La fin imminente de l'arrêt Roe - France Catholique
Edit Template
L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
Edit Template

La fin imminente de l’arrêt Roe

Traduit par Bernadette Cosyn

Copier le lien

Quand je fais un cours sur l’avortement, je commence par un sondage. « Combien d’entre vous croient que l’avortement est légal uniquement durant les trois premiers mois de la grossesse ? » Tous les étudiants lèvent la main – ce n’est que trop naturel parce que c’est ce que les médias leur ont répété tant et plus.

Je rejoins alors mon ordinateur, relié à un rétroprojecteur et je lance la recherche « avortement tardif près de chez moi ». La recherche fait apparaître des cliniques dans le voisinage de chacun, lesquelles procurent des avortements jusque 24 voire même 36 semaines de grossesse.

Par exemple, dans le district de Washington, « Capital Women’s Services » explique dans son menu déroulant, sous la rubrique « avortement tardif » qu’il « procure des avortements tardifs jusque 36 semaines de grossesses dans certaines circonstances, telles que des indications fœtales ou maternelles ».

C’est une phrase diablement obscure, « indications maternelles ». la clinique explique : « la Cour Suprême des Etats-Unis, dans son arrêt Roe contre Wade, a statué que les avortements étaient légaux pour n’importe quelle grossesse pour préserver la vie ou la santé de la femme ». (Notez la subtilité de langage : « pour n’importe quelle grossesse » et non « à n’importe quel stade de la grossesse », comme le dernier soulève la question embarrassante, à quel âge?)

Eh bien, ils ont au moins Roe contre Wade. Et la « santé » telle que définie dans la décision qui va de pair avec Roe contre Wade, Roe contre Bolton, introduit les considérations psychologiques et socio-économiques comme faisant partie de la « santé ».

Le site internet poursuit : « les problèmes de santé maternelle peuvent être très éprouvants en eux-mêmes et doublement perturbants parce qu’ils peuvent parfois signifier qu’une grossesse ne peut pas être poursuivie. Ce sont des situations tragiques et nous respecterons toujours le droit d’une femme à prendre ses propres décisions médicales en ce qui concerne sa propre vie, son propre corps et sa propre famille ».

Bien sûr, la compassion vous dicte que les femmes ne vont généralement pas avorter leurs bébés à huit mois de grossesse en raison d’un nez qui coule. Et il y a des cas indéniablement tragiques qu’il ne faut pas minimiser. Mais supposons que la mère veut un avortement à 32 semaines de gestation parce que son petit ami l’a abandonnée et que se lever trois fois par nuit pour se rendre aux toilettes lui semble maintenant insupportable ?

« Nous respecterons toujours votre décision » dit mollement la clinique. Ils insisteront pour une consultation bien sûr, avec dépassement d’honoraires, mais l’avortement sera accessible.

Après cela, je montre à mes étudiants des photos d’enfants à naître de 32 ou 36 semaines de grossesse. Puis je vais sur un site internet qui donne la description, d’après un manuel d’avortement, d’un avortement par dilatation et extraction ou d’un avortement par naissance partielle. Invariablement, la réaction de mes étudiants est la même : choc et incrédulité. « Comment peuvent-ils permettre cela ? – Comment cela peut-il être légal ? »

La réponse correcte n’est pas tant que cela est légal mais plutôt que cela n’est pas illégal. C’était autrefois illégal, mais la Cour Suprême a statué qu’aucune autorité ne pouvait le juger illégal.

Mes étudiants, naturellement, assimilent « permis » à « légal ».

