La confession est-elle morte ? - France Catholique
Edit Template
Van Eyxk, l'art de la dévotion
Edit Template

La confession est-elle morte ?

Traduit par Bernadette Cosyn

Copier le lien

Les confessionnaux sont vides. Les pécheurs se sont éclipsés. Ou devrais-je dire : « le péché s’est éclipsé » ? Ce n’est pas un jugement, juste une observation, mais je ressens de façon poignante un manque de ce que j’appellerais « la conscience du péché » parmi les catholiques actuels. Nous semblons avoir assimilé le concept séculier que la notion de péché se présente comme démodée, éventuellement psychologiquement handicapante, ou que le sentiment de culpabilité pour de mauvaises actions (ou de mauvaises pensées) est émotionnellement débilitant. Par conséquent, nous assistons à l’élimination virtuelle du mot « péché » dans la société. Nous ne voulons pas blesser l’estime de soi de qui que ce soit. Les catholiques, peut-être involontairement, ont apporté de l’eau au moulin de ce non sens.

On voit des concubins aller communier, apparemment impunément. Dans les écoles publiques, durant les cours d’hygiène, nos enfants apprennent que la masturbation est « normale » (comme si moyenne mathématique équivalait à absolution). On leur dit que l’avortement est une procédure médicale légitime, comme si médical signifiait parfait. Certains adultes traînant des décennies de ressentiment contre les autres n’ont apparemment aucun problème à permettre à ces sentiments auto-destructeurs de suppurer et à ignorer le concept chrétien de base d’un pardon inconditionnel.

Notre jeunesse semble avoir presque universellement adopté l’idée que la sexualité pré-maritale est acceptable. Les politiciens catholiques pro-choix considèrent les sacrements avec une flagrante ostentation de la démesure, prétendant en toute ignorance que l’avortement est affaire de conscience. Les supporteurs de foot applaudissent quand un membre de l’équipe adverse manque d’avoir la tête séparée du corps. Le mariage semble dans bien des cas être aussi sérieux que ne l’était « sortir avec quelqu’un » quand j’étais dans l’enseignement supérieur. Et ainsi de suite.

Notre pape insiste sur la nécessité d’accueillir les indifférents et de les conforter dans le catholicisme. Fort bien, mais nous devons aussi réaffirmer les vérités doctrinales. Ces objectifs ne sont pas à couteaux tirés ; tous deux sont réciproquement, authentiquement chrétiens. En faisant du catholicisme une foi vivante pour les pécheurs de tous poils, nous devons aussi relever le défi de dire la vérité et de ne pas baisser le seuil pour une réadmission.

Nous sommes faibles, tous sans exception, et en besoin constant du formidable sacrement de réconciliation. Je suis pécheur, et à ce titre j’ai besoin du confessionnal au moins une fois par mois. Pas parce que je suis trop scrupuleux ou parce que je suis « dur avec moi-même » mais parce que je crois que la fragilité humaine est permanente et requiert une vigilance constante.

Je suppose qu’avec une conscience profondément incisive, beaucoup d’entre nous pourraient survivre spirituellement avec une confession annuelle. Pas moi. Je me connais trop bien. Je deviendrai paresseux, apathique, sans vie spirituelle. D’un point de vue purement égoïste, je suis spirituellement renouvelé. Ce n’est pas simplement une question de « rester hors de l’Enfer cette semaine ». C’est plutôt un moment de compréhension de mon potentiel à atteindre un certain degré de sainteté et de prise de conscience de la nature de la miséricorde de Dieu.

Je veux être franc avec Lui. Je veux Le remercier pour sa miséricorde. Le remercier pour Sa Croix. Lui demander de me façonner. De me donner plus de maîtrise de soi. Je veux répondre à Sa volonté. C’est alors que je suis le plus heureux, le plus optimiste et le plus confiant.

Pourquoi avons-nous oublié tout cela ? Avons-nous été si dérouté par les interprétations déformées de Vatican II que nous pensons que le péché a disparu ? Est-ce que nous savons seulement encore distinguer entre péché véniel et péché mortel ? Pensons-nous qu’un examen de conscience et un acte de contrition sont toujours suffisants pour nous préparer à recevoir l’Eucharistie ? Comprenons-nous vraiment ce qui est péché et ce qui ne l’est pas ? Sommes-nous assez naïfs pour croire que le bla-bla psychologique séculier peut remplacer la vérité doctrinale ?

Si les laïcs ne peuvent pas répondre de façon satisfaisante à ces questions, pourquoi ne pourrions-nous pas espérer que notre clergé y réponde -ce même clergé qui nous invite à profiter d’un confessionnal qui n’est généralement ouvert, dans le meilleur des cas, que 45 à 60 minutes par semaine. Mon curé est bon sur cela. Son message est ferme et assez fréquent. Mais j’ai un long passé de catholique derrière moi, j’ai vécu dans neuf paroisses différentes, et assisté au déclin graduel mais réel de l’usage du confessionnal.

Comment les catholiques pourraient-ils prendre le confessionnal au sérieux alors qu’ils n’ont pas les réponses à ces questions ? Quand une paroisse de 3 000 fidèles produit de 15 à 20 pénitents par semaine ?

Le problème de l’étiolement du sacrement concerne autant le clergé que les laïcs. Je ne veux pas charger le clergé, qui a été probablement découragé par la chute spectaculaire de la fréquentation du confessionnal, mais le problème éducatif est de leur ressort, du haut de la chaire. Et pour ce faire, comme dirait un Français, ils doivent « mettre les pieds dans le plat ».

Je suis sûr qu’il y a des prêtres qui croient que le confessionnal, à une époque, était devenu un rituel janséniste né d’un excès de scrupules, dont nous avions besoin de nous débarrasser, et qui savent que nous sommes foncièrement bons et ne devons pas nous faire de souci aussi longtemps que nous n’avons pas créé une « séparation majeure » d’avec Dieu. Comme quoi ? Avoir tué ? Commis l’adultère ? Convoité les biens de mon voisin ? Et aucun des autres péchés, grands ou petits, n’a disparu du monde et du cœur des hommes.

Si vous voulez argumenter que historiquement la confession privée n’est apparue qu’après plusieurs siècles de christianisme, nous devrions plutôt savoir ce qui va prendre sa place. Parce que ce que nous avons maintenant, c’est une anarchie eucharistique : « je suis une bonne personne ; je peux aller à la messe et communier comme je veux » . Alors dites-moi, pour quoi fallait-il que le Christ vienne au monde et meure de cette mort horrible sur la Croix ?


Illustration : « Le retour du fils prodigue » par James J. Tissot, 1862

Source : http://www.thecatholicthing.org/2015/03/01/confession-dead/