La mort de Saint Joseph n’était pas inopportune - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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La mort de Saint Joseph n’était pas inopportune

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La mort de saint Joseph, Francisco de Goya, 1787.

La mort de saint Joseph, Francisco de Goya, 1787.

[Royal Monastery of Saint Joachim and Saint Anne, Valladolid, Spain]

Il est certain que Saint Joseph n’était plus en vie quand Jésus a commencé sa vie publique. Ceci, la tradition l’a toujours maintenu pour quatre raisons.

Tout d’abord, après le début de la vie publique, Joseph n’est plus jamais mentionné dans les Evangiles, en connexion avec Jésus ou Marie, ou avec la famille élargie des « frères », ou, plus exactement, des « cousins » du Seigneur. Et même, dans la façon dont les gens se réfèrent à Joseph, Il semble suggéré qu’il n’est plus vivant : « N’est-il pas le fils du charpentier ? » (Mt XIII 55)

Ensuite, Pourquoi Jésus aurait-il confié Marie à Jean, pour qu’il la prenne chez lui (Jean XIX 27) si Joseph était encore vivant ?

Troisièmement, la prophétie de Siméon à propos de la souffrance – « un glaive te transpercera le cœur » (Luc II 35) – ne s’adressait qu’à Marie, pas à Joseph.

Quatrièmement, c’était tout à fait opportun que Joseph quitte la scène avant que le Seigneur ne commence sa vie publique, afin que si Jésus disait « mon père » il soit toujours clair de qui il s’agissait.

En elle-même, je trouve cette liste de raisons fascinante. Il fut un temps où j’étais protestant, et en tant que tel, j’étais convaincu que l’Evangile ne pouvait avoir l’acuité indispensable dans sa confrontation avec « le monde » que si les chrétiens ne basaient leur foi que sur les Ecritures et non sur une « pure tradition humaine ».

Et cependant, quel est le statut de cette vérité : « Joseph n’était plus vivant quand Jésus a commencé sa vie publique » ? Elle n’est pas entièrement basée sur les seules Écritures ; et cependant elle l’est. Elle n’est pas non plus une « pure tradition humaine ». Et pourtant il est sûr que c’est une tradition pieuse, ou du moins quelque chose qui s’est partagé et transmis parmi ceux qui regardaient la vie du Seigneur avec les yeux de la foi.

En tant que protestant, je n’avais également aucune notion cohérente de l’autorité dans l’Église. Ainsi, je ne pouvais pas établir de distinction entre ce que les chrétiens sont tenus de croire comme « articles de foi » (de fide) et ce que nous sommes libres de croire parce que c’est bien établi et largement admis parmi les chrétiens pieux et réfléchis.

Maintenant, en tant que catholique, je peux dire que cette vérité – la mort de Joseph antérieure à la vie publique – n’est pas un article de fide. Et de comprendre cela me libère pour affirmer avec juste cette force : Je peux le défendre comme étant vrai, et utile à croire, mais sans que cela implique que les autres soient tenus de le croire, si mes raisons ne les persuadent pas.

De cette liste de raisons, la quatrième est la plus fascinante à mon goût. Joseph l’aurait-il appréciée ? A-t-il compris que c’était préférable qu’il quitte ce monde avant que Jésus n’entre sur la scène publique ? Le père Gasnier dans son grand livre de méditation, Joseph le silencieux, le pense aussi :

« Parce qu’il était Joseph, il a réalisé que sa présence pourrait devenir un obstacle plutôt qu’une aide pour Jésus. Le monde ne doit plus croire qu’il était le vrai père de Jésus. »

Si c’est exact, la mort de Joseph prend un sens intéressant.

Pour comprendre pourquoi, examinons la deuxième question : Quel âge Joseph avait-il environ quand il est mort ? S’il était vieux quand il s’est marié, il aurait dû être très vieux au moment de sa mort. Il y a quelques traditions anciennes issues des évangiles apocryphes, disant que Joseph était un vieillard qui avait déjà été marié pendant plus de quarante ans, quand il a épousé Marie. Saint Epiphane lui donne 90 ans ! Mais son opinion a été vigoureusement rejetée par Saint Jérôme. Et l’on peut dire sans crainte qu’une réflexion plus approfondie de la part de l’Église au cours des siècles a penché du côté de Saint Jérôme.

Je pense que le meilleur avis, et je l’accepte pour tel, est qu’il était un jeune homme quand il a épousé Marie. C’était la coutume que les hommes pensent au mariage en approchant de vingt ans. Son attachement à la virginité, la sienne et celle de Marie, était issue de l’idéalisme de la jeunesse. Personne n’aurait soutenu le mariage d’un vieillard de quatre vingt dix ans avec une adolescente. Et c’est une mauvaise interprétation d’attribuer son respect de la virginité de Marie à la sénilité et non à la vertu.

Donc, nous supposerons qu’il avait vingt ans quand il épousa Marie : Il en aurait alors eu environ quarante au moment de sa mort. Ce qui veut dire qu’il a eu une « mort prématurée », même pour l’époque. Il n’est pas mort de vieillesse et de faiblesse généralisée, mais (si nous excluons la mort violente) il est mort d’une maladie précise qui l’a emporté.

Alors, mettons ensemble ces deux idées, Joseph a réalisé qu’il était préférable qu’il quitte la scène ; et il est mort relativement jeune en acceptant sa mort, juste à ce moment-là, comme envoyée de Dieu.

Et maintenant, je crois que nous en arrivons à un résultat remarquable. Premièrement nous pouvons comprendre que la mort de Joseph est, d’une façon mystérieuse qui lui est propre, une participation anticipée à la passion du Christ – juste comme la mort de Jean Baptiste et le martyre des saints innocents.

Deuxièmement, il a offert sa vie sans voir encore clairement à quoi servirait la vie de Jésus. Ainsi, sa mort fut empreinte d’une foi formidable. Il n’a pas entendu le sermon sur la montagne. Il n’a pas vu Jésus changer l’eau en vin, guérir les lépreux ni ressusciter Lazare. Il n’a pas vu la Passion ni la Résurrection.

Troisièmement, la nouvelle vie en Jésus Christ de laquelle il fut choisi comme témoin, fut précisément une vie de travail auprès de Jésus comme ami, et une vie de famille avec Marie. Il ne fait aucun doute que là où s’est épanouie la vie d’une famille chrétienne dans sa banalité, Saint Joseph a été invoqué avec ferveur.

Finalement, nous pouvons comprendre pourquoi les papes ont missionné saint Joseph comme patron de la Bonne Mort : Il est particulièrement sensible à notre sentiment que la mort est inopportune ; « O Seigneur, je mourrai avec joie au moment, à l’endroit et de la manière que tu voudras. »

« Permets que je meure comme le glorieux Saint Joseph, accompagné par Jésus et Marie, en prononçant leurs noms si doux que j’espère pouvoir chanter pour l’éternité toute entière. »