L’anniversaire troublant d’une victoire stalinienne - France Catholique

L’anniversaire troublant d’une victoire stalinienne

L’anniversaire troublant d’une victoire stalinienne

Copier le lien

En fêtant le 70ème anniversaire de la victoire militaire de l’URSS sur l’Allemagne nazie, en ce 8/9 mai 2015, Vladimir Poutine a rendu un hommage troublant à la mémoire pourtant discutable de Staline. Un Staline qui ne lésina pas sur le sacrifice des peuples dont il portait la responsabilité devant l’histoire, après avoir porté la responsabilité de la Grande Terreur de 1937 qui décima notamment les cadres de l’Armée Rouge pourtant utiles à la défense de son propre pays, puis la responsabilité des désastres militaires soviétiques de 1941.

Face à cet autre monstre politique qu’était Adolf Hitler, avec lequel lui, Staline, il avait pourtant initialement préparé le dépeçage de la Pologne catholique et la déstabilisation de toute l’Europe « capitaliste » et judéo-chrétienne honnie dans une haine commune à ces deux tyrans totalitaires, successivement complices d’août 1939 à juin 1941 puis adversaires jusqu’en avril 1945. Un Staline qui a semé ensuite des germes diaboliques de division au cœur de cette Europe dont il asservi des peuples entiers, utilisant de multiples complicités, jusque chez certains de ses anciens adversaires… Perversion et oppression, telle était la « libération » de ce prince du mensonge.

En Crimée, Poutine a inauguré une statue géante de Staline vainqueur du « partage du monde » de 1945 à Yalta, un Staline dominant un Roosevelt à peine sorti de ses illusions naïves et déjà mourant et un Churchill trop faible pour empêcher la mainmise communiste sur l’Europe de l’Est. Dans cette Crimée annexée l’an passé par le Kremlin après un référendum-éclair, les Tatars se sont vus privés brusquement de leur chaîne de télévision le mois dernier par une mesure arbitraire. Déportés en masse en 1944 par Staline après avoir été accusés de façon abusive de collaboration avec les nazis, les Tatars de Crimée, de nouveau admis dans leur pays sous la tutelle de l’Ukraine indépendante d’après 1991, sont à nouveau persécutés depuis l’annexion de la presqu’île par Moscou, et leurs représentants y sont interdits de séjour… L’ombre de Staline ?

En ce 70ème anniversaire du 8 mai 1945, Vladimir Poutine a omis délibérément de saluer nommément les dirigeants de l’Ukraine et de la Géorgie, comme si ces pays n’avaient pas été impliqués dans la « Grande guerre patriotique » entraînée par la nécessité de résister à un Hitler qui trahissait brusquement en juin 41 le Pacte germano-soviétique d’août 1939. En revanche, en signe de reconnaissance à l’égard de ces nouveaux vassaux de sa volonté de puissance, Poutine a salué les dirigeants de complaisance installés à la tête des deux « républiques populaires » séparatistes créées artificiellement en Géorgie en 2008, l’enclave d’Abkhazie et l’enclave d’Ossétie du Sud, qui barrent opportunément des voies d’approvisionnement énergétique à des pays étrangers à la Russie… Et en ce moment encore, en Ukraine, dans le Donbass, la guerre continue, une « guerre hybride », cruelle et cynique, téléguidée depuis la Russie, avec de trop nombreuses victimes civiles innocentes.

Il y a 70 ans, certes, et de cela on ne peut que se féliciter, le nazisme a été vaincu, à l’Est comme à l’Ouest, mais il l’a été par des peuples, et non certes pas toujours par leurs dirigeants, et encore moins par leurs régimes, parfois cruellement différents. En revanche, la volonté de puissance et l’instinct prédateur du matérialisme né de Hegel et de Marx, puis nourri de Lénine et de Staline, ces démons-là semblent hélas ne pas avoir été vaincus. Et si le communisme a semblé disparaître entre 1989 et les années 90, il apparaît tristement que de redoutables métastases nationalistes en sont issues, çà et là, derrière des discours de faux frères aptes à séduire ou à tromper.

Aujourd’hui, trop nombreux sont ceux qui cèdent au mensonge. Mais la liberté des peuples d’Europe et du monde reste un bien précieux qu’il importe de préserver. Sans exclusive mais sans naïveté, et sans faiblesse.

Denis LENSEL