La première Guerre Mondiale et la Papauté. - France Catholique

La première Guerre Mondiale et la Papauté.

La première Guerre Mondiale et la Papauté.

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Pie X

Pie X

Voici cent ans ces jours-ci, l’Europe chrétienne entamait l’épouvantable Grande Guerre qui se répandit avec rage dans le monde d’août 1914 à novembre 1918, causant la mort de plus de quinze millions de victimes civiles et militaires. Dans “The World Crisis“ (La crise mondiale), récit du conflit en six tomes par Winston Churchill, celui-ci note que les belligérants employèrent « toutes les horreurs contraires à l’humanité et aux lois internationales ». Et à la fin du conflit torture et cannibalisme furent les deux seules pratiques que les pays civilisés, scientifiques, chrétiens, furent capables de s’interdire : leur efficacité était douteuse. Le facteur déclenchant ? Le 28 juin 1914 l’héritier du Saint-Empire catholique romain austro-hongrois, l’archiduc Ferdinand et son épouse morganatique Sophie, duchesse de Hohenberg, furent assassinés à Saravejo, en Bosnie, par un terroriste serbe, Gavrilo Princip. L’assasin, nationaliste Serbe, voué à la libération de son peuple slave du joug de l’Empire austro-hongrois, pensait que son geste criminel animerait un souffle de liberté. Au cours du mois suivant, comme le note l’historien Christopher Clark, les dirigeants européens « qui se flattaient de modernité et de rationalité, trébuchèrent de crise en crise et conclurent que la guerre était l’unique solution ». Alors que certains monarques plaidaient pour la paix, les plans d’attaque conçus quelques années plus tôt furent dépoussiérés, des ultimatums furent lancés, et la mobilisation des forces armées commença. Le 3 Août 1914 l’Allemagne déclara la guerre à la France et envahit la Belgique. La Grande Bretagne, garant de la neutralité de la Belgique déclara le lendemain la guerre à l’Allemagne. À la fin du mois, Allemagne, Autriche-Hongrie et Turquie étaient en guerre contre Grande Bretagne, France, Russie, Japon, Serbie et Monténégro. Une personne ne fut pas surprise par les évènements d’août 1914 : le Vicaire du Christ, le pape Pie X. Dès 1912 le souverain pontife, inquiet du cliquetis des sabres en Europe, dit à son secrétaire d’État, le cardinal Merry del Val : « Le cose vanno male, viene il guerrone. » (Tout va mal, la Grande Guerre approche.) Au cours d’une audience accordée à un ministre brésilien en mai 1913, Pie X lui dit : « Vous avez de la chance de retourner au Brésil, vous n’assisterez pas à la guerre mondiale. » En juillet 1914 Pie X écrivit à l’empereur François-Joseph, plaidant pour une réponse pacifique à la crise serbe. Quand l’ambassadeur d’Autriche demanda au pape de bénir les armes de son pays, il répondit : je ne bénis pas les armes, je bénis la paix. » La guerre terrifiante dominait les esprits. Le 2 août 1914 Pie X lança un “Appel aux Catholiques du monde entier“. Il disait : « Maintenant que presque toute l’Europe est entraînée dans le maelstrom de cette guerre effrayante avec les dangers, destructions et conséquences que nul ne peut envisager sans être frappé de douleur et d’horreur, Nous aussi sommes empli d’anxiété et de tristesse… Nous mesurons parfaitement combien en ces temps de détresse l’amour d’un père et la mission apostolique pontificale attendent de Nous. Nous devons entraîner les âmes de tout le peuple vers Celui de qui seul on peut attendre soulagement, le Christ, le Prince de la paix, le puissant intercesseur entre Dieu le Père et les hommes. » Le Saint-Père appela les catholiques à « implorer Dieu d’avoir pitié de Son peuple en apportant une solution rapide à cette catastrophe et en inspirant aux dirigeants des pensées et des actes pacifiques. » Puis Pie X se retira dans la solitude en prières continuelles. Les premiers coups de canon retentissant en Août, on l’entendit dire : « Combien aurais-je aimé pouvoir offrir ma vie misérable à Dieu, si j’avais pu ainsi empêcher le massacre de tant de mes jeunes fils. »
Pie X
Pie X
Le 20 août, à 13h15, S.S. Pie X s’éteignait. S.E. Le Cardinal Merry del Val, qui pensait que le pape était mort de chagrin, déclara que sa mort accomplissait une prophécie dite un an auparavant dans la chapelle N.-D. De Lourdes des jardins du Vatican : « Je plains mes successeurs. Je ne le verrai pas, mais il n’est que trop vrai que la “Religio depopulate“ (la décadence de la religion) arrive.