« L’art français met en scène l'incarnation » - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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« L’art français met en scène l’incarnation »

Loin des phénomènes commerciaux qui envahissent les galeries, se développe en souterrain un art enraciné et fidèle à la tradition française selon Benjamin Olivennes, normalien, auteur de L’autre art contemporain.

Peinture

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La SMN avant le désastre (2005), Jean-Baptiste Sécheret.

La SMN avant le désastre (2005), Jean-Baptiste Sécheret.

© Galerie Jacques Elbaz

Existe-t-il en peinture un véritable art français ? Benjamin Olivennes : Plus on regarde la peinture, plus on se rend compte qu’il y a des écoles nationales. Quelqu’un qui a l’œil exercé peut voir à l’œil nu qu’un tableau a toujours un air de son pays. C’est une réalité dont on est conscient dans les arts langagiers : quand on lit Dostoïevski, on sait que le roman nous dit quelque chose de la Russie, même s’il porte sur la nature humaine. De même quand on regarde un film de Fellini, on sait qu’on regarde une œuvre italienne. C’est vrai aussi en musique ou en peinture : il existe une musique et une peinture françaises. L’idée d’une peinture française est apparue à la fin du XIXe siècle, et l’identité française en peinture était une évidence pour André Malraux, Louis Aragon, et même pour des étrangers comme Picasso – ces gens n’étaient pourtant pas des identitaires ! On retrouve des caractéristiques propres à l’art français à travers les siècles, elles se voient sur la Pietà d’Avignon qui est au Louvre, sur les tableaux de Poussin au XVIIe siècle, sur les natures mortes de Chardin au XVIIIe siècle, et les paysages de Corot au XIXe siècle, jusqu’à Cézanne, point culminant de l’art français. Qu’est-ce qui définit l’art contemporain que vous décriez dans votre livre ? L’art contemporain que je critique est celui qui est aujourd’hui le plus main-stream, ce sont les artistes les plus cotés dans le marché mondial, et les plus soutenus par les institutions culturelles françaises – quand bien même ce sont des artistes étrangers. On sait que Jeff Koons, le plus connu d’entre ces artistes, a donné un Bouquet de tulipes, dont chaque fleur évoque un anus, à la ville de Paris. Je pense aussi à Paul McCarthy dont un plug anal géant avait eu droit à une installation place Vendôme il y a quelques années. C’est le prolongement de ces deux démarches dans une volonté de provocation à caractère sexuel. C’est un art qui s’inscrit dans cet objectif de transgresser mais qui est ce qu’il y a de plus « conservateur » dans le mauvais sens du terme : il est soutenu par tous les pouvoirs et les institutions en place, et ne fait que singer des provocations qui ont maintenant cent ans. Comment la résistance française se manifeste-t-elle ? Il faut savoir que cette résistance n’est pas menée par chauvinisme, d’ailleurs les artistes français n’ont pas besoin de se revendiquer français : ils le sont jusqu’au bout des ongles et cela se voit dans leurs œuvres. Je vais prendre l’exemple du sculpteur Denis Monfleur : dans son travail, il se demande constamment comment les sculpteurs romans ou gothiques qui ont travaillé sur les cathédrales ou sur les églises en France auraient fabriqué telle œuvre. Il s’inscrit dans une histoire. Retrouvez l’intégralité de l’entretien dans le magazine. l-autre-art-contemporain.jpgL’autre art contemporain. Vrais artistes et fausses valeurs, Benjamin Olivennes, éditions Grasset, 2021, 168 pages, 16 €.