La Transsubstantiation : la pierre rejetée par les maçons est devenue pierre angulaire - France Catholique

La Transsubstantiation : la pierre rejetée par les maçons est devenue pierre angulaire

La Transsubstantiation : la pierre rejetée par les maçons est devenue pierre angulaire

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La communion des Apôtres Luca Signorelli (vers 1500)

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Pour certains protestants se rapprochant du catholicisme la doctrine catholique de l’Eucharistie est vraiment « la pierre rejetée par les maçons ». Il en était ainsi pour moi jusqu’à ce que j’approfondisse le sujet d’un point de vue historique et en scrutant les écritures. Voici le résultat de mes cogitations.

Pour les catholiques le pain et le vin sont littéralement transformés en corps et sang du Christ lors de la consécration par le prêtre célébrant la Messe. Les non-catholiques butent fréquemment sur le terme « transsubstantiation », désignation philosophique que l’Église retient pour rendre compte au mieux de la transformation qui s’opère lors de la consécration. L’explication par l’Église de la transsubstantiation a été influencée par Aristote exprimant la différence entre substance et événement accidentel.

Aristote (384 – 322 av J.C.), comme la plupart des philosophes de son époque, voulait établir comment les choses évoluent tout en demeurant les mêmes. Une « substance », un chêne, par exemple, demeure lui-même au fil des transformations subies. Débutant sous forme de gland, il finit par prendre racine, son tronc pousse, prend des branches, des feuilles. Au cours de ces changements, le chêne reste chêne, ses feuilles virent du vert au roux, puis au brun, et finissent par tomber. Mais ces modifications ne changent pas la nature du chêne.

Par ailleurs, si on abat le chêne, le débite, et si le menuisier en fait un bureau, c’est un changement substantiel, le chêne cessant d’être chêne, et ses planches devenant autre chose, en l’occurrence un bureau. Selon l’Église, quand le pain et le vin deviennent le corps et le sang du Christ leur apparence ne change pas, mais leur substance change. Ils ont toujours l’aspect, le goût, la consistance, l’arôme du pain et du vin, mais ils ont été littéralement transformés en corps et sang du Christ. C’est cela, la transsubstantiation.

Pour plusieurs raisons on aurait tort de rejeter le terme de transsubstantiation à cause de l’influence d’Aristote dans cette formule.

Primo, les Églises d’Orient en communion avec Rome n’emploient que rarement ce langage aristotélicien, et cependant l’Église reconnaît parfaitement la validité de leur célébration eucharistique.

Secundo, l’Église catholique maintient que les liturgies divines célébrées par les Églises d’Orient séparées de Rome (généralement connues sous le nom d’Églises orthodoxes) sont tout aussi parfaitement valides, même si l’Église orthodoxe n’emploie que rarement le terme de transsubstantiation.

Tertio, la croyance que le pain et le vin sont littéralement transformés en corps et sang du Christ précède de plus de mille ans l’influence Aristotélicienne sur la théologie de l’Église. Ce n’est qu’au treizième siècle, sous l’influence de saint Thomas d’Aquin, que la distinction Aristotélicienne a été reprise par l’Église pour rendre compte de l’Eucharistie. Et en fait, quand le Concile de Latran (1215) a adopté l’expression de modification substantielle, saint Thomas n’était pas né !

Ce troisième argument m’a paru si convaincant qu’il m’a persuadé que le point de vue catholique sur l’Eucharistie est le bon. Je n’ai pas mis longtemps à saisir que le « réalisme Eucharistique » (comme il me plaît de désigner la « Présence réelle ») a imprégné profondément et indubitablement l’histoire du christianisme. C’est pourquoi l’historien protestant N.D. Kelly écrit : « Il faut comprendre d’abord que l’enseignement eucharistique était généralement, et sans équivoque, réaliste, c’est-à-dire que le pain et le vin consacrés devaient être considérés, traités et désignés en tant que corps et sang du Sauveur. » Je l’ai trouvé parmi nombre d’œuvres de Pères de l’Église primitive, dont saint Ignace d’Antioche (110 ap. J.C.), saint Justin, martyr (151 ap. J.C.), saint Cyprien de Carthage (251 ap. J.C.) le premier Concile de Nicée (325 ap. J.C.), saint Cyrille de Jérusalem (350 ap. J.C.), et saint Augustin d’Hippone (411 ap. J.C.). Ce ne sont pas, bien sûr, les seuls écrits de l’Église primitive traitant de la nature de l’Eucharistie. Mais ce sont des exemples représentatifs.

Nous ne devrions pas être étonnés, compte-tenu des textes du Nouveau Testament relatant la Cène. Célébrant le Dernier Repas avec ses disciples (Mat. 26:17-30; Marc 14:12-25; Luc 22:7-23), que nous commémorons lors de la Sainte Communion, Jésus l’a nommé « repas Pascal ». Il a désigné le pain et le vin comme son corps et son sang. À plusieurs reprises Jésus est nommé Agneau de Dieu (Jean 1:29, 36; Pierre 1:19, Apocalypse 5:12). Rappelez-vous que l’agneau immolé pour la Pâque est consommé par les participants au repas Pascal. Par conséquent les avertissements sévères de Saint Paul sur la Sainte Communion prise en état de péché n’ont de sens qu’à la lumière de la Présence réelle (Cor.I 10:14-22; Cor.I 11:17-34). Il écrit: « La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas communion au sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas communion au corps du Christ ?… Ainsi donc, quiconque mange le pain ou boit la coupe du Seigneur indignement aura à répondre du corps et du sang du Seigneur. » (Cor. I – 10:16; 11:27).

À la lumière de ces citations, sachant que Jésus s’est lui-même appelé « pain de vie » (Jean 6:41-51) et qu’il a déclaré « si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme et ne buvez son sang vous n’aurez pas la vie en vous » (Jean 6:53), la Présence réelle est presque une évidence pour l’Église primitive, les Églises d’Orient (rattachées ou non à Rome) et pour l’Église d’avant la Réforme (du Ve au XVIe siècle). C’est ainsi que la pierre rejetée par les maçons est devenue pierre angulaire.


Francis J. Beckwith enseigne la philosophie et les relations Église / État à l’Université de Baylor. Il relate son itinéraire aller – retour, Catholicisme – Protestantisme – Catholicisme dans son livre Return to Rome: Confessions of An Evangelical Catholic. (Retour à Rome. Confession d’un Catholique Évangéliste). Son blog: Return to Rome. (Retour vers Rome)

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Source : Transubstantiation