aggravée.

En août, deux séminaristes ont annoncé qu’ils quittaient le séminaire du Christ-Roi de Buffalo, en raison de leurs inquiétudes concernant le harcèlement des séminaristes. Un de ces séminaristes, Matthew Bojanowksi, avait rapporté à Mgr Malone qu’un prêtre diocésain local, le père Jeffrey Nowak l’avait harcelé sexuellement. Les accusations contre le père Nowak comprenaient également le fait d’avoir violé le secret de la confession.

Nous savons que Mgr Malone était au courant des accusations de Bojanowski contre Nowak. En effet, nous savons que Malone croyait aux allégations contre Nowak. Nous le savons parce que le propre secrétaire de Mgr Malone, le P. Ryszard Biernat, a secrètement enregistré des conversations avec Malone dans lesquelles l’évêque a bien dit : « La version courte ici est que nous avons des victimes et nous avons un auteur, et l’auteur est Jeff Nowak, et il a fait des choses qui sont clairement mauvaises, et je pense que c’est un chiot malade. »

Mais si Mgr Malone croyait que le père Nowak était un problème, pourquoi l’a-t-il laissé dans sa paroisse ? Le diocèse soutient qu’il « n’a jamais reçu – et n’a toujours pas reçu – d’accusation selon laquelle le père Nowak aurait eu un contact sexuel avec qui que ce soit, enfant ou adulte ». Les allégations selon lesquelles Nowak aurait violé le secret de la confession restent également « non prouvées », selon le diocèse.

Mais qu’en est-il des allégations de harcèlement sexuel à l’encontre de Nowak ?

En l’occurrence, Malone avait une autre raison d’attendre si longtemps pour agir contre Nowak. Il s’avère que le père Nowak a pu produire des preuves – une « lettre d’amour » – qui suggère fortement que le père Biernat (le secrétaire de Malone) était en couple avec le même séminariste (Bojanowksi) qui avait accusé Nowak de harcèlement sexuel.

Le père Biernat et Bojanowski, par l’intermédiaire de leur avocat, insistent sur le fait qu’il n’y a rien de fâcheux dans leur relation – ils ne sont que des amis – et que parler d’un « triangle amoureux » est « une complète déformation ».

Mais la lettre de Biernat à Bojanowski ne se lit pas exactement comme une amitié platonique entre hommes adultes :

« Te rappelles-tu ? La bibliothèque de la maison de l’évêque ? J’ai d’abord hésité en disant que je t’aime vraiment. Ce que j’ai ressenti pour toi est quelque chose de totalement nouveau et différent de tous les autres sentiments d’amour que j’ai éprouvés. »

Mgr Malone, quant à lui, a déclaré qu’il « n’était pas au courant pour le moment d’accusations d’irrégularité sexuelle entre le père Ryszard [Biernat] et Matthew [Bojanowksi]. » Cela pourrait bien être vrai, techniquement. Étant donné le contenu suggestif de la lettre de Biernat, on peut comprendre pourquoi Mgr Malone pourrait vouloir procéder avec la plus grande prudence et délicatesse.

L’explication de la situation, que le diocèse a donnée dans un communiqué la semaine dernière, fait essentiellement ressortir ce point :

Comme il était évident que la publicité autour de l’enquête sur le père Nowak pouvait conduire à la publication d’une lettre écrite par le secrétaire de Mgr Malone, le père Ryszard Biernat, à un séminariste, Mgr Malone a suggéré que le P. Biernat prît un congé personnel de ses charges de secrétaire de l’évêque et de vice-chancelier. La motivation de Mgr Malone pour cette suggestion était l’espoir qu’une telle démarche pourrait éviter la honte au P. Biernat et au diocèse.

Maintenant, aucun évêque ne veut qu’il se sache que son prêtre secrétaire a eu une relation amoureuse avec un séminariste – encore moins un séminariste qui a déposé des plaintes de harcèlement sexuel contre un troisième prêtre qui est encore dans le ministère. Si Mgr Malone espérait éviter la honte et le scandale, il a lamentablement échoué. Après des mois de retard et des tentatives élaborées pour protéger son diocèse et son secrétaire – et soyons honnêtes, lui-même – de la honte, Mgr Malone n’a réussi qu’à aggraver les choses.

Alors, où en sont les choses à présent ? Le 18 août, Mgr Malone a convaincu le père Biernat de prendre un congé. C’était deux jours après que Bojanowski eut annoncé qu’il quittait le séminaire, invoquant l’incapacité de Malone à prendre rapidement des mesures contre Nowak. Après avoir commandé à plusieurs reprises au père Nowak de se rendre à l’Institut Saint-Luc pour une évaluation de personnalité au cours de l’été, et après le refus répété de Nowak, Malone l’a finalement mis en congé administratif le 28 août.

La semaine dernière, le père Biernat a déclaré à la presse qu’il avait lui-même été abusé sexuellement quand il était séminariste, qu’il avait signalé les abus, que le diocèse avait fait obstruction (avant que Malone ne fut évêque, pour ce que cela vaut) et avait menacé son avancée vers l’ordination.

Quoi qu’il advienne de la situation à Buffalo, Mgr Malone a démontré ce qui devrait désormais être une loi de fer de la gouvernance ecclésiastique : le prix que l’Église paie pour essayer de sauver la face est, en fin de compte, toujours plus élevé que le coût initial de la transparence.

Pendant ce temps, les fidèles, y compris beaucoup trop de survivants d’abus, regardent les cirques comme celui de Buffalo et demandent : « Combien de temps, Seigneur ? »

(12 septembre 2019)

Stephen P. White est membre des Études Catholiques au Centre de politique publique et d’éthique de Washington.