L’Europe, pour la « gloire de l’homme » - France Catholique
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L’Europe, pour la « gloire de l’homme »

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A Saint-Jacques de Compostelle, le pape Benoît XVI a vécu samedi 6 novembre, le premier volet de son grand diptyque espagnol. Sa vision de Compostelle embrasse et réconcilie les cultures de l’Europe, au service de la dignité – la « gloire » – de l’homme, pourvu que le continent s’ouvre à Dieu. Qui n’est jamais pour l’homme un rival. Pourquoi avoir peur ?

Blanc. Le pape Benoît XVI se fait pèlerin parmi les pèlerins des siècles, et sous un ciel limpide, le podium de la célébration eucharistique.

Brun. La pierre du sanctuaire qui abrite le tombeau de l’apôtre, la statue séculaire, et le gigantesque encensoir argenté qui oscille majestueusement en attirant le regard vers le haut. La cape du pèlerin portant la coquille et la croix. Les instruments du grand orchestre.

Rouge. Le témoignage de Jacques, apôtre et martyr, la liturgie du Jubilé.

Ce sont les couleurs de ce premier volet du pèlerinage du pape bavarois, un pape « européen » qui parle galicien et espagnol. Et préside une liturgie où s’enchevêtrent l’espagnol et le latin, et d’autres langues du continent : italien, français, allemand, anglais, avec cet autre langage de l’Europe qu’est la musique sacrée. L’Ave Verum de Mozart monte dans le crépuscule de Saint-Jacques, accompagnant la profondeur de la communion.

Autant de « photos » des trois « stations » de la journée du pèlerin sur le chemin de Saint-Jacques, dans ce « Finistère » de Galice et de l’Europe, mais aussi confluent des cultures, creuset de leur réconciliation.

Un pèlerinage prophétisé par la chasuble ornée de cette coquille portée lors de l’inauguration du pontificat le 24 avril 2005. Un pontificat comme une longue marche de pèlerin. La coquille ne représente-t-elle pas, selon les termes du concile Vatican II « le peuple de Dieu pérégrinant ». Les armoiries pontificales ne portent-elles pas cette coquille d’or ?

Grâce aux pèlerins et aux Chemins de Compostelle « l’Espagne et l’Europe acquirent une physionomie spirituelle marquée de façon indélébile par l’Évangile », constate Benoît XVI à peine arrivé sur le sol espagnol, à l’aéroport où il a été accueilli par le Prince des Asturies, le prince héritier Felipe, et son épouse, la princesse Letizia.

Benoît XVI rappelle qu’il met ses pas dans ceux de Jean-Paul II, deux fois ici pèlerin en 1982 et 1989, pour exhorter à cultiver la vérité, la liberté et la justice.

Ses pas aussi dans ceux des pèlerins dont les traces généreuses marquent le paysage européen : « Avec les empreintes laissées par leurs pas et pleins d’espérance, ils tracèrent une route culturelle, de prière, de miséricorde et de conversion, qui s’est concrétisée par des églises et des hôpitaux, des hôtelleries, des ponts et des monastères. C’est ainsi que l’Espagne et l’Europe acquirent une physionomie spirituelle marquée de façon indélébile par l’Évangile ».

La papamobile rencontre les première foules en liesse le long des dix kilomètres qui séparent l’aéroport du sanctuaire.

Deuxième « station », le Pape passe la porte sainte et descend dans la crypte, auprès du tombeau de l’apôtre. Le Pape a reçoit la cape brune des pèlerins. Il fait observer que Compostelle est à la fois le « cœur spirituel de la Galice » et une « école d’universalité sans frontières ».

L’Année sainte de Saint-Jacques – « temps spécial de grâce et de pardon » a écrit le Pape pour l’ouverture de la porte sainte le 31 décembre dernier – revient chaque fois que la fête de « l’Ami de Jésus » tombe un dimanche. Mais en cette année jubilaire, le sanctuaire fête aussi « le 800ème anniversaire de la consécration » de la « Maison du « Señor Santiago » ».

