L'esclavage et l'histoire mémorielle - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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L’esclavage et l’histoire mémorielle

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Comment parler aujourd’hui de l’histoire de l’esclavage ? C’est, d’évidence, périlleux, car le sujet est devenu, comme on dit aujourd’hui, mémoriel. Il ne s’agit donc pas seulement de tenter le récit d’une pratique qui a gravement atteint la dignité d’une part considérable de l’humanité. Il s’agit souvent de mener un combat de reconnaissance pour faire valoir une dette dont on s’estime les héritiers, parce que ce sont vos ancêtres qui ont souffert. Le combattant de la mémoire est, par principe, dans ce qu’on appelle encore une situation victimaire, car s’il n’est pas victime lui-même, il s’estime solidaire du malheur d’hier dont il assume encore les conséquences psychologiques et morales. Il lui arrive même, comme on l’a vu ces jours-ci, de réclamer une indemnisation pour des faits qui ont eu lieu il y a deux siècles et au-delà.

Le communautarisme consiste souvent dans cette surenchère de la mémoire, qui peut devenir redoutable, s’il aboutit à déchirer le tissu social. Cela ne veut pas dire qu’il faut éluder une question aussi grave. Bien au contraire. Le problème, c’est de ne pas perdre le sens historique, en se laissant aller à des postures partisanes. Or c’est trop souvent le cas. Il n’y a pas si longtemps l’historien Olivier Pétré-Grenouilleau, a été dénoncé pour avoir rappelé qu’il n’y avait pas eu que la monstrueuse traite organisée par les Occidentaux. Il y avait eu aussi une traite orientale et une traite intra-africaine. Ce rappel est insupportable à ceux qui veulent faire peser la responsabilité criminelle sur les seules nations occidentales.

Il se trouve que j’ai connu personnellement un Africain extraordinaire, qui sera probablement un jour canonisé, et qui avait été emmené esclave à l’adolescence par un marchand qui participait de la traite intérieure. Il avait fini par échapper à son geôlier en se réfugiant auprès de missionnaires catholiques. C’est un fait historique, qui n’est pas l’objet de revendication mémorielle. Il n’en est pas moins avéré.

Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 12 mai 2014.