La justice déménage - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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La justice déménage

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Ainsi la justice déménage ! Tout l’appareil judiciaire quitte l’île de la Cité, cœur incomparable du vieux Paris, pour un gratte-ciel du quartier des Batignolles, à l’équipement ultra-moderne. Faut-il balancer entre la nostalgie et la satisfaction de voir doter notre justice des instruments nécessaires à son bon fonctionnement ? La patine des siècles confère-t-elle à l’antique palais une sorte d’autorité que ne sauraient suppléer les raffinements de l’hyper-modernité ? Je me souviens d’avoir eu un étrange sentiment, il y a déjà bien longtemps, en accédant au nouveau Palais de justice de Rome, très loin du centre ville, qui avait remplacé l’ancien palais de la place Cavour, non loin du Vatican. C’était un tout autre climat que l’on percevait, une sorte d’atmosphère de halle marchande. Et pourtant, la ville éternelle vivait des moments tragiques. C’était l’époque des Brigades rouges. J’avais rendu visite à un juge gardé dans son bureau par une demi douzaine de policiers armés jusqu’aux dents.

C’est sans aucun doute la fonction qui confère son cachet à un bâtiment, et on verra à l’avenir si l’édifice des Batignolles a su se créer une âme. Je présume qu’il faudra quand même la patine de quelques années, ou d’une ou deux décennies, pour qu’on puisse l’associer à quelques retentissants procès. On ne pourra pas dire : « C’est dans cette salle qu’a été jugée la reine Marie-Antoinette. » Mais l’histoire à venir se chargera bien d’associer toute une mémoire à un lieu qui aura subi la morsure du temps.

Il faut croire que l’ensemble de la profession judiciaire est sensible à une telle mémoire, puisque j’apprends, par Le Figaro, qu’on a rejoué, en quelque sorte, dans l’île de la Cité, un procès qui avait eu lieu en 1949 et qui avait marqué les esprits. Il s’agit du procès Kravchenko, du nom d’un ancien commissaire politique soviétique, qui avait révélé dans un livre, J’ai choisi la liberté, la réalité des camps de concentration sous le régime stalinien. Accusé de mensonge par l’hebdomadaire communiste Les lettres françaises, il porta plainte pour diffamation. Ce qui donna lieu à une démonstration du parti communiste français appelant à la barre ses garants de moralité, tel Frédéric Joliot-Curie. Maître Georges Izard, le beau-frère du père Jean Daniélou, sut défendre Kravchenko qui gagna son procès. Souvenirs, souvenirs… Mais une nouvelle étape commence aux Batignolles !

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 18 avril 2018.