Le chantier de la « raison » : l’imam qui a compris le Pape. La vraie guerre a déjà commencé - France Catholique
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Le chantier de la « raison » : l’imam qui a compris le Pape. La vraie guerre a déjà commencé

Le chantier de la « raison » : l’imam qui a compris le Pape. La vraie guerre a déjà commencé

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L’imam de Bordeaux, ancien président de l’association Imams de France, Tareq Oubrou, a salué l’effort de l’Église catholique qui s’est attelée « au chantier » de la raison : « l’Église ne surfe pas sur l’émotion », et en cela elle mérite d’être « écoutée ».

Il était invité à « C dans l’air », sur France 5, le 19 octobre : une émission inspirée par la vidéo [cf. la chronique de Gérard Leclerc en page 23] visionnée par les évêques réunis en synode au Vatican. N’est-ce pas le cœur du « discours de Ratisbonne » et le cœur de la promotion du dialogue, non seulement avec les religieux mais avec les non-croyants, et les indifférents ?
La vidéo que le cardinal Turkson a voulu montrer au synode le 13 octobre pour illustrer, explique-t-il, le problème de la dénatalité occidentale ne fait plus le « buzz » à Rome mais continue de faire du « buzz » en France.
Une vidéo propre à casser la baraque de qui tisse patiemment le dialogue depuis des décennies. Il y a eu des retours de manivelle immédiats.
Une vidéo qui voudrait faire croire qu’on évangéliserait par peur de l’autre. Je croyais que c’était par amour du Christ Seigneur, qui libère de la peur. « N’ayez pas peur », disait un certain pape polonais qui ne peut pas être taxé d’ingénu.

Qui semble affirmer que l’islam lorsqu’il est au contact de l’Occident et du capitalisme libéral ne saurait être contaminé par les mêmes virus : sécularisation, relativisme, matérialisme, hédonisme, et même hiver démographique. Une immunité démentie par les faits.

Surtout, qui semble dire que la religion progresse par la « guerre des ventres » selon l’affreuse expression par laquelle Christine Pedotti a bien résumé l’effet que la vidéo fait aux femmes. L’Église enseigne la paternité et la maternité responsables depuis trop d’années pour se laisser entraîner par le vertige de ces chiffres inventés. La fécondité en Tunisie, par exemple, est inférieure à la fécondité en France.

Et c’est un cinquième point qui étonne : peut-on fonder un élan d’évangélisation sur des chiffres, et des chiffres mensongers ?
Reste le problème de fond : et si les musulmans — convaincus, pratiquants — devenaient un jour plus nombreux en France que les catholiques ? C’est ce qui est arrivé en Égypte… et dans d’autres nations chrétiennes du Moyen-Orient, devenues arabes et musulmanes.

Et il n’est pas sûr qu’à notre époque on se soit mobilisé pour aider les chrétiens à rester chez eux, là-bas, de l’Irak à l’Égypte, de la Palestine à la Syrie. Qu’en est-il de notre solidarité avec les chrétiens d’Orient ? Un examen de conscience est nécessaire. Avant d’imaginer un avenir si radical, pourquoi ne pas se mobiliser aujourd’hui pour nos frères ?

Et pas seulement pour eux, mais quid des musulmans qui deviennent chrétiens ? Quel espace leur offrir, en respectant leur culture ?
Mais si une telle invasion se vérifiait (nous sommes dans la simulation virtuelle), il faudrait demander la grâce de la fidélité, comme les ancêtres des chrétiens d’Assiout qui ont refusé les avantages fiscaux de l’envahisseur et ont affronté les menaces de mort plutôt que de renier Jésus, le Père et l’Esprit Saint, « Dieu un », comme le Pape l’a dit au Liban.

Mais est-ce qu’on n’est pas en train de se leurrer en imaginant de tels scénarios ? Comme si, dans ce cas, notre foi allait être beaucoup plus en danger que maintenant.

Le mot « confessio », a expliqué le Pape en ouvrant les travaux du synode, le 8 octobre, « porte en soi l’élément « martyrologique », l’élément du témoignage face à des instances ennemies de la foi : témoigner même dans des situations de passion et de danger de mort ».

Benoît XVI ne parle pas exclusivement pour les agriculteurs Tiv du Nigeria, ni pour les chrétiens sous les bombes à Alep, ni pour les évêques disparus des laogai.

Il parle de la condition normale du chrétien dans un monde où l’ennemi du genre humain est homicide dès le commencement et où le martyre se vit aujourd’hui au sein de nos sociétés « libres », au sein de nos familles de baptisés, dans notre cœur même. Il y a des martyrs cachés dans nos propres maisons, au nom de l’amour du Christ et de l’Évangile.

Celui qui veut coûte que coûte rester fidèle à l’Évangile de la charité et de la vérité est aujourd’hui, partout, acculé à l’héroïsme chrétien qui consiste à appeler le Christ au secours de notre faiblesse dans la détresse du quotidien.
Lorsqu’on a demandé au P. Lom­bardi si, malgré la situation — créée par un autre film sur Internet —, le Pape allait partir à Beyrouth au cœur d’un Moyen-Orient en ébullition, il a rappelé que depuis longtemps cette vie était offerte. Sa seule crainte pouvait être de mettre en danger la vie des autres.
Et lorsque Benoît XVI parle de profession de foi, c’est une déclaration de guerre, au péché. L’Année de la foi n’est finalement pas autre chose. Prier chaque jour le credo c’est une déclaration de guerre au péché, de l’intérieur.
La vidéo américaine a failli le faire oublier, mais les Pères du synode ont remis les pendules à l’heure, sans se laisser embarquer : pas de nouvelle évangélisation sans rencontre personnelle de l’amour du Christ, sans expérience de l’amour miséricordieux, sans conversion du cœur, sans le sacrement de la pénitence et de la réconciliation, à commencer par les pasteurs, car si les prêtres se confessent, alors les fidèles se « confessent ». La confession-profession de foi conduit à la confession sacramentelle, et réciproquement.

Voilà le synode vite revenu au principe de réalité spirituelle. La seule guerre que le chrétien a vocation de mener c’est la guerre contre le péché.
Et un de ces péchés ne serait-il pas ce mépris de la raison sacrifiée sur l’autel de ce que Rémi Brague appelle un « débordement de l’affectif qui empêche de raisonner la tête froide » ? À la télévision, ce soir, c’est un imam qui a appelé à donner sa place à la raison, signalant cette voie montrée par l’Église. Merci.