Le bilan du voyage au Royaume-Uni - France Catholique
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Le bilan du voyage au Royaume-Uni

Cent mille personnes jeudi 16 septembre à Glasgow, à la messe de Bellahouston Park, des milliers de jeunes au collège Saint-Mary, jeudi, ou sur le parvis de la cathédrale de Westminster, vendredi, 85 000 pèlerins à la veillée pour la béatification de Newman, à Hyde Park, à Londres, samedi soir, et 65 000 fidèles à la messe de béatification de Newman, le dimanche matin à Cofton Park. Les chiffres, toujours approximatifs, restent inférieurs aux records de Jean-Paul II en 1982, mais ils dépassent les attentes, et le succès de la visite du Pape en Grande-Bretagne est indéniable, qui a littéralement pulvérisé les craintes et la mauvaise humeur de certains…
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Dès le vol de Rome à Edimbourg, le Pape a exprimé sa gratitude à la reine Elizabeth II qui a souhaité pour ce voyage le rang de « visite d’État ». Cette visite a été marquée par des rencontres inédites dans l’histoire de la papauté : rencontre du Pape et de la Reine au palais royal de Holyroodhouse, invitation du Pape aux Maisons du Parlement, au prestigieux Westminster Hall, où l’attendaient les deux Chambres réunies, pas moins de cinq Premiers ministres, côte à côte : David Cameron, Margaret Thatcher, John Major, Tony Blair et Gordon Brown. Le Pape a rencontré David Cameron – auquel il a présenté ses condoléances pour le décès de son père – mais aussi le vice-premier ministre, Nick Clegg, et la leader de l’opposition, Harriet Harman.

Benoît XVI a expliqué à la presse que la visite d’État revêt « un caractère public » spécial et souligne la « responsabilité commune » à la fois de la politique et de la religion, pour « l’avenir du continent », car les « valeurs qui créent la justice viennent de la religion ». Dans ce sens, la visite était « pastorale » et elle manifestait la « responsabilité de la foi » dans la société civile. Le Pape a insisté sur la « coïncidence entre les intérêts de la politique et ceux de la religion » , ces « points de contact » qui permettent de « garantir la justice, la liberté, les valeurs morales et religieuses », et de « garantir le dialogue des religions ».

Que ce soit dans son premier discours, devant la Reine, ou au Parlement, le Pape a rappelé « la grande expérience » de la Grande-Bretagne dans sa lutte contre la pauvreté, les maladies, la drogue, l’esclavage, les atteintes à la dignité humaine. Il a mis l’accent sur l’importance de « l’éducation à la paix », mettant en valeur le patrimoine de valeurs du Royaume Uni comme la « tolérance » et « ouverture » aux autres.

Mais le Pape fonde cette espérance dans la mémoire des bienfaits passés. Lors de son premier discours, à Holyroodhouse, en présence de la Reine qui a vécu ces années-là aux côtés de son peuple, Benoît XVI a rappelé l’héroïsme britannique contre le nazisme : « La Grande-Bretagne et ses dirigeants ont combattu la tyrannie nazie qui cherchait à éliminer Dieu de la société, et qui niait notre commune humanité avec beaucoup jugés indignes de vivre, en particulier les juifs. J’évoque aussi l’attitude du régime envers des pasteurs et des religieux chrétiens qui ont défendu la vérité dans l’amour […] et qui l’ont payé de leurs vies. »

Le pape bavarois est revenu sur cette époque au début de la messe de béatification, à propos du soixante-dixième anniversaire de la Bataille d’Angleterre. « Pour moi, qui ai vécu et subi les souffrances liées aux jours sombres du régime nazi en Allemagne, il est très émouvant de me trouver ici parmi vous en cette occasion et de faire mémoire de vos si nombreux concitoyens qui ont sacrifié leur vie, résistant courageusement contre les forces de cette terrible idéologie […] Ma pensée rejoint d’une manière spéciale la ville voisine de Coventry qui fut frappée au cours du mois de novembre 1940 par des bombardements massifs et de lourdes pertes en vies humaines. »

« Soixante-dix ans plus tard, nous nous souvenons avec des sentiments de honte et d’horreur de l’effrayant coût en vies humaines et en destructions que la guerre entraîne, et nous renouvelons notre résolution de travailler pour la paix et la réconciliation là où pèse la menace de conflits. »
Mais le Pape évoque aussi les autres athéismes du XXe siècle, exhortant à ne pas exclure la foi de la vie publique : « En réfléchissant aux leçons dramatiques de l’extrémisme athée du XXe siècle, n’oublions jamais combien exclure Dieu, la religion et la vertu de la vie publique, conduit en fin de compte à une vision tronquée de l’homme et de la société. »
Mais il y a soixante-cinq ans aussi, la Grande-Bretagne « a joué un rôle essentiel en suscitant le consensus international de l’après-guerre qui favorisa la création des Nations-Unies et inaugura une période de paix et de prospérité jusqu’alors inconnue en Europe. »

