Le Mal est un vivant - Souffrances et douleurs de Jésus, le Christ (Seconde partie) - France Catholique

Le Mal est un vivant – Souffrances et douleurs de Jésus, le Christ (Seconde partie)

Le Mal est un vivant – Souffrances et douleurs de Jésus, le Christ (Seconde partie)

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Il faut bien en venir à ce sommet insurpassable, la Passion du Seigneur, qui commença dès la Montée à Jérusalem et fut conclu par la Résurrection. L’entrée officielle de ces jours sans pareils fut le radieux quoique souffrant triomphe de la réception dite des Rameaux, où Il fut acclamé comme Roi et libérateur d’Israël alors qu’Il ne venait que pour sauver les âmes, toutes les âmes ayant vécu depuis les commencements, toutes celles qui viendraient jusqu’aux dernières secondes.

Souffrance cachée que d’être ainsi pris pour celui qu’Il refusait d’être.
Du lundi au jeudi, Il pris le temps d’enseigner une dernière fois ceux qu’Il aimait, ceux dont Il avait fait ses amis et qui, sauf l’un d’eux, le trahirent en s’enfuyant lorsque commencèrent les divers épisodes mis en scène par l’Ennemi.

On ne peut pas en effet éliminer de ces événements la présence du Tourmenteur. Il convient de déceler les traces des forfaits de ce fourbe et mensonger personnage : ainsi il se tint derrière Judas jusqu’à son suicide, derrière Pierre aussi jusqu’à l’aveu de sa traîtrise ; il savoura les sursauts violents au plus profond du cœur de chair de Jésus, ces spasmes secrets provoqués notamment par les deux dépars de l’Iscariote : à Béthanie comme au Cénacle ; à Gethsémani, Jardin du Pressoir à Olives, il déploya tout son savoir-faire pour tenter d’effrayer et troubler sa victime : la « sueur de sang » qui surprit Pierre, Jacques et Jean témoigna que ce fut le symbole d’une « souffrance de tout l’être absolument intolérable », définition médicale de l’hématidrose ; puis Jésus se livra et parcourut, sauvagement enchaîné, le chemin hasardeux jusqu’au logis nocturne de l’ancien grand prêtre Hanne, père du nouveau, Caïphe ; ensuite ses ennemis le conduisirent du Grand Sanhédrin jusque chez Pilate, qui en fit l’offrande à Hérode, lequel, le couvrant d’un manteau rouge, le traita comme s’il n’était qu’un imbécile : est-ce pourtant que ce fut pour inciter le Procurateur à respecter la loi romaine qui interdisait que soient exécutés les fous ?

Devant Caïphe, il reçut, pour une remarque faite au Grand Prêtre qui déplut à un garde, un coup de bâton de 4 cm de diamètre qui lui valut, cela se voit sur le visage du Linceul, une grosse intumescence qui traverse en oblique toute sa joue droite pour atteindre la base du nez, que l’on voit écrasé.

Et pourtant, Jésus approuva certainement Caïphe, Grand Prêtre en fonction, quand il leva ses bras pour Le condamner à la honte la plus extrême, celle du blasphème dont le Linceul, son dernier vêtement, prouve par la barbe arrachée dont parle Isaïe que c’est bien ainsi qu’il fut calomnié : quelle plus forte humiliation aura-t-il connue ? Il fut la victime de la lâcheté de Ponce Pilate : les supplices qu’Il dut subir, tout entier dévêtu, l’Empire faisait savoir qu’ainsi les condamnés, donc Lui, étaient considérés, non plus comme des hommes, mais seulement des animaux.

Oui, il fut obéissant aux soldats du Temple puis de Rome : Il supporta en silence tout ce qui lui fut imposé par ses bourreaux jusqu’au coup de lance. Jamais victime ne fut aussi obéissante et douce, jusqu’à ne faire aucun mouvement violent lorsque l’on enfonça l’unique clou qui suffit à transpercer ses deux pieds.

On le comprend, le Prince des Ténèbres avait bien mis en œuvre toutes les ressources du Mal dont il était le Maître depuis son refus absolu d’accepter ce que le Père avait décidé, aimer de tout son être ces pauvres créatures que nous n’avons jamais depuis cessé d’être.

Ce que disent les évangiles au sujet des souffrances comme des douleurs de Jésus sont paroles pleinement authentifiées par la double empreinte de son Linceul, qu’Il a pris grand soin de nous conserver. Les travaux des centaines et centaines de scientifiques qui exploitèrent les ressources de soixante-neuf disciplines, la soixante-dixième ayant été rejetée parce que technique inadaptée à la datation d’un si « vieux tissu ayant beaucoup vécu », ont été déterminants : nous ne savions quasi rien de ce que furent en ces temps-là les flagellations et les crucifixions romaines ; aujourd’hui, nous avons étudié les empreintes de son corps et reçu de lui des enseignements parfois plus que rudes.

