L’arrogance intacte d’un banquier - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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L’arrogance intacte d’un banquier

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Le livre d’Hugues le Bret, ancien directeur de communication de la Société Générale, sorti en poche 3 ans après son édition, est censé raconter l’affaire Kerviel, une histoire de trader à la française. J’espérais un bon livre qui expliquerait à la néophyte que je suis, les mécanismes des marchés financiers, de cette finance qui, nous l’avons expérimenté en 2008, domine désormais toute l’économie. Avec le titre – La semaine où Jérôme Kerviel a failli faire sauter le système financier mondial -, je m’attendais à un bon thriller aux multiples drames et rebondissements, qui me rendrait la compréhension du système bancaire actuel presque ludique.

Le livre est écrit effectivement comme un policier, séquencé heure par heure et jour par jour, et il dresse le portrait de la poignée des hommes qui ont été aux manettes cette semaine-là. Mais, première déception, il ne quitte jamais le registre de la caricature outrancière incapable de s’aventurer dans la complexité des âmes humaines, où le meilleur voisine souvent avec le plus mauvais ; le décor, type Règlement de comptes à OK Corral est posé dès les premières pages : d’un côté les méchants avec en tête Jérôme Kerviel, dont Hugues le Bret n’essaie même pas de comprendre la trajectoire ni les ressorts intimes; de l’autre côté, les bons avec le patron, Daniel Bouton le saint tout dévoué à sa banque et qui va connaître une descente aux enfers injuste et précipitée ; l’auteur lui-même témoigne d’une telle dévotion envers son boss, qu’on en déduit qu’il se range sans complexes dans le camp du Bien ; et en tous cas qu’il est resté dans son rôle de directeur de la communication, ou de la promotion permanente.

Seconde déception, le récit est truffé d’un jargon financier franglais- sans notes en bas de page, ni lexique – incompréhensible au commun des mortels et qui montre bien qu’on reste entre soi, et que malgré la crise financière, il n’y a aucune remise en question ni interrogations sur un système devenu dingue et tournant sur lui-même en circuit fermé.

Enfin, Hugues Le Bret, à travers quelques exemples de salariés de la banque à l’époque, tente de nous persuader que leur vie a failli être brisée par cette fatale affaire, alors que seul leur emploi a pu être menacé – une supposition en réalité peu crédible – ; le drame se cache en fait ailleurs et notamment dans le fait qu’un job puisse être sacralisé à ce point.

On pouvait espérer une réflexion, une analyse qui tente de comprendre pourquoi la finance actuelle est capable d’accoucher d’un « Jérome Kerviel », garçon à l’origine sans histoire si ce n’est une capacité supérieure pour jongler dans un univers totalement virtuel ; j’espérais naïvement que l’été 2008 avait servi de détonateur à une prise de conscience et que quelque chose avait changé depuis : j’ai réalisé seulement à la lecture de ce livre, que le pire est peut-être encore à venir.