Hommes, ne vous tuez pas les uns les autres - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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Hommes, ne vous tuez pas les uns les autres

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C’est l’histoire d’un homme ordinaire : un homme avec ses petitesses et ses qualités, un ingénieur qui aime son travail et qui ne cherche qu’à bien le faire, un époux aimant et un père de famille très attaché à sa petite fille Eleonora. C’est un homme qui croyait avoir la chance de vivre une époque formidable et qui y a cru, probablement, jusqu’à sa mort atroce ; Alexeï Féodossiévitch Vangengheim est un effet une victime parmi des millions d’autres de la terreur stalinienne. Il a disparu avec 1 116 autres hommes, un jour sombre de la fin octobre 1937. Sa femme a attendu son retour pendant 16 ans ; elle apprendra sa mort en même temps que sa réhabilitation : une aberration administrative dont les États totalitaires ont le secret.

Elle mourra sans jamais savoir, ni comment son mari a été tué, ni où. Car en URSS, non seulement on assassine mais on ment, empêchant ainsi les familles de pleurer leurs morts et de leur donner une sépulture.

C’est au cours d’un de ses voyages en Russie, pays qui l’envoûte depuis des années, qu’Olivier Rolin a découvert le destin d’Alexeï Féodossiévitch. En 2010, il se rend sur les îles Solovki, archipel glacial situé au milieu de la mer blanche, haut lieu spirituel de la sainte Russie, dont l’imposant monastère a hébergé le premier goulag. Une prison haut de gamme, où étaient détenus principalement des aristocrates et des intellectuels. Au sein même du camp, une bibliothèque de 30 000 volumes, alimenté en autres par les apports des détenus. C’est là qu’Olivier Rolin découvre un album édité par la fille du déporté Alexeï Féodossiévitch, à la mémoire de son père : le livre est constitué des lettres, des dessins de plantes et d’animaux que le détenu a envoyé à sa petite fille durant ses 3 années des camp. Car Vangengheim est un scientifique, qui s’intéressait aux nuages et qui a été le premier directeur du service hydrométéorologique unifié de l’URSS. De sa prison, il s’attache à faire l’éducation d’Eleonora. C’est aussi un bon bolchevique qui a mis sa foi dans le parti, foi qu’il ne reniera jamais comme en témoignent ses lettres.

En s’attachant à retracer l’histoire de cet homme, qui ne fut pas un héros, et dont le manque de lucidité fait froid dans le dos, Olivier Rolin donne du corps à une histoire effroyable, ces années terribles, où la Russie se transforma en un gigantesque charnier. Il n’y a que deux révolutions universelles écrit Olivier Rolin, la française et la russe ; les deux soulevèrent un espoir formidable et les deux se terminèrent dans des bains de sang et de terreur. Pourquoi ? C’est toute la question que soulève Olivier Rolin. L’utopie communiste aurait-elle pu se réaliser si il n’y avait pas eu Staline ? On peut aussi se demander si la révolution française conduisait aussi inévitablement à St Just et Robespierre. Tous des idéologues, prêts à massacrer tous ceux qui peuvent empêcher la réalisation de leurs sociétés idéales. A l’entrée du site, où le météorologue et ses 1 100 compagnons furent exécutés sauvagement, un rocher porte l’inscription : « Hommes, ne vous tuez pas les uns les autres ».

Pourtant, comme si on avait oublié l’histoire, cela continue : les bourreaux de l’État islamiste n’ont rien inventé et le drame est que cette idéologie contemporaine séduise encore des jeunes, qui comme ceux du XVIIIe siècle ou du début du XXe ont soif d’idéal. Sans réaliser qu’une idéologie qui nie la sacralité et la dignité de tout homme, ne symbolise que la mort et la terreur.

Et nous, pendant ce temps- là, aveugles et sourds à cette soif, dans notre Europe fatiguée, comme l’a fait remarquer le pape François, nous nous interrogeons sur l’euthanasie, sans penser à tous ces hommes et ces femmes qui ne voulaient que vivre et qui ont été massacrés sans même savoir pourquoi.

Le météorologue Olivier Rolin. Le Seuil