“ Giacomo della Chiesa, qui n’avait été élevé à la pourpre cardinalice qu’au dernier consistoire de Pie X le 25 Mai 1914, fut élu pontife le 3 Septembre 1914 et prit le nom de Benoît XV. Dans sa première adresse aux fidèles, il déclara qu’il était « frappé par l’indicible horreur et l’angoisse causée par le monstrueux spectacle de cette guerre et des flots de sang chrétien. » Disant de cette guerre “l’horrible boucherie“, il informa les belligérants que « le Pape n’est pas neutre, il est impartial. » Attaqué par des nations catholiques car ne soutenant pas leur cause, il répondit : « Nous réprouvons les violations des droits, où qu’elles soient commises, mais impliquer l’autorité du pape dans le conflit entre belligérants ne serait ni utile ni convenable. » Bien qu’impartial, Benoît XV ne restait pas simple spectateur. Après l’échec de sa requête d’une trêve pour Noël 1914, ses suggestions d’échanges de prisonniers de guerre blessés et de civils internés — particulièrement femmes et enfants — furent mises en œuvre. Il créa au Vatican un organisme travaillant avec la Croix Rouge Internationale ; des permis furent alloués pour célébrer des offices religieux dans les camps de prisonniers et admettre des inspections par des visiteurs apostoliques. Il apporta une contribution de quatre-vingt-deux millions de Lires-or à des programmes de secours aux victimes de la guerre.
Benoît XV
Benoît XV
À la recherche par la négociation d’une paix ”durable et équitable” Benoît XV publia en Juillet 1915 un plan comportant des pistes en vue de créer un État Polonais indépendant, d’ouvrir le détroit des Dardanelles au libre trafic maritime, et de fonder un organisme international incitant les nations à soumettre leurs différends à arbitrage. Plus tard, le Président Wilson retiendra plusieurs des suggestions du pape dans ses ”Quatorze Points”. La première Guerre Mondiale fut, jusqu’à la seconde Guerre Mondiale, le conflit le plus dévastateur de l’histoire de l’humanité. Il y eut des millions de morts et de blessés lors de combats faisant avancer, au mieux, de quelques kilomètres dans un ”no man’s land” de boue. À Verdun (Février – Décembre 1916) les pertes françaises et allemandes atteignirent un total de 750.000 hommes. Le premier jour de la bataille de la Somme, 1er Juillet 1916, les pertes britanniques s’élevèrent à 60.000 hommes — les pires de leur histoire. À la fin de cette bataille, en décembre 1916, on comptait dans les deux camps un million cent mille morts et blessés. À Passchendaele les pertes furent de 244.000 britanniques et 400.000 allemands de Juillet à Novembre 1917. En tout, soixante millions furent mobilisés et quand fut conclu l’armistice le 11 Novembre 1918 le nombre total de militaires tués était de dix millions. L’Empire Britannique en perdit un million cent mille, la France un million quatre cent mille, l’Allemagne, deux millions, l’Autriche-Hongrie un million cent mille, l’Italie sept cent mille, la Russie un million huit cent mille, et les États-Unis cent quatorze mille. Et on compta vingt et un millions de blessés. Trois monarques chrétiens tombèrent : le kaiser luthérien Guillaume II, le tsar orthodoxe Nicolas II et l’empereur catholique romain d’Autriche-Hongrie, Charles 1er. Bien que l’Église eût occupé une place officielle au Congrès de Vienne en 1814 après la chute de Napoléon, le Saint-Siège fut écarté des pourparlers de paix à Versailles en 1919. L’Italie, craignant des discussions à propos du différend entre Rome et le Vatican, avait insisté pour en éloigner l’Église. Réflexion faite, l’exclusion du pape fut un bien. L’Église ne prit aucune part aux accords louches qui semèrent les graines de la montée du fascisme et du nazisme, de l’expansion du communisme, de la grande crise [1929], de la crise actuelle au Moyen-Orient, et de la Seconde Guerre mondiale. Benoît XV était conscient du caractère sérieusement biaisé de certains accords de Versailles. Il remarque en 1920 dans son Encyclique Pacem Dei Munus  : « Bien que les traités de paix aient été signés, les germes des anciennes discordes n’ont pas été détruits. » Le Saint-Père apprécia deux points du traité. Le premier fut la création d’une Pologne catholique indépendante. L’archevêque Achille Ratti, futur Pie XI, fut le premier nonce apostolique dans cette nouvelle nation. Le second point fut l’instauration de la Société des Nations. Benoît XV lui donna publiquement sa bénédiction, et autorisa l’Union des Relations Internationales du Vatican à y établir des liens permanents. Bien que le Vatican n’ait pas été invité à adhérer à la S.D.N., le Saint-Siège fut consulté sur diverses questions, dont le rôle des missions religieuses dans les territoires nouvellement créés dans le tiers-monde. Benoît XV incita la S.D.N. à lancer un appel à l’abolition de l’esclavage en Afrique et dans les pays musulmans, ainsi qu’à envoyer des secours au peuple de Russie souffrant de la famine. Après le décès de Benoît XV en Janvier 1922, Joseph Motta, président de la Confédération Helvétique, déclara à une assemblée de la S.D.N. : « Si l’humanité réussit un jour à éliminer la guerre — jour peut-être encore fort lointain — elle devra ce progrès inestimable au principe d’arbitrage tel que proposé par Benoît XV. » Tout au long de la première guerre mondiale, S.S. Benoît XV fut la voix solitaire appelant à la cessation des hostilités. Et quatre vingt cinq ans plus tard, quand S.E. Le Cardinal Joseph Ratzinger prit le nom de Benoît XVI, c’est à juste titre qu’il cita son prédécesseur comme ”le courageux prophète de la paix”. Source : World War I and the Papacy