La passion selon Saint Luc - France Catholique

La passion selon Saint Luc

La passion selon Saint Luc

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Quand on lit l’Evangile de Saint Luc, il est tout de suite évident que ce n’est pas Mel Gibson qui l’a écrit. L’atmosphère du film de Gibson sur la passion en est totalement différente (même si les faits sont ne font qu’un.)

Lecture de la Passion selon Saint Luc, dans un missel, puisque ce mercredi est le Mercredi saint : « Mais eux insistaient à grands cris, demandant qu’il fut crucifié. Et leurs clameurs ont prévalu. Et Pilate prononça qu’il fut fait droit à leur demande. »

Cette traduction anglaise (dans mon missel de saint André pour l’ancien rite de la messe) semble transmettre le ton du latin, et le latin le ton du grec. C’est un peu malaisé. Je ne crois pas que le texte original soit aussi légaliste que cela ; Il y a plutôt une sorte d’élégance qui s’accorde à ce ton serein, qui semble la continuation naturelle du Cantique des cantiques que l’évangéliste poète a imprimé à sa version des faits.

Pour moi, la raison pour laquelle les grands compositeurs ont largement laissé Saint Luc de côté, est un mystère. Il y a une composition manuscrite de cet évangile de l’écriture même de J.S. Bach, mais la partition est d’un compositeur beaucoup moins connu. En s’appuyant sur lu choral, Felix Mendelssohn a proposé de se pendre si c’était réellement composé par Bach.
L’arrangement de Penderecki, dans les années 60, avec sa quantité de forces atonales, a été qualifié de très émouvant par de nombreux auditeurs modernes. Mais, avec Horace, je dirais qu’on ne peut pas tenir compte de leur goût.

Je me répète : ce qui est rarement tenté, encore moins saisi, c’est cette qualité mystérieuse de réserve chez Luc, ou, pour le dire différemment, sa musicalité qui donne moins l’impression qu’il raconte l’histoire, mais plutôt l’accompagne d’un air de pipeau. Peut-être qu’en lui même il est tellement musical qu’il n’a pas besoin qu’on le mette en musique.

Ainsi, à mon avis, il se trouve parfaitement bien placé dans la procession des Passions au long de la semaine sainte. Comme une espèce de prélude aux ténèbres – ainsi décrits, de façon assez brillante, à mon avis, par le directeur musical de ma propre paroisse à Toronto : «  Les ténèbres signifient l’obscurité. Cette liturgie comprend les mâtines et les laudes du Jeudi Saint.

C’était habituellement célébré le mercredi soir, à l’origine assez tard pour déboucher sur le Jeudi. Quinze bougies sur un corbillard, et six sur l’autel, que l’on éteint une à une, tout en récitant des psaumes. Si bien que quand on arrive à chanter l’ Allegri Miserere, l’église est dans le noir. Si vous êtes cardiaque, il vaut mieux être prévenu que le strepitus peut être soudain et faire un choc ».

Saint Luc – Je vais essayer de le dire comme cela – est celui des Quatre qui arrive au plus près d’une Passion sans passion. Ce n’est pas une critique car son chant est angélique comme s’il s’élevait au-dessus de toute émotion humaine. Il décrit un drame cosmique ou céleste, transmettant des évènements au-delà d’eux-mêmes, comme s’ils venaient de l’autre côté de l’humain.

C’est par ce moyen qu’il a décrit dans les Ecritures de manière si éloquente la Miséricorde divine. Elle se manifeste mystérieusement au moment où Jésus regarde Pierre, après son reniement. Nous sommes transportés, en dépit de nos fautes, nos très grandes fautes, nos faiblesses trop humaines : « Jusqu’à la vieillesse je reste le même, jusqu’aux cheveux blancs je vous porterai : moi, je l’ai déjà fait, moi, je vous soulèverai : moi, je vous porterai, je vous sauverai. »

Bien qu’inexprimé dans ces paroles, c’est cette promesse du Père, dite par Isaïe, répétée maintenant à travers le regard du Fils, avec une douceur qui dépasse l’entendement. De même, dans Saint Luc, les paroles de réconfort du Christ aux femmes de Jérusalem ; le pardon envers ses bourreaux ; et la promesse faite sur la Croix même à Dismas le « bon larron » cloué à ses côtés, qui a soudain fait la si belle requête : « Seigneur, souviens-toi de moi quand tu seras dans ton royaume. »

C’est de Luc et de lui seul que nous entendons alors cette réponse exaltante : Hodie mecum eris in paradiso ». «  Aujourd’hui même tu seras avec moi au paradis ».

Dans la passion selon saint Luc, on se sent très conscient du caractère inévitable de ce qui se passe, dans l’accomplissement de l’ancienne Pâque. Cela s’annonçait depuis le commencement du ponde. Depuis la « Felix culpa », le péché d’Adam, cela avançait inéluctablement. A travers les traitrises de tous les âges, l’Amour s’avance sans relâche.

Aussi, comme l’ont lu les chrétiens dans la rétrospective de l’ancien testament, toute l’histoire d’Israël depuis Abraham en passant par Moïse, ne pouvait conduire que là, et nous apercevons notre Messie, passage après passage.

En vérité, nous sommes juifs, et si nous disons en abrégé que les juifs ont crucifié Jésus, cela veut dire que nous l’avons-nous mêmes crucifié, tant nous sommes identifiés à la tradition hébraïque, et la route sur laquelle nous avons cheminé ensemble, pèlerins au cœur de l’histoire, sur cette Terre mystérieuse.
Car nous tous, même les saints, sommes au mieux de bons larrons, et pour notre salut, nous ne pouvons nous tourner que vers le Christ. Grâce à Luc, nous avons cette image de Dismas (on ne connait pas son nom par les Ecritures, mais par la tradition), étrangement, mais probablement comme le premier de nos saints.

Cette année à Pâques, avec les Coptes, je regarde en arrière la longue liste des exodes vers, et hors de l’Egypte. Et nos martyrs coptes les plus récents – conduits sur une plage de Libye par ces démons humains. Et certains entendus sur la video, dans un dernier souffle, murmurant un dernier appel au vrai Fils de Dieu : « Viens Jésus, sauve-moi ».

La miséricorde n’est pas de ce monde, et n’est pas compatible avec le sens de la justice qu’a le monde. Il interprète la miséricorde comme une manifestation de tolérance et de négligence, la justice comme une décision sans pitié. Pourtant dans le regarde de Dieu, ces deux réalités ne font qu’une : non pas la justice adoucie par la miséricorde, mais les deux fusionnées.
Ceci est trop simple pour nous, nous faisons les choses pas à pas, une erreur à la fois.

La beauté dans la Passion de Saint Luc, c’est justement cette fusion : une Miséricorde qui n’est vraiment pas de ce monde : La réconciliation avec le Christ du haut de la Croix.

Tableau : Le Christ portant la Croix » de Hans Maier, c. 1515

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/04/01/saint-lukes-passion/