Lavement dans une vasque de pardon - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Lavement dans une vasque de pardon

Traduit par Pierre

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C’est une entrée en matière bien particulière pour une messe, ou, mieux (pire ?), une ordination : « En vérité, en vérité, je vous le dis, l’un d’entre vous me trahira. »

Mais celui qui prononçait ces paroles était bien généreux. Il eût été plus précis en déclarant : « En vérité je vous le dis, vous tous me trahirez. L’un d’entre vous me vendra pour de l’argent. Un autre me reniera trois fois avant le chant du coq. Les autres fuiront. Et un seul d’entre vous sera assez loyal et courageux pour assister à ma mise à mort. »

En dépit de ces trahisons imminentes dont il était conscient et des protestations aveugles et prétentieuses de chacun des apôtres — « pas moi, Seigneur ! » — Jésus poursuivit imperturbablement la première célébration eucharistique par l’ordination de ceux qui, peu après, seraient des traîtres.

C’est pour nous un profond mystère que mesurer la portée de ce Jeudi Saint après l’espèce de carême infligé en Juin dernier par la vague mondiale de révélations sur les scandaleuses trahisons de tant de successeurs des apôtres, évêques et prêtres.

Alors qu’en immense majorité évêques et ptêtres sont innocents d’un comportement si exécrable, ils souffrent collectivement et doivent réparer les dégats, payer la note, rétablir la confiance, subir colère et insultes et rebâtir ce qui n’aurait jamais dû être détruit.

En ce Jeudi Saint nombreux sont ceux qui montent, bouleversés, vers l’autel de Dieu. Et le peuple de Dieu se rassemble, affligé.

Et voilà pourquoi les gestes et paroles de Jésus lors du Dernier Repas ont un sens aussi significatif, non seulement historique, mais éclairant et réconfortant. La manière dont Jésus prépara ses premiers ministres à se remettre de l’immense scandale de leur trahison montre à présent à l’Église le chemin et l’espoir.

Au début du Dernier Repas, Jésus lava les pieds de Judas, de Pierre, et autres apôtres, malgré leurs prochaines trahisons. On a tendance à réduire la signification de cet acte prophétique à un exemple de service plein d’humilité, désir d’accomplir les tâches repoussantes au service d’autrui. Mais comme S.S. Benoît le souligna plus intensément lors de son homélie du Jeudi Saint 2008, ainsi que dans le tome II de « Jésus de Nazareth » il s’agit bien plus sérieusement du nécessaire pardon des péchés.

Jésus lave les pieds car ils ont été en contact avec la saleté du monde ; Il ne lave ni mains ni têtes car le corps a déjà été purifié par l’eau du baptême. Jésus purifiait symboliquement Ses apôtres de leurs péchés afin qu’ils pratiquent la prêtrise et célèbrent l’Eucharistie. Il montrait le besoin de purification pour leurs âmes, et non seulement pour leurs pieds. Un tel don est la source du sacrement de l’Eucharistie et de tous autres sacrements.

Le pardon n’implique pas l’indulgence pour la corruption. Bien au contraire, il signifie le soutien pour rejeter pieds et mains ayant induit au péché. Mais il montre que Jésus était conscient des trahisons qu’Il subirait, même de Ses proches, et souhaitait tirer profit même de ces trahisons.

Il pria, par exemple, pour que la foi de Pierre ne fléchisse pas et qu’après sa faute « il affermisse ses frères » [Lc, 22-32]. Réconciliés, les Onze seraient les messagers crédibles du possible pardon des péchés — et les humbles ministres de ce miracle.

L’amour miséricordieux de Jésus, comme le déclarait S.S. Benoît, est la vasque dans laquelle Il nous purifie. Et son œuvre est destinée à se poursuivre par le clergé grâce au sacrement et à l’exemple reçus et partagés. Il reste encore bien du nettoyage à faire.

Autre immense don reçu de Jésus lors du Dernier Repas : Sa prière. Il pria clairement pour les apôtres et ceux, à leur suite, qui porteraient leur foi en Lui par leur travail, qu’ils soient protégés du mal, épargnés au nom du Père, consacrés à la vérité et parfaits dans leur union.

Ces prières n’ont pas de « date de péremption ». Jésus espère toujours que les prêtres et les fidèles de nos jours coopéreront tout comme le firent d’évidence les premiers apôtres et disciples.

Le troisième don majeur est l’Esprit Saint que Jésus promit d’envoyer pour nous rendre conscients du péché, du devoir de bien nous comporter, de rechercher la vérité, et de retenir tous les enseignements. Un don d’une telle ampleur qu’il valait mieux, dit Jésus, qu’Il laisse la voie ouverte à la venue de l’Esprit Saint.

Un don tellement chargé de pouvoir que ces onze quittant la salle lors de ce Jeudi Saint pour commettre la trahison envers Jésus connaîtraient cinquante-trois jours plus tard la lumière illuminant le monde.

Se relever des scandales appelle sept dons de la part de l’Esprit Saint. Il faut que l’Église soit profondément convaincue, en ce qui concerne les fautes du clergé, que furent commises de lourdes fautes en tant d’occasions de viols de mineurs et autres formes d’incestes par des prêtres à l’encontre d’enfants de Dieu.

L’aide de l’Esprit Saint est nécessaire pour saisir toute la vérité sur les causes d’abus et la signification de la sexualité de l’homme, la chasteté dans le célibat et la paternité spirituelle.

Quatrième et ultime don de Jésus : au cours du Dernier Repas : Jésus nous incite à nous aimer les uns les autres comme Il nous aime, jusqu’à risquer d’en perdre la vie. Il nous invite à pratiquer l’amour mutuel à l’image de son amour pour nous. Son appel : suivre son commandement d’amour.

Commandements exigeants, mais Jésus ne nous invite à les suivre qu’en nous en donnant les moyens, tout étant possible grâce à Lui. Ces directives ont été négligées, causes de scandales, et en certains cas gravement sous-estimées. Remettre tout à sa place, et s’atteler à une remise en ordre, tel est l’indispensable programme de rétablissement pour l’Église.

L’Histoire de l’Église nous montre que sa remise en ordre débute avec une renaissance du clergé.

Et la renaissance du clergé commence toujours en participant à l’œuvre de Jésus lors du Jeudi Saint.

Jeudi 18 avril 2019.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/04/18/bathing-in-the-basin-of-mercy/

Le lavement des pieds (El Lavatorio) – le Tintoret, 1548 – 1549. Musée du Prado, Madrid.