Comme dans une symphonie, le thème de la liberté revient, dans une tonalité nouvelle où se tresse le lien « étroit » et « nécessaire » entre vérité et liberté : « La recherche honnête de la vérité, l’aspiration à celle-ci, est la condition d’une authentique liberté », l’une n’allant pas sans l’autre car « cette aspiration à la vérité, à la justice et à la liberté, l’homme se perdrait lui-même ».

Le pèlerin de Rome accomplit le geste des amis de saint Jacques : « En embrassant sa statue vénérée, j’ai aussi prié pour tous les fils de l’Église, qui a son origine dans le mystère de communion qui est Dieu ».

Les catholiques d’Espagne sont invités à « vivre en se laissant éclairer par la vérité du Christ, en professant leur foi avec joie, cohérence et simplicité, à la maison, au travail et dans leur responsabilité de citoyens », et à poursuivre sans se lasser « les nombreuses institutions de charité et de promotion humaine ».

Troisième station. Le cœur de la journée du pèlerin. L’eucharistie. Ornements jubilaires rouges. Une couleur qui dit le tragique des vicissitudes humaines. Mais « Dieu fera justice aux humiliés de l’histoire », affirme Benoît XVI qui invite l’Europe à « s’ouvrir à Dieu » – et aux autres continents -, car « Dieu n’est pas le rival de l’homme », c’est pourquoi « on ne peut rendre un culte à Dieu sans protéger l’homme ».

Le cœur du message de Compostelle c’est cet appel à la « gloire de l’homme » : « Permettez que je proclame depuis ce lieu la gloire de l’homme, que j’avertisse des menaces envers sa dignité par la privation de ses valeurs et de ses richesse originaires, par la marginalisation ou la mort infligée aux plus faibles et aux plus pauvres ! On ne peut rendre un culte à Dieu sans protéger l’homme, son fils, et on ne sert pas l’homme sans s’interroger sur qui est son Père et sans répondre à la question sur lui ».

Un message qui réconcilie de ce que l’on a trop longtemps opposé. Les oppositions ne sont pas une fatalité. « L’Europe de la science et des technologies, l’Europe de la civilisation et de la culture, doit être en même temps l’Europe ouverte à la transcendance et à la fraternité avec les autres continents, ouverte au Dieu vivant et vrai à partir de l’homme vivant et vrai. Voilà ce que l’Eglise désire apporter à l’Europe : avoir soin de Dieu et avoir soin de l’homme, à partir de la compréhension qui, de l’un et l’autre, nous est offerte en Jésus Christ ».

Benoît XVI récuse l’idée héritée du siècle passé que Dieu serait « le rival de l’homme et l’ennemi de sa liberté ». Le leit-motiv du pèlerinage s’enrichit d’une résonance transcendante.

« Il est nécessaire, continue le Pape, que Dieu recommence à résonner joyeusement sous le ciel de l’Europe », car « l’Europe doit s’ouvrir à Dieu, sortir sans peur à sa rencontre, travailler avec sa grâce pour la dignité de l’homme que les meilleures traditions avaient découverte : la tradition biblique – fondement de cet ordre -, et les traditions classique, médiévale et moderne desquelles naquirent les grandes créations philosophiques et littéraires, culturelles et sociales de l’Europe ».

Le Pape embrasse dans sa vision de Compostelle toutes ces traditions qui ont modelé l’Europe. Pourvu qu’elles travaillent, réconciliées, « pour la dignité de l’homme » en s’ouvrant à Dieu.

Rien à craindre. De Lui vient l’initiative : « Au point de départ de tout ce que le christianisme a été et continue d’être ne se trouve pas une initiative ou un projet humain, mais Dieu, qui déclare Jésus juste et saint devant la sentence du tribunal humain qui le condamne comme blasphémateur et subversif ; Dieu, qui a arraché Jésus Christ à la mort ; Dieu qui fera justice à tous ceux qui sont injustement les humiliés de l’histoire ».

Sur une épaule, le pèlerin de Saint-Jacques porte la coquille. Et sur le cœur la croix, cette croix qui jalonne les Chemins de Saint-Jacques, ouvrant le marcheur à « l’amitié » du Christ: « Ne cessez pas d’apprendre les leçons de ce Christ des carrefours des chemins et de la vie, en Lui nous rencontrons Dieu comme ami, père et guide. O croix bénie, brille toujours sur les terres d’Europe ! »

NB