Jésus fut d’abord flagellé, ce que dit comme en passant saint Jean l’évangéliste : mais que fut ce supplice ? Nous ne le savons qu’aujourd’hui après avoir contemplé l’indicible : Pilate avait ordonné à son officier de « châtier » Jésus, soit lui infliger les vingt-cinq coups prévus par la loi romaine ; or nous en comptons officiellement une centaine, auxquels il faut ajouter ceux qui ne se voient pas… Les bras ont disparu lors de l’incendie de Chambéry en 1532 ; la tête du Christ forme un angle de 70° avec son corps, ce qui fait que le linge posé sur la tête n’atteint la poitrine que vers son milieu, d’où une vaste zone restée vierge de toute image : il convient donc d’ajouter pour cet ensemble au moins de trente à quarante coups…

Les juifs disaient : « Quarante moins un », car ce dernier était alors considéré comme « potentiellement mortel ». Les quelques 100 coups supplémentaires reçus par Jésus sont évidemment plus que « potentiellement mortels » : on doit donc penser que, normalement, Jésus a dû ou bien mourir au cours de la flagellation – elle causa notamment l’arrêt des reins et une terrible inflammation de la plèvre –, et fut par nécessité remis debout par son Père, ou bien Il a lutté de toute sa volonté contre cette mort parce qu’Il avait conscience qu’Il devait absolument rester vivant jusqu’à l’instant où enfin Il pourrait s’écrier « Tout est accompli ». Un Père de l’Eglise en avait eu l’intuition. Je retiens simplement que ce supplice a certainement été vécu par Jésus comme l’un des sommets de douleur de sa Passion.

Après ce supplice, qu’Il reçoive la couronne d’épines ne paraît être qu’un jeu de bourreaux… Il semble que la plupart de ceux qui prient le Chemin de Croix ne perçoivent pas très bien ce que signifie en termes de douleurs les si nombreuses traces d’épines qui s’enfoncèrent sur son crâne, principalement sur la nuque où se constatent de nombreux écoulements de sang. Un détail m’a depuis longtemps affolé : plusieurs de ces épines de 4 à 6 centimètres de longueur se sont enfoncées au creux de la nuque, là-même où se rassemblent les nerfs venus de tout le corps pour pénétrer dans le cervelet… Elles furent aidées, si j’ose m’exprimer ainsi, par les bourreaux qui s’acharnèrent à frapper sur ces épines avec un bâton en disant « Devine qui t’a frappé ».

Dans l’état d’épuisement où se trouvait obligatoirement Jésus depuis la sueur de sang, depuis la nuit passée dans le froid au fond d’un puis-cachot, on se doute que se rendre jusqu’auprès de Ponce Pilate a dû Lui être très pénible, de même rester debout devant le procurateur : ce fut pire quand, sans doute aucun chargé de la croix haute ou « crux sublimis », Il reçut ce poids de plus de cent kilos sur ses épaules. La tradition parle de ses chutes, le Linceul en témoigne : se distinguent des poussières ensanglantées sur ses genoux, aussi une grosse enflure sur l’os situé sous son œil droit.

Évidemment, le témoin de toile montre le clou rond du poignet de 8 mm de diamètre, et celui carré qui fixa solidement les deux pieds posés l’un sur l’autre : sans oublier qu’une fois ainsi attaché au bois de la croix, il fallu relever la croix, jusqu’alors posée au sol, afin de la transporter sans ménagement aucun et la redresser pour la faire pénétrer à la verticale dans le trou creusé par les bourreaux. N’essayons pas de « mesurer » en esprit l’intensité de ces douleurs inconnues.

Pendant trois heures il fut progressivement atteint de divers troubles extérieurs comme intérieurs : son foie fut atteint par les types de douleurs qui lui sont propres, accentuées par les nombreux problèmes de son cœur, auxquelles s’ajoutèrent celles de la vésicule biliaire. On ne peut en outre oublier la survenue probable d’une colique hépatique et d’une « hépatalgie d’effort » qui relie dans de très vives douleurs le foie et le cœur trop malmenés.

Ses poumons luttaient de plus en plus pour assurer leur travail, alors qu’ils supportaient l’atroce pleurésie due à la flagellation : s’ajoutait à cela le fait que Jésus avait perdu beaucoup de sang dès l’heure passée à Gethsémani – hématidrose importante – puis lors de la flagellation : mais personne ne lui donna à boire et donc sa bouche se dessécha, de même sa gorge devenue de plus en plus douloureuse. La soif, tel un feu, le faisait souffrir d’une façon effrayante, ce que souligne le Psaume 21 (22) : « Ma vigueur se dessèche, tesson d’argile, et colle à mon palais ma langue ».

Certes, quoique soutenu sous les aisselles par des liens, le moindre mouvement agissait sur les clous qui, traversant les poignets, raclaient les nerfs dont les réactions étaient parfois insoutenables : ces clous, dès les premiers coup de marteau, avaient provoqué le retrait des pouces sous chaque paume.

Mais surtout, à partir des pieds, nous l’avons appris peu à peu, monta lentement, sur trois heures, une tétanisation impitoyable qui, parvenue jusqu’au visage, suscita, mais juste avant la mort, le phénomène de la rigidité cadavérique, qui dura jusqu’au moment de la résurrection.
Survint alors la mort du Crucifié, la seconde après ce grand cri dont nul ne sait à qui il s’adressait.

Inutile que j’aille plus loin : seul le Christ a parcouru un chemin si long au sein de ce qui nous tue, le Mal, afin de nous en tirer, ou sauver, par l’offre de son amour.