L'espérance, l'avenir et l'Avent - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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L’espérance, l’avenir et l’Avent

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Illustration : « L'ange apparaissant à Zacharie », William Blake, 1799-1800.

Illustration : « L'ange apparaissant à Zacharie », William Blake, 1799-1800.

[Metropolitan Museum, New-York]

Alors que nous approchons de Noël, nos frères et sœurs byzantins célèbrent deux dimanches en l’honneur des ancêtres du Christ. Mettons aujourd’hui à l’honneur l’un d’entre eux, le presque oublié Zacharie.

L’Avent est un temps concerné par le développement de comportements particuliers plus que par la prescription de certaines actions. Une des difficultés de l’homme moderne n’est pas tant qu’il fasse de mauvaises choses (bien qu’il en fasse effectivement) mais qu’il pense mal. Une pensée correcte mène à un comportement correct. En langage théologique : l’orthodoxie mène à l’orthopraxie. Les comportements, cependant, ne sont pas des réalités désincarnées ; ils s’incarnent dans des personnes historiques concrètes. Par conséquent, il est utile de réfléchir à ce héros relativement méconnu, qui a joué un rôle clef dans le tout premier Avent et qui peut nous aider à vivre un saint Avent et un saint Noël à notre propre époque.

Zacharie était prêtre, et comme tous les prêtres de l’Ancienne Alliance, il était marié. Saint Luc nous dit que lui et son épouse Élisabeth « étaient tous deux justes devant Dieu, respectant tous les commandements et préceptes du Seigneur de manière irréprochable ». Une seule source de chagrin et de tension existait dans leur vie : ils n’avaient pas d’enfant. Au sein du Peuple de Dieu, la stérilité était regardée comme une malédiction de Dieu et une disgrâce devant la famille humaine. (Quelle différence avec notre société où beaucoup évitent les enfants, ayant même recours à la contraception artificielle et à l’avortement.) Cependant, à toutes les époques, le peuple fidèle du Seigneur désirait ardemment la vie nouvelle qui est un signe de l’amour de Dieu.

Nous rencontrons Zacharie pour la première fois, c’est assez pertinent, dans le Temple, accomplissant son rôle de prêtre. Parmi les anciens Juifs, quand un prêtre était de service, il était tenu de vivre séparément de sa femme puisque même le peuple de l’Ancienne Alliance sentait une connexion entre l’activité sacerdotale et le célibat. Dans la Nouvelle Alliance, Jésus va un pas plus loin et fait du célibat une option préférentielle pour le Royaume. C’est un mode de vie permanent parce que la prêtrise est un mode d’existence permanent et non limité par des « périodes de service ». La haute prêtrise du Christ est éternelle et non pas temporaire.

En tout cas, Zacharie s’est approché de l’autel de Dieu à l’heure de l’encens et il est stupéfait de rencontrer un ange. Un prêtre qui passe sa vie entière à tenter de mettre les autres en contact avec le Tout-Puissant est ébahi quand Dieu communique avec lui. Le problème de Zacharie est double : la peur et le manque de confiance en Dieu.

Sa peur est enracinée dans une conjoncture commune à bien des gens, on prie durant de longues années pour quelque chose, en n’espérant pas vraiment obtenir cette faveur et on est ensuite terrifié quand Dieu agit pour nous. Le manque de confiance de Zacharie vient d’un enfermement dans un mode terrestre de voir la réalité : « comment le connaîtrais-je ? Je suis un vieil homme et ma femme est avancée en âge » (Luc 1:18). En d’autres mots, son savoir est limité par la façon dont les choses se passent habituellement ; il ne peut pas voir au-delà du niveau d’existence naturel et empirique.

Contrairement à ce que pensent la plupart des gens, la foi ne signifie pas ne pas voir les preuves appuyant la croyance, c’est plutôt une forme particulière de vision nous rendant capable de voir le monde dans une perspective divine. Un athlète peut-il survivre uniquement de pain et d’eau ? Probablement. Est-il susceptible de devenir champion olympique avec ce régime ? Probablement pas. De même, une personne peut vivre sans la vision procurée par la foi, mais c’est une vie étriquée. La foi n’est pas une chose « ajoutée » à notre vision naturelle, comme un télescope de forte puissance ; elle offre des panoramas que ceux qui en sont dépourvus ne peuvent imaginer.

La foi n’est pas non plus basée sur des vœux pieux ; elle est fondée sur les actions providentielles de Dieu au cours de l’histoire du salut. C’est pourquoi Zacharie le prêtre aurait dû être mieux au courant et ne pas douter. Dieu fait montre de Son intolérance au manque de confiance à Son égard en frappant de mutité le vieux prêtre. A dire vrai, la faculté de parler n’est d’aucun usage pour Zacharie s’il est réticent à croire et ensuite à parler des merveilles que Dieu a faites.

Mais Zacharie apprend la leçon. Quand l’enfant de ses espoirs et de ses rêves est né et que tout le monde veut le nommer d’après le nom de son père ou de quelque autre parent, le muet Zacharie se souvient du message de l’ange et intervient en écrivant délibérément sur la tablette : « Jean est son nom » (Luc 1:63). A cet instant, sa langue se délie, si bien que non seulement il peut parler mais qu’il le fait sous forme poétique, nous rappelant que le Seigneur dépasse nos espérances – si nous Lui faisons confiance.

Le vieux prêtre éclate en louange dans son magnifique hymne, le Benedictus, que l’Église a utilisé depuis des siècles dans la prière des Laudes. Il commence avec la louange de Dieu pour Son œuvre rédemptrice en faveur de la race humaine et se poursuit avec la prise de conscience de la façon dont cette œuvre sera accomplie de manière unique par le propre fils de Zacharie. Le père s’adresse à son rejeton avec beaucoup de charme : « Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut ; car tu marcheras devant le Seigneur pour Lui préparer le chemin, pour annoncer à Son peuple qu’il est sauvé, que ses péchés sont pardonnés. » De quelle façon ? « Par la tendresse miséricordieuse de notre Dieu, quand le jour se lèvera sur nous pour donner la lumière à ceux qui se trouvaient dans l’obscurité et dans l’ombre de la mort, pour guider nos pas sur le chemin de la paix ».

La foi le rend capable de voir non seulement le passé et le présent mais également l’avenir. Parce que nous savons comment Dieu a agi par le passé et ce qu’Il fait pour nous juste maintenant, nous pouvons arriver à des conclusions intelligentes sur ce qu’Il va faire dans les jours et années à venir. Les gens qui n’ont pas la foi n’ont rien à espérer dans la vie parce qu’ils ne sont pas en contact avec le Dieu qui est la Fidélité Personnifiée.

Espérance et avenir, c’est cela l’Avent.