La veuve et l'orphelin de notre époque - France Catholique

La veuve et l’orphelin de notre époque

La veuve et l’orphelin de notre époque

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La prise en charge des veuves et des orphelins est un thème constant tant dans l’Ancien Testament que dans le Nouveau. Des exhortations et des dispositions sur la façon de les traiter sont écrites dans le Deutéronome et dans l’Exode. Le livre de Job, les Psaumes et les livres prophétiques tout particulièrement dénoncent sans cesse la maltraitance envers les veuves et les orphelins comme un mal qui sera vengé par Dieu.

Dans le Nouveau Testament, Jésus réprimande les pharisiens en raison de leurs injustices envers les veuves. Saint Jacques, dans son épître, présente l’aide aux veuves et aux orphelins comme une œuvre majeure devant caractériser la foi des chrétiens. Les Grecs convertis se plaignent aux Apôtres que leurs veuves ne sont pas aussi bien traitées que celles d’origine hébraïque (Actes 6:1). Et Saint Paul se réfère à divers facteurs qui devraient régler le traitement des veuves dans la communauté de Timothée (1Tim. 5:3).

Dans l’environnement social de l’Église primitive, la durée de vie était d’environ 35 ans – en raison surtout du taux extrêmement haut de mortalité infantile. Si vous tenez compte de cela, l’espérance de vie à l’âge de 10 ans était probablement de 45 ou 47 ans. Les femmes, c’est connu, ont toujours vécu plus longtemps que les hommes. Par conséquent les veuves, y compris les veuves pourvues d’enfants étaient plus nombreuses que les veufs. Et pour les premières communautés chrétiennes, un défi constant à la justice sociale a été les besoins des veuves et de leurs enfants qui avaient perdu leur soutien de famille.

Dans les temps modernes, en dépit d’une plus longue espérance de vie et des réseaux sociaux disponibles dans les pays industrialisés, le problème de l’assistance aux veuves et à leurs familles perdure. Cependant, à l’heure actuelle, un problème peut-être encore plus critique pour l’Église et pour les gouvernements (suite à la révolution sexuelle et à l’ère du divorce en l’absence de faute) est la pléthore de divorcées, qui deviennent souvent les gardiennes appauvries d’une famille mono-parentale. Les femmes aux foyer, qui dépendaient financièrement de leur mari et qui sont soudain abandonnées et laissées pour ramasser les pots cassés sont particulièrement affectées. Et il y a ensuite les femmes qui travaillent mais dont les revenus suite au divorce sont insuffisants à entretenir un foyer, couvrir les besoins des enfants et ainsi de suite.

Actuellement, l’Église est en débat pour décider si des femmes catholiques, qui sont souvent dans cette situation et qui se sont par la suite remariées peuvent recevoir la Communion. Les cas impliquent souvent des divorcées abandonnées par des époux qui décident qu’ils sont gays, ou qui se montrent violents envers leur épouse et leurs enfants, ou qui ne veulent plus s’embêter avec des enfants, ou qui veulent tout simplement se remarier. Il est certains que de telles femmes sont susceptibles de se remarier non pas uniquement pour l’amour et la compagnie, mais également pour le motif supplémentaire de subsister et d’élever leur famille quand aucune aide publique substantielle n’est disponible.

Dans un sens, les femmes récemment divorcées sont l’équivalent de ce qu’étaient les veuves que les premiers chrétiens étaient exhortés d’assister. Certaines paroisses ont institué des associations pour les parents isolés afin d’aider à répondre à ce problème. Mais si l’Église veut rester fidèle à l’indissolubilité du mariage sacramentel pour ses membres divorcés, y a-t-il des mesures efficaces pour aider de tels parents à conserver leur dignité, rester célibataires et pourvoir aux besoins et à l’éducation de leurs enfants ?

Dans ma propre famille, j’ai vu des cas ou des épouses divorcées avec trois enfants et plus ont fini par s’installer chez des proches pendant des années, après que toutes leurs tentatives d’indépendance économique aient échoué. Mais des arrangements avec la famille élargie ne sont pas souvent disponibles, et c’est une « charité » qui mérite certainement une assistance organisée de la part de l’Église. Pour beaucoup de ces divorcées, il n’est pas suffisant de dire : »portez-vous bien et prenez soin de votre famille – mais si vous êtes mariés à l’église, rappelez-vous que ce mariage est indissoluble. »

Il y a également des équivalents contemporains aux orphelins de l’Église primitive. Les exemples les plus visibles sont probablement les enfants victimes du divorce, non désirés, victimes de négligence ou de cruauté, souvent fugueurs, ou errant de famille d’accueil en famille d’accueil.

Les orphelinats semblent actuellement dépassés, sans conteste en partie par peur du syndrome « Oliver Twist ». Et il y a certains cas graves de la vie réelle, tels les scandales récemment révélés dans les orphelinats irlandais tenus par les Frères des écoles chrétiennes et les Soeurs de la Miséricorde, ou les accusations d’abus sexuels contre l’ancien orphelinat Saint-Joseph à Burlington, dans le Vermont. Si vous cherchez sur orphanage.org, vous découvrirez qu’il y a encore quelques orphelinats tenus par des catholiques, des protestants ou sous tutelle privée. Mais nombre d’entre eux ont changé leur appellation en « foyer pour enfants », beaucoup se sont diversifiés en centre de recherche de familles d’accueil ou en centre de traitement pour enfants ayant des besoins spécifiques. Et certains des sites internet d’orphelinats sont uniquement destinés aux anciens pensionnaires d’orphelinats ayant cessé d’exister depuis des décennies, afin qu’ils puissent garder contact entre eux ou avec leurs anciens professeurs.

A l’époque où l’avortement n’était pas encore devenu le dépannage rapide pour les enfants non désirés, j’avais une parente qui avait placé tous ses enfants dans un orphelinat californien tenu par des religieuses catholiques. Mais actuellement, comme pour les écoles catholiques, on aurait du mal à trouver des religieuses pour un ministère aussi exigeant.

Le placement en famille d’accueil semble une alternative à l’adoption pour certains, mais avec un record inégalé de dossiers d’enfants sans père. De nombreuses organisations pro-vie existent et méritent d’être soutenues, mais peu d’entre elles se focalisent sur l’adoption – qui semble être la réponse la plus clairement positive à la tentation d’avorter. Seules quelques organisations se sont spécialisées dans l’aide aux femmes pendant leur grossesse et également dans la recherche de parents adoptifs bons et compétents.

Il y a des couples sans nombre qui voudraient adopter des enfants – un processus qui implique de longues recherches, des dépenses considérables et un tas de paperasserie. Le pape François se démène pour rendre la procédure de reconnaissance de nullité de mariage plus rapide et moins compliquée. Rendre l’adoption plus facile n’est certainement pas moins important et pourrait aider à réduire nos effrayantes statistiques d’avortement. Peut-être que certains des manifestants devant les avortoirs devraient porter des pancartes disant : nous vous aiderons à faire adopter votre enfant.

Il y a bien sûr encore de nombreuses veuves et de nombreux orphelins au sens biblique du terme, mais les changements dans la morale et la prédominance du divorce facile ont créé des problèmes ayant un air de famille.

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Howard Kainz est professeur émérite de philosophie à l’université de Marquette. Il est aussi l’auteur de plusieurs livres.

Illustration : « La veuve et son bout de chou » par James J. Tissot, vers 1890

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/09/26/todays-widows-and-orphans/