La raison du marché est toujours la meilleure - France Catholique

La raison du marché est toujours la meilleure

La raison du marché est toujours la meilleure

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Serait « folle » l’idée que les marchés ont « toujours raison ». Mais le marché n’est jamais qu’une procédure de libre choix, de coordination et de découverte.

Pour la plupart des commentateurs, la secousse financière actuelle est de la responsabilité des marchés, il conviendrait donc de leur faire entendre raison.

Mais peut-on tenir pour responsable quelqu’un qui n’existe pas ? Le marché n’est pas une personne, ni une société secrète (« les gnomes de Zurich » ou « les spéculateurs de Wall Street »). S’il y a des gens à incriminer ce sont ceux qui opèrent sur les marchés, et non pas la procédure marchande.
Cette procédure s’est progressivement imposée dans l’histoire de l’humanité. Les hommes ont compris l’avantage d’échanger, de conclure des contrats, de passer des marchés.

Quant à la raison du marché, c’est précisément d’échanger. L’échange permet de tirer avantage de la diversité des besoins et des moyens : nous ne désirons pas tous la même chose, nous n’avons pas tous les mêmes facilités. L’échange est une rencontre entre êtres humains divers, auxquels est laissé le libre choix de leur mode de vie. Aller au marché, faire son marché, c’est avoir le choix. Voilà pourquoi le marché est exclu des sociétés totalitaires.

C’est l’extension des marchés qui a fait « la richesse des nations » (Adam Smith). L’élargissement de l’espace d’échange représente toujours un bond en avant et un facteur de compréhension entre les peuples : nous nous enrichissons de nos mutuelles différences. L’élargissement du temps est aussi un progrès : au contraire du troc instantané, le recours à la monnaie et au crédit permet de réserver et de capitaliser les droits acquis dans le marché passé.

Le rôle du marché est irremplaçable quand des milliers de personnes disposent d’une liberté de choix. Comment des plans individuels si nombreux et si divergents peuvent-ils se concilier ? Peut-on confier ce soin à une autorité centralisée, répartissant les moyens et ordonnant les besoins selon un plan global? Les planificateurs ont-ils la connaissance de ce que veulent et ce que peuvent des acteurs économiques libres? Faute de l’avoir, il ne leur reste plus qu’à modeler les préférences et niveler les talents ; ce qui s’est produit, jusqu’au jour où la nature et la dignité de l’être humain ont repris le dessus.

Il n’existe nul cerveau humain, nulle mécanique capable disposant d’une information mais aussi d’une anticipation sur les millions de choix à coordonner. Par contraste, le marché peut le faire, Ainsi les théologiens de Salamanque, au 17ème siècle, avaient-ils conclu que le marché est « d’essence divine », il réalise ce qu’aucun homme ne peut penser, et que seule la Providence pourrait réaliser. Le marché est un processus de coordination sociale, il concilie des approches différentes, des intérêts divergents, il apaise les conflits.

Mais le marché, coordinateur du présent, est-il capable de maîtriser le futur ? On a souvent évoqué la « myopie du marché » : le marché devrait être accompagné de prévisions à plus long terme par des autorités compétentes. En réalité, le marché est aussi une procédure de découverte. Les informations données aux entrepreneurs par les prix et les profits actuels permettent de déceler les pénuries et les excédents, et suscitent des innovations pour les résorber dans le futur. C’est donc priver le marché de l’une de ses fonctions essentielles que de manipuler les prix et les profits. Les seuls « justes prix » sont ceux qui résultent de la libre rencontre sur des marchés où les concurrents accèdent librement, ils ne peuvent pas être fixés « de l’extérieur ».

Finalement, le marché est bien comme la musique. Il n’exclut pas les fausses notes, dues à de mauvais musiciens. Mais, correctement interprété, il est facteur d’harmonie, alors même que chacun de ceux qui y participent joue sa propre partition.

Jacques GARELLO