La foi contre l’effondrement - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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La foi contre l’effondrement

Alors que le pape s’est dit « très préoccupé » par la crise au Liban lors de son voyage apostolique à Chypre, les chrétiens tentent, face à l’effondrement de leur pays, de ne pas abandonner l’espérance. Reportage de notre envoyé spécial.

Reportage au Liban

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Dans le silence d’un sanctuaire à cette heure déserté par les visiteurs, Christina et Marwan, un jeune couple de Libanais chrétiens, se tiennent recueillis près des cierges, à l’entrée de Notre-Dame du Liban. Au-dessus d’eux, la monumentale statue de la Vierge Marie brille dans la nuit, le regard et les mains tournés vers Beyrouth, en contrebas. Comme chaque semaine, le couple vient déposer un cierge pour celle que Christina appelle, dans un sourire, « [s]a Maman ». On se risque à lui demander si son pays occupe une place dans sa prière. La jeune chrétienne s’effondre en larmes, incapable de parler. Marwan vole à son secours. Par l’intercession de la Vierge, ils demandent la paix pour le Liban. « La Sainte Vierge est un soutien pendant les temps difficiles et les Libanais vont à elle spontanément », explique le Père Jonas Obeid, vice-recteur du sanctuaire. « Ils y vont spontanément, reprend-il, de façon pure, sans jamais oublier qu’elle conduit à Jésus. »

L’impact de la crise actuelle, néanmoins, se ressent sur la fréquentation de ce sanctuaire qui accueille d’habitude plus d’un million de visiteurs par an.
La raison, selon le vice-recteur, tient à la flambée des prix. À plus de neuf euros le litre d’essence, prendre sa voiture est devenu un luxe. Sur les routes, une circulation relativement fluide a remplacé les embouteillages et, aux stations-service, souvent désertes, les employés attendent le client.
Après les coupures d’électricité et le blocage du système bancaire, cette nouvelle restriction enfonce encore un peu plus le pays dans le marasme économique et social.

« Cela relève de la vocation d’accepter de rester vivre ici », note Vincent Gelot, en charge des projets pour le Liban et la Syrie à l’Œuvre d’Orient. L’association française, qui vient en aide aussi bien à des écoles francophones qu’à des projets associatifs chrétiens, alerte sur la nécessité de conserver une présence chrétienne au Liban, ce qui suppose une mobilisation urgente. « Depuis deux ans, de plus en plus de Libanais me confient qu’ils veulent partir », glisse le responsable, en route pour une visite à Tripoli au nord du pays, dans l’une des quelque 140 écoles francophones que soutient l’Œuvre d’Orient.

2 % de chrétiens à Tripoli

Métropole la plus pauvre du Liban (nord), Tripoli a vu, au plus fort du conflit syrien, défiler de nombreux djihadistes qui passaient par la ville pour rejoindre le pays voisin. Avant le début de la guerre civile libanaise, en 1975, 50 % des habitants étaient chrétiens. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 2 %.
Dans l’école paroissiale Notre-Dame du Quartier, la quasi-totalité des 155 élèves sont ainsi musulmans. Le Père Georges Gereige, prêtre maronite directeur de l’établissement, ne s’imagine pas pour autant ailleurs qu’à Tripoli, au grand soulagement du quartier. Voici quelques années, le conflit syrien a débordé dans la ville, provoquant des affrontements entre familles sunnites et alaouites – minorité musulmane apparentée au chiisme, à laquelle appartient la famille du président syrien Bachar al-Assad. Les immeubles autour de l’école, criblés de balles, portent encore les stigmates de ces violences. C’est l’école chrétienne, située à la jonction des deux quartiers, qui a alors servi de zone neutre, les enfants scolarisés se répartissant entre sunnites et alaouites.

À quelques dizaines de mètres des blocs de béton et d’un char de l’armée libanaise, gardés par des soldats en armes, deux anciens chefs ennemis, Khaled et Nasrin, présents ce jour-là dans la cour de l’école, se lancent conjointement dans une louange de l’école chrétienne. Autrefois en guerre, pour l’instant en paix, les deux chefs affirment que l’école paroissiale est la seule à même, selon eux, de soutenir une réconciliation entre les communautés et de préserver leurs enfants d’une trajectoire qui pourrait les mener vers une radicalisation religieuse. Sans que l’on sache réellement si la paix subsistera, Khaled le sunnite et Nasrin l’alaouite semblent s’accorder sur le rôle essentiel des chrétiens dans le pays.

Après avoir fait le tour des classes, où les jeunes Libanais apprennent le français, le Père Georges se réjouit de ce discours. « Le monde entier regarde le Liban comme une terre d’espérance et nous voulons conserver cette ligne qui est celle de nos ancêtres. Dans les temps de crise comme aujourd’hui, nous prions plus, car seul Dieu peut nous faire sortir de cette situation. Nous ressentons encore plus de douleur que d’habitude, mais peut-être sommes-nous aussi habités par davantage d’espérance », confie le prêtre. Et d’ajouter : « Dieu a planté les chrétiens sur cette terre. Nous n’avons aucune force par nous-mêmes. Seule compte notre foi dans le travail de Dieu. »

Retrouvez l’intégralité du grand reportage dans le magazine.