« Le Misanthrope » - France Catholique
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« Le Misanthrope »

Le profil du misanthrope est de toutes les époques, c'est ce que nous montre – en respectant toutefois le texte à la perfection – la mise en scène qui en est actuellement donnée au Lucernaire.

page 34 de FRANCE Catholique n°3295, 24 février 2012

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Passée la première seconde de surprise — des comédiens en bras de chemise qui livrent un texte en alexandrins avec la diction parfaitement idoine — on entre vite dans « Le Misanthrope » 1.

Le procédé actualise avec une vivacité renouvelée le propos de Molière, qui lui aussi se moquait de ses contemporains à leur nez et à leur barbe en les imitant jusque dans leur vêture.

On reste coi devant la qualité de la diction et la façon dont elle sert le texte à un point extrême. La scène, noire et ne comportant pour tout accessoire qu’une chaise, n’offre aucune distraction visuelle au plaisir de l’ouïe. Le rythme du vers rend le propos encore plus fort. On réalise soudain, bien plus que dans une mise en scène avec décors, costumes et jeu pseudo-d’époque, combien la critique de l’auteur est vive ! Et encore actuelle…
Comme pour souligner cette actualité, une bande-son délivre tout au long de la pièce un bruit de fond parfaitement contemporain. L’initiative paraît superfétatoire tant le jeu va déjà dans ce sens, mais elle ne gêne pas non plus la compréhension dans la mesure où elle reste discrète.

De façon complémentaire, certains silences ou jeux de regards se montrent parfois aussi forts que les répliques. Ils contribuent à rendre plus fin un comique qui pourrait sinon virer à la farce. On pense ici plus particulièrement aux hésitations d’Alceste ne voulant pas trop blesser Oronte, aux minauderies et fausses pudeurs d’Eliante se faisant courtiser par Philinte, à la scène d’amour entre Alceste et Célimène derrière un canapé…
La mise en scène n’hésite pas à utiliser le registre symbolique ou onirique : certains tableaux muets frappent l’esprit par l’évocation aussi efficace que fantastique des travers et caractéristiques de notre société.

La lumière suit exactement le propos, à la fois dur et par moments adouci : si des projecteurs blancs directs rendent compte de cette violence, d’autres, ambre et sous des angles plus complémentaires, atténuent les traits.
Le rythme vient régulièrement casser la monotonie que la musicalité de l’alexandrin pourrait induire, et le spectateur s’en montre ravi.
Bref, un vrai moment de plaisir, à la hauteur de l’actualisation du propos.

http://www.lucernaire.fr/beta1/index.php?option=com_content&task=view&id=1025&Itemid=56

  1. « Le Misanthrope », de Molière. Mise en scène : Dimitri Klockenbring. Avec Tristan Le Goff, Lorraine de Sagazan, Thomas Zaghedoud, Joséphine Mikorey, Pierre Buntz… Du mardi au samedi (21h30), dimanche (15h) jusqu’au 18 mars, au Lucernaire, 53, rue Notre-Dame-des-champs, 75006 Paris, tél. : 01.42.22.26.50.