"La moisson des morts, c'est le sursaut des vivants" - France Catholique
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Pâques : un feu nouveau avec les pèlerins d'Emmaüs
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« La moisson des morts, c’est le sursaut des vivants »

« La moisson des morts, c’est le sursaut des vivants »

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Pourquoi avoir choisi la forme du roman et de la fiction pour évoquer la vérité nue et horrible des combats des tranchées ? D’abord parce que la Grande Guerre est d’une telle densité d’héroïsme que s’y lancer en historien – moi qui ne suis qu’amateur – était aussi vertigineux que périlleux. Ensuite parce que, dès le départ, j’ai eu le souhait de faire de ce livre un livre de management, en entrant résolument, à la première personne, dans les questionnements et les décisions d’un jeune chef. L’idée, la voici : non pas décrire les tranchées à distance avec pitié, admiration ou indignation, mais y habiter, aujourd’hui, pour partager l’épreuve des anciens et apprendre à se battre. L’enjeu, me semble-t-il, est de passer de l’Histoire à l’histoire, celle de notre époque et de nos propres trajectoires… Proust disait : « En réalité, chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même ». Le roman, qui porte une part de l’histoire de l’auteur tout en recherchant par le travail des mots une portée universelle, permet à chacun de faire un voyage dans ses propres combats. De la même façon que la madeleine de Proust réveille, à la lecture, un biscuit différent dans la bouche de chacun, ainsi chacun, vivant le fracas de ces pages, plonge au creux des affrontements et des convocations de sa vie. Comment votre héros peut-il donner du sens, voire de l’honneur, à des actions qui semblent absurdes et si coûteuses en vies humaines ? Les militaires aiment à dire que « le premier mort de la guerre, c’est le plan ». L’absurdité, l’imprévu et le gâchis sont hélas au cœur de nos vies. L’important, quand la déflagration retentit et que les morts commencent, c’est d’habiter l’espace restant d’une présence de discernement, pour ne pas subir. Le patriotisme a obsédé les combats de 14-18, redonnant chaque jour une finalité aux efforts consentis. Mais ce furent autant voire davantage les éclats d’humanité et le redressement des êtres qui donnèrent du sens aux folies de ce temps. En quoi les sacrifices lointains des Poilus peuvent-ils inspirer notre action face aux angoisses de notre temps ? La meilleure moisson des morts, c’est le sursaut des vivants. Autant il est terrible de voir comment le devoir de mémoire peut échapper à nos contemporains, autant l’admiration distanciée ou idéalisée de l’héroïsme des anciens peut nourrir une désertion de nos combats quotidiens. Ce qui manque à notre siècle, c’est l’intelligence de l’action. Nous nous classons par idées, familles de pensée, couleurs de célébration etc. Chaque époque a ses combats. Encore faut-il les voir, les écouter et y concentrer ses efforts, plutôt que de les peindre de mots. La mondialisation nous déporte vers des lieux d’émotion lointains, sur des thématiques où nous sommes majoritairement impuissants. La patrie, c’est un lieu à hauteur d’homme et à portée de main, construit et transmis par des millions de générosités, d’intelligences et de fidélités. L’islamisme – comme la mondialisation – détruit ce cadre en profitant de l’atonie de nos fidélités. Je crois aux fidélités simples, aux courages quotidiens, aux décisions prises dans des configurations non prévues. Ce roman décrit heure par heure ce qui peut être transposable dans nos vies. Le réveil politique est encore possible, si l’on quitte la communication et les idées, pour le silence quotidien de l’action. Quelle peut-être la place de la foi et de l’amour dans le combat qui semble déshumaniser les hommes ? Au départ il y a l’indispensable besoin d’aller à la source de Dieu pour envisager chacune de nos actions. Nous nous plaignons du mal existant dans nos sociétés, mais nous avons tout fait pour évacuer Dieu de nos vies. La charité (et donc l’amour) est la sœur jumelle de l’intelligence de l’action. On déclare beaucoup dans notre monde d’image, et on fait peu. Chaque jour, comme le lieutenant Vincent sur la Cote 418, un contexte se présente à nous comme un nouvel espace de règne où concentrer nos efforts. Il faut croire que Quelqu’un nous guide et qu’Il donne à nos petits pas une moisson qui les dépasse. Et quand le noir se fait, cette foi en l’Amour s’appelle l’Espérance, si chère à un lieutenant mort en septembre 1914, Charles Péguy. Quel est votre regard sur « l’itinérance mémorielle » d’Emmanuel Macron ? L‘itinérance, ça ne peut pas être un mot de chef. C’est un mot de GPS en panne. Un chef, ça donne la direction. Ce qui manque à ces célébrations, c’est le souffle et les modalités des combats d’actualité. Ce n’est pas une Europe diffuse qu’il faut célébrer, c’est l’esprit combattant qui fait peur aux ennemis réels qui sont les nôtres. Un soldat se bat pour la victoire, pas pour les fleurs ou les larmes. Propos recueillis par Maximilien Fosse cote_418_-_couverture.jpg