La religion dans la cité - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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La religion dans la cité

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Hier matin, à l’Assemblée nationale, un colloque sur la laïcité, tenu à l’initiative des socialistes, a provoqué des échanges contradictoires intéressants. Ainsi pour Bruno Le Roux, qui dirige le groupe des députés socialistes : « Les organisations religieuses ne sont pas des interlocuteurs politiques. » Propos immédiatement mis en cause par Mgr Olivier Ribadeau-Dumas, secrétaire général de la Conférence des évêques de France : « Nous ne sommes pas des acteurs politiques, mais nous sommes des partenaires des institutions. » N’est-ce pas l’évidence même ? Il est vrai que cette réalité déplaît fortement à ceux qui voudraient, selon encore Mgr Ribadeau-Dumas, « une société chimiquement pure » délivrée des appartenances religieuses. Un tel échange est significatif des positions très contrastées sur le fond, alors même qu’on pense qu’il y a consensus généralisé sur la signification de la laïcité.

Pour certains, il s’agit de réduire au maximum l’expression religieuse dans l’espace public, lui-même dominé par une philosophie officielle, dite républicaine, et dont, par exemple, le maître du Grand Orient s’estime être le porte-parole autorisé. Daniel Keller, ledit grand maître, lors du même colloque, ne s’est-il pas insurgé contre « la timidité des pouvoirs publics à rappeler les règles » ? C’est vrai qu’il y a loin d’une rigidité idéologique à une pratique prudentielle, qui règle les problèmes, avec les partenaires obligés, dans le sens de l’intérêt commun.

On mettra sans doute encore beaucoup de temps à s’accorder sur des principes vraiment consensuels. Ainsi dans son livre passionnant, intitulé Terreur dans l’Hexagone (Gallimard), Gilles Kepel, spécialiste incontesté des questions islamiques, exprime in fine son désaccord avec Pierre Manent. Manent – faut-il le rappeler ? – est d’avis de donner précisément aux instances religieuses une mission civique à l’heure où l’islam est en lui-même une question politique. Gilles Kepel se refuse à faire intervenir des relais, hors du strict périmètre de la puissance publique. Lui-même désigne dans l’instruction publique le seul acteur vraiment efficace pour contrer la radicalisation islamiste. Certes, le débat est toujours possible pour examiner la place et le rôle des différents partenaires. Mais il serait dommageable, par rigorisme idéologique, de se priver des instances religieuses, dès lors que leur fonction civique est avérée.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 6 janvier 2016.