Le Pape et le Président - France Catholique
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Le Pape et le Président

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Si le père Hamel avait été pasteur protestant, rabbin ou imam, ou grand maître d’une loge, le président François Hollande aurait pu tenir le même discours que le Premier ministre Manuel Valls à la grande synagogue de Paris au lendemain de l’attentat de l’hyper-casher, le même jour que celui de Charlie-Hebdo. Tuer des Juifs c’est attenter à la République, avait dit ce dernier. Le Président le 17 août a dit : « Quand une église est touchée, quand un prêtre est assassiné, c’est toute la République qui est profanée. » La différence est que ce dernier propos a été tenu non à Paris ou en France mais à Rome au Vatican !

De la rencontre avec la presse au sortir de l’audience privée qu’a accordée au président français le pape François en cet après-midi du mercredi 17 août, un point est à noter : en dehors des références obligées à la laïcité française, qui, est-il rappelé, s’applique à tous, croyants et non-croyants, l’accent a été nettement mis cette fois sur la responsabilité de protéger « tous les cultes » à condition « bien entendu », dixit Hollande, qu’ils respectent les autres. Cela constitue une évolution appréciable par rapport au laïcisme ambiant, à l’anticatholicisme habituel en certains milieux ou médias, ainsi qu’à l’antijudaïsme ou l’islamophobie, mais en l’occurrence il s’agissait le 17 août du catholicisme.

Or en matière de catholicisme, l’interlocuteur c’est certes, d’abord, par rang de priorité issu de la proximité, la Conférence des évêques de France, qu’on veut ériger en modèle pour le protestantisme, le judaïsme et l’islam. Un coup de chapeau bienvenu lui a été adressé par le Président pour avoir, par sa réaction, « contribué à l’unité de la France ». Diantre, cela n’est pas rien ! Mais en ressort ultime, tous les chemins mènent à Rome. Certes, les dirigeants français ont laborieusement recherché également des cautions internationales pour les autres religions : récemment encore le grand imam d’Al-Ahzar ou le « commandeur des croyants », le roi du Maroc, Mohamed VI, qui le 20 août, pour la fête nationale, a condamné l’assassinat de tout prêtre comme de tout religieux comme « acte illicite », ou la profanation d’un lieu de culte quel qu’il soit, qualifiée de « folie impardonnable ». Mais il ne viendrait à l’esprit de personne que le président français se rende à Rabat ou au Caire pour remercier l’un ou l’autre. Il est exclu de leur reconnaître une autorité instituée sur les imams de France. Au contraire, on est à l’égard de l’islam, du judaïsme et parfois du protestantisme (la lutte contre les « sectes ») dans une posture ouvertement gallicane.

À l’inverse, derrière chaque évêque, derrière chaque prêtre catholique, on nomme le Pape. On l’a vu douloureusement pour les affaires d’abus sexuels. Rome est mis en cause chaque fois qu’un simple prêtre faute, il est mis en demeure de sévir. Réciproquement, qu’un prêtre meure assassiné en France, la République est en contact direct avec le Saint-Siège.

On se souviendra que lors de sa première audience officielle au Vatican, le 24 janvier 2014, le président Hollande avait amené avec lui le P. Georges Vandenbeusch, missionnaire au Nord-Cameroun, libéré de Boko Haram. Le Pape en avait été très touché. Même démarche ce 17 août, si l’on peut dire, puisque le président cette fois portait avec lui la mémoire du P. Jacques Hamel.

Nos esprits contemporains sont tellement déshabitués des pratiques gallicanes et concordataires que l’on en vient à ne rien voir d’exceptionnel dans cette démarche par rapport à la IIIe République, la référence en matière de relations entre Église et État.

En la matière, l’Église et le terrorisme, le Président a rendu hommage non seulement aux paroles prononcées par le Pape mais « à l’action qui est la sienne ». Il aurait pu se contenter des paroles. L’action, cela va beaucoup plus loin. De quelle manière l’Église romaine agit-elle ? Par la diplomatie pontificale, par les cardinaux et les évêques dans chaque pays respectif, et bien d’autres moyens. Le Saint-Siège ne dispose pas de forces spéciales, mais de réseaux particulièrement bien présents là où quasiment personne n’a accès comme en Syrie ou au Nord-Cameroun. Ce n’est pas pour rien que les chrétiens d’Orient ont été associés aux propos du président français. En 2014, sur les conseils de Nicolas Hulot, François Hollande était aller chercher l’appui du Pape pour la Conférence de Paris sur le climat. Bien lui en avait pris. Cette fois, il s’agit de la lutte contre le terrorisme. Discret, secret, sur un tel sujet, le Vatican n’est pas moins agissant. D’une manière ou d’une autre, Rome protège la France.