Or, c’est l’héritage chrétien qui sous-tend les libertés : « Puisse aussi ce patrimoine qui a toujours servi le bien de la Nation, inspirer constamment l’exemple que votre gouvernement et votre peuple donne aux deux milliards de membres du Commonwealth et à la grande famille des nations de langue anglaise à travers le monde. »

Citant les saints souverains – notamment Édouard le Confesseur et Marguerite d’Écosse -, le Pape a constaté que beaucoup « ont exercé consciencieusement leur souverain devoir à la lumière de l’Évangile, et ils ont ainsi façonné très profondément la nation en vue du bien ». Le message chrétien est « devenu partie intégrante de la langue, de la pensée et de la culture des populations de ces îles depuis plus de mille ans ».
Des Britanniques ont lutté pour la liberté et pour les plus pauvres. Le Pape a évoqué Florence Nightingale, mais aussi William Wilberforce et David Livingstone, et l’intervention directe de la Grande-Bretagne pour abolir « le commerce international des esclaves ».

L’invitation au Parlement a donné à son mes­sage un écho exceptionnel : « Permettez-moi d’exprimer mon estime pour le Parlement qui siège en ce lieu depuis des siècles et qui a eu une influence si profonde pour le développement du gouvernement participatif dans les nations, en particulier au sein du Commonwealth et dans le monde de l’anglophonie en général. » En se rendant au Royaume-Uni, le Pape avait conscience que l’horizon de son voyage, c’était ces deux milliards d’habitants du globe qu’est le « Commonwealth ».

Il a mentionné l’importance du droit anglais pour de nombreuses nations : « Votre tradition de droit commun sert de base aux systèmes législatifs en bien des régions du monde, et votre conception particulière des droits et des devoirs respectifs de l’État et des citoyens, ainsi que de la séparation des pouvoirs, continue d’en inspirer beaucoup sur notre planète. »
Son discours est un voyage dans le temps, en compagnie des grands personnages – comme Thomas More – et des grandes institutions de la Nation, à la recherche des qualités de leur génie propre, comme « la tendance naturelle » de cette Nation « pour la modération » et son « désir d’arriver à un équilibre véritable entre les exigences légitimes du gouvernement et les droits de ceux qui y sont soumis ».

Puis évoquant la crise éthique révélée par la crise financière et économique le Pape a posé la question centrale : « Où peut-on trouver le fondement éthique des choix politiques ? »

La religion peut jouer alors un « rôle correctif » , contesté, mais pourtant indispensable : « La tradition catholique soutient que les normes objectives qui dirigent une action droite sont accessibles à la raison, même sans le contenu de la Révélation. Selon cette approche, le rôle de la religion dans le débat politique n’est pas tant celui de fournir ces normes, comme si elles ne pouvaient pas être connues par des non-croyants – encore moins de proposer des solutions politiques concrètes, ce qui de toute façon serait hors de la compétence de la religion – mais plutôt d’aider à purifier la raison et de donner un éclairage pour la mise en œuvre de celle-ci dans la découverte de principes moraux objectifs ».
Justement, le Pape a dit son inquiétude : « La religion n’est pas un problème que les législateurs doivent résoudre, mais elle est une contribution vitale au dialogue national. Dans cette optique, je ne puis que manifester ma préoccupation devant la croissante marginalisation de la religion, particulièrement du christianisme, qui s’installe dans certains domaines, même dans des nations qui mettent si fortement l’accent sur la tolérance ».

Après ce discours au Parlement, la Baronesse Hayman, de l’assemblée des Lords a remercié le Pape de sa « générosité » – le mot est revenu à plusieurs reprises – dans sa lecture des riches heures du royaume.
D’autres éléments du discours du Pape au Parlement ont été évoqués dans un dîner réunissant la délégation vaticane et le gouvernement britannique. Il a permis de dégager trois priorités de collaboration : « Mettre fin » à la pauvreté (pas seulement « lutter contre » !), au sous-développement, et combattre le réchauffement climatique. Les deux parties conviennent de l’importance de la foi dans la vie des personnes et des États, pour construire une « société forte, généreuse, tolérante ».

Pour le Premier ministre, le Pape a lancé à tout le pays le défi de « s’asseoir et de penser », ce qui « ne peut qu’être une bonne chose ». Au moment où le Pape allait s’envoler pour Rome, David Cameron a même affirmé : « La foi fait partie de la constitution (fabric) de notre pays. Elle l’a toujours été et elle le sera toujours. ».