L’honneur de l’Armée - France Catholique

L’honneur de l’Armée

L’honneur de l’Armée

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Au moment où nombre de nos militaires se font tuer ou blesser (combien d’amputés à l’hôpital Percy ?) pour leur engagement au service de la paix en Afrique – un engagement qui devrait être beaucoup plus étendu en raison de l’acharnement et de la multiplication des groupes terroristes en divers pays -, le moment est-il propice et bien choisi, de rappeler à la population française ainsi qu’à d’autres pays qui nous regardent nous démener à peu près seuls en Afrique, le moment est-il bien choisi de rappeler certains crimes, à coup sûr abominables, de notre armée durant la guerre d’Algérie, il y a soixante ans ?

Cette armée qui accomplit aujourd’hui son devoir au service de la Nation et de populations africaines décimées, gravement troublées, menacées, dans leur vie quotidienne et leurs fragiles possibilités de développement ; cette armée qui loin loin d’une vie relativement aisée en Métropole où la consommation bat son plein pour beaucoup d’entre nous ; cette armée capable de se surpasser et de servir, bien que dotée de moyens encore insuffisants… a-t-elle besoin en ce moment précis, d’être humiliée, rabaissée par le rappel de justes faits qui malmènent son honneur ? N’a-t-elle pas plutôt besoin qu’on l’encourage, qu’on l’exalte et la loue publiquement, que l’on rende compte précisément de ses actions et de son courage ? N’a-t-elle pas besoin, contre la tendance à l’oubli ou à l’indifférence, que politique et Nation la soutiennent et fassent corps avec elle ?

Dans ces temps d’épreuve et d’incertitude, le véritable courage consiste-t-il à condamner ses fautes passées ou à valoriser grandement sa mission présente ?

Je suis personnellement acteur et témoin d’autres comportements de la même période qui sont à son honneur. Les voici, brièvement rapportés. Le putsch des généraux de 1961 fut en partie stoppé par la révolte de militaires appelés, de la base, militaires du contingent, accomplissant leur service militaire en Algérie. Ce putsch qui mit en émoi la France tout entière eut lieu alors que l’option des Algériens eux-mêmes pour l’auto-détermination, dès que les armes se tairaient, avait été annoncée par le général De Gaulle. Dans le secteur où je me trouvais, à l’est du pays, dans une garnison proche de la frontière tunisienne, je pris la tête d’une opposition, rapidement organisée, aux officiers du secteur qui s’étaient ralliés ou étaient sur le point de se rallier aux généraux putschistes insoumis au gouvernement légitime de la République. Avec mes camarades, nous fîmes prisonniers une vingtaine d’officiers et de sous-officiers de l’Etat-Major, à main armée ; nous les enfermâmes, et nous ne les libérâmes que sur la promesse solennelle du Général haut responsable commandant la zone, convoqué par nous, qu’il se rallierait lui et ses subordonnés au gouvernement de la République.

Pour ce coup audacieux de simples soldats vis à vis de leur hiérarchie, nous ne reçûmes ni moi ni mes camarades aucun blâme ni aucune sanction.

L’armée de métier qui avait été certes hésitante et infidèle (à cause principalement de ses nombreuses déconvenues dans des guerres coloniales mal conduites par les politiciens), se rattrapa d’une certaine manière, en acceptant la leçon de sa base justement insurgée. Ce fut à son honneur et mérite d’être dit.
Benoît A. Dumas, 14 septembre 2018