Les vieux philosophes juridiques disaient qu’il y avait trois actes de loi : interdire, obliger et permettre. Tout ce qui est soumis à la loi doit entrer dans une de ces trois catégories. Nous sommes « une nation devant la loi » après tout. Donc, face à l’atroce réalité de l’avortement tardif, mes étudiants déduisent implicitement que quelque autorité doit avoir décidé que ces actes appartenaient à la catégorie « autorisé » et non à la catégorie « interdit ». Mais, à strictement parler, ce n’est pas le cas : ce que l’arrêt Roe a fait, c’est de déclarer nulles les lois qui interdisaient de telles choses. Il n’a pas remplacé ces lois par une autre loi disant ce qui est permis et ce qui ne passe pas. A strictement parler, cela crée des zones d’anarchie.

C’est pourquoi je suis vraiment encouragé par la récente loi à New York et la perspective de lois similaires dans le Vermont et la Virginie. Je crois que de telles lois rendent plus probable que l’arrêt Roe soit cassé et qu’elles ouvrent le passage pour des lois qui proscriront l’avortement.

Il y avait quelque chose de prudemment populaire dans l’arrêt Roe renversant simplement un obstacle. L’arrêt Roe a toujours partagé l’appel du mantra sans queue ni tête « il est interdit d’interdire ». Personne n’aime dire non per se ; dire non en réponse à un non semble alors une victoire facile. Et on peut toujours également feindre la surprise au vu des conséquences, un manque de responsabilité pour ce qui a suivi. (« Je ne lis pas aujourd’hui les décisions de la Cour [Suprême] comme ayant les conséquences radicales que leur ont attribuées des juges dissidents… A l’évidence, la Cour rejette aujourd’hui toute affirmation que la Constitution requiert l’avortement à la demande » comme l’a déclaré avec une simplicité désarmante le juge président Burger dans son avis concordant sur l’arrêt Roe.)

Mais dire oui, au contraire, est risqué. Cela révèle clairement ce que vous aimez et ce que vous échouez à aimer. Maintenant vous avez vraiment déclaré que l’avortement rentrait dans la catégorie des choses permises par la loi – et par conséquent vous vous êtes révélés par la même occasion avoir un sens de la légitimité plutôt tordu. Ce que vous appelez loi, nous l’appelons pouvoir employé pour protéger vos intérêts. Nous connaissons le genre.

La rhétorique du droit à l’avortement a tergiversé au cours des années entre une approche apologétique affirmant la faiblesse et une approche cynique et vantarde, bien qu’on ne les trouve pas en proportions égales : c’est comme si après une centaine d’exemples d’apologétique (« personne n’aime l’avortement, c’est une nécessité regrettable ») quelqu’un devait venir avec un exemple cynique pour calmer le jeu (« chaque femme qui avorte sait que c’est un meurtre, mais on doit parfois tuer pour s’en sortir »).

Ces deux attitudes coexistent inconfortablement. Mais une législation comme celle de New York résout la tension en faveur du cynisme, par quoi beaucoup vont reculer d’horreur : voulons-nous réellement cela ? Soutenons-nous cela ?

De même, en créant des juridictions où l’arrêt Roe est maintenant considéré comme une loi d’état, cela va faire comme si, politiquement, l’arrêt Roe pouvait être cassé par la Cour Suprême. Il peut être cassé sans être complètement cassé. (Et qui se soucie des états du centre des Etats-Unis se cramponnant à leurs armes, leur religion et leur projet de loi sur les battements de cœur?)

Le débat sur l’avortement a, de façon lassante, fait rage suffisamment longtemps pour que sa résolution par des décisions séparées [selon les états] semblera n’avoir que trop tardé – une paix de Westphalie, certes, mais une paix tout de même.

(NDT : le projet de loi sur les battements de cœur interdirait l’avortement à partir du moment où le cœur bat)

Michael Pakaluk, aristotélicien et ordinaire de l’Académie Pontificale Saint Thomas d’Aquin est doyen intérimaire de l’école Bush de Commerce au sein de l’Université Catholique d’Amérique. Il vit à Hyattsville avec son épouse, également professeur dans le même établissement et leurs j=huit enfants.

Illustration : les acclamations pour le projet de loi sur l’avortement à New York

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/02/05/two-on-abortion/