La raison est plus qu'une somme d'arguments percutants - France Catholique
Edit Template
L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
Edit Template

La raison est plus qu’une somme d’arguments percutants

Traduit par Bernadette Cosyn

Copier le lien

Le cœur a ses raisons que la raison ignore… Nous connaissons la vérité, non seulement par la raison mais également par le coeur. – Blaise Pascal (1623 – 1662).

Au départ, j’ai été conduit à la philosophie par l’apologétique chrétienne. Aussi loin que je me souvienne, les aspect cognitifs de ma foi – et la façon de les justifier – étaient toujours au premier plan dans mon esprit. En 1968, quand mes parents m’ont demandé quel cadeau je voulais pour ma première communion, j’ai répondu « une bible ». Alors que chacun des autres futurs communiants avait demandé une médaille d’un modèle ou d’un autre, je me concentrais sur le logos. J’étais un étrange petit catholique.

Adolescent, je quittai l’Eglise et devint protestant évangélique. Je me trouvais attiré par les auteurs et écrivains dont le principal travail avait été de défendre la justification intellectuelle du christianisme. En fait, avant d’aller en 1984 à l’université de Fordham pour y décrocher une maîtrise et un doctorat en philosophie, j’ai étudié pendant une courte période dans un petit programme évangélique d’études supérieures (qui a depuis fusionné avec une université évangélique bien plus réputée) où j’ai obtenu une maîtrise en apologétique.

Les années passant, comme je l’ai déjà écrit dans ces pages, j’ai commencé à discerner en moi un désir démesuré de traiter mes convictions chrétiennes comme de simples données sur lesquelles je pouvais exercer le pouvoir d’une raison impartiale, comme si elles n’étaient rien de plus qu’un recueil d’hypothèses que j’étais requis de prouver, pour ma propre satisfaction.

Plutôt que de voir les éléments de ma foi comme un aspect intégral bien que non exclusif d’un parcours ne pouvant être effectué sans les vertus théologiques de foi, d’espérance et de charité, j’abordais ces éléments comme s’ils étaient une simple collection d’énigmes intellectuelles à résoudre.

Je commençai aussi à découvrir que plusieurs de mes héros évangéliques de l’apologétique n’étaient pas des gens fort aimables. Bien sûr, ils étaient super intelligents et ils pouvaient affronter tous les arrivants avec une diversité d’arguments savants et irrésistibles. Mais tous comptes faits, je n’avais pas envie de leur ressembler. En dépit de leurs invitations à un christianisme intellectuellement sérieux, nombre d’entre eux optaient pour des raccourcis intellectuels tranchants plutôt que d’évaluer patiemment et soigneusement un argument critique.

Deux en particulier, arrivant au crépuscule de leur vie, devinrent des caricatures de leur jeunesse autrefois prometteuse. Quand les vertus vedettes – jeunesse, charme, vive intelligence – qui les avaient un temps bien servis ont commencé à décliner, les vices qu’ils n’avaient pas convenablement jugulés en leurs jeunes années ont commencé à s’affimer agressivement. Ils ont fini par franchir le seuil entre un vieux bourru attachant bourré de talents et un vieux coléreux couché sur ses lauriers fanés.

Bien sûr, j’avais beaucoup d’autres héros évangéliques de l’apologétique qui n’étaient pas seulement des érudits hors série dans leurs disciplines respectives, mais tout autant des gens de coeur. Ce dernier groupe, contrairement au précédent, était constitué d’hommes et de femmes de prière et de dévotion, d’une profonde piété, et également charitables. parce que leur foi chrétienne ne se résumait pas à un combat cérébral, ils avaient une attitude attirante et irradiaient la joie, le contentement et une réelle curiosité intellectuelle. J’avais envie de leur ressembler.

Lorsque je réintégrai le monde catholique, il y a près de huit ans, je découvris un phénomène similaire. Certains apologétistes catholiques étaient comme le premier groupe que j’avais découvert : ils avaient souvent de magnifiques arguments, mais des âmes sombres. Ils semblaient perpétuellement en colère, rejetant les critiques comme des aveugles insensés motivés par une mauvaise religion.

D’autres, à ma grande joie, étaient comme le deuxième groupe. Ils comprenaient que l’évangélisation ne se limite pas à présenter des arguments à vos voisins pour les gagner à Jésus, il faut présenter Jésus à vos voisins par votre exemple afin qu’ils aient envie écouter vos arguments.

C’est, je pense, ce que le pape François essaie d’enseigner à l’Eglise concernant la nouvelle évangélisation. Comme le Saint Père l’a écrit en 2013 dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium :

Il est vrai que dans nos rapports avec le monde, on nous demande de donner les raisons de notre espérance, mais non comme un ennemi qui critique et condamne. Cela nous est dit très clairement : « faites-le avec douceur et respect » (1 Pierre 3:15) et « s’il est possible, autant qu’il dépende de vous, vivez en paix avec tous » (Rom. 12:18). Il nous est dit aussi de vaincre « le mal par le bien » (Rom. 12:21) et de « travailler au bien de tous (Gal. 6:10). Bien loin de chercher à apparaître comme meilleurs que les autres, nous devrions « en toute humilité, considérer les autres comme meilleurs de nous-mêmes » (Phil. 2:3).


Francis J. Beckwith est professeur de philosophie et d’ecclésiologie à l’université de Baylor.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/reason-is-more-than-just-arguments.html

Illustration : Il y a des chrétiens dont les vies ressemblent à un Carême sans Pâques. – Le pape François