Féminité toxique - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Féminité toxique

Traduit par Bernadette Cosyn

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Ceux qui étudient des langues à déclinaison comme le latin sont rapidement confrontés au problème des qualificatifs. Une fois que vous avez compris que le génitif de « Marius » modifie le nominatif « livre », vous devez vous demander si le livre a été écrit par Marius, appartient à Marius ou a pour thème Marius. De même, en anglais, quand vous dites : «  les hommes stupides ne demandent pas à être guidés » la question est de savoir si vous voulez dire « ceux parmi les hommes qui sont stupides ne demandent pas à être guidés » ou « les hommes, étant stupides, ne demandent pas à être guidés ».

Tout cela pourrait sembler pointilleux et ergoteur jusqu’à ce qu’on en arrive à la confusion générée par la nouvelle publicité Gillette « masculinité toxique ». Est-ce la masculinité qui est toxique ? Ou une certaine catégorie de masculinité  ? Je n’ai pas vu la publicité Gillette, donc je n’en ai aucune idée. Je ne vais pas non plus me tourner vers une publicité pour me faire une idée sur la masculinité. Que suis-je supposé dire à mes amis barbus ? « Hé, Gillette dit que les vrais hommes se rasent ! » Ce n’est pas ce que je pense. Mais n’ayant pas vu les spots publicitaires, je n’ai rien à en dire.

Je n’ai rien à dire non plus de la controverse générée par les publicités chez les gens qui se soucient de telles choses, à part saisir cette occasion pour faire remarquer que la grammaire et la logique ont de l’importance. Alors pourquoi ne les enseignons-nous pas ? Vous voulez des discussions civiques de meilleure qualité ? Alors vous devez donner aux gens les outils nécessaires.

Gillette a fait la plaidoirie habituelle pour cette polémique, affirmant qu’ils ont rendu service en « provoquant un débat important ». Les commentaires du gouverneur de Virginie Ralph Northam sur le sujet de laisser mourir un enfant né vivant « ont provoqué un débat important » mais cela ne rend en rien ces commentaires moins odieux ou moins répugnants.

Vous imaginez ce que la réponse aurait été si la publicité avait été appelée « féminité toxique ». Les mêmes gens seraient-ils en train de dire que cela a généré un débat utile ou seraient-ils en train de demander les têtes des gens de la compagnie incriminée ?

Je ne crois pas que la féminité soit toxique, et je n’ai vraiment aucune idée de ce que pourrait être une féminité toxique, mais j’ai donné ce titre à cet article rien que pour tester la proposition. Soyez franc : avez-vous été extrêmement choqué par ce titre, bien plus que vous ne l’auriez été par les mots « masculinité toxique » ?

Si vous l’avez été, je ne sais pas ce que cela signifie, mais cela mériterait peut-être d’y penser. Après tout, je suis simplement en train d’essayer de générer un débat utile…

Serena Sigillito a écrit un très bon texte sur le tollé de la « masculinité toxique », faisant remarquer que « aussi désagréables que les termes puissent sembler aux conservateurs dans un premier temps, le concept de masculinité toxique ne devrait pas être étranger à ceux qui adhèrent aux normes traditionnelles de moralité ».

De fait, il y avait un mot pour désigner un jeune homme qui avait appris les comportements appropriés à adopter vis-à-vis des autres, que ce soient les parents, les enseignants, les aînés, ses camarades de travail ou les femmes qu’il ne connaissait pas bien. Les pères et mères auraient dit à leurs garçons adolescents : « sois un gentleman ! »

Maintenant, les gens tournent cette idée en dérision. Comme C.S. Lewis l’a un jour fait remarquer : « Nous faisons des hommes sans carrure et nous en attendons la vertu et l’esprit d’entreprise. Nous nous moquons de l’honneur et nous sommes choqués de trouver des traîtres parmi nous ». Si « être un gentleman » semble trop désuet et victorien, peut-être que les gens de Gillette auraient pu dire quelque chose comme « Hé, les gars, le pays a besoin d’hommes, pas d’adolescents attardés ».

Je ne serais la première personne à noter le manque crucial d’hommes à marier disponibles pour sortir avec les femmes à marier belles et talentueuses que je connais. Les innombrables horribles histoires de femmes qui se sont aventurées sur le site catholique de rencontre Match.com suggèrent que les hommes catholiques ne se comportent pas beaucoup mieux que leurs homologues séculiers.

Les catholiques ont raison de critiquer les tendances de la société quand elles persistent à ignorer les principes de base de la nature en ce qui concerne notre existence corporelle et la relation entre la sexualité et la famille. Mais y a-t-il d’autres vérités tenaces sur la nature du développement humain dont nous serions ignorants ?

Bon, vérifions. Les humains sont biologiquement « adultes » (ce qui signifie qu’ils sont aptes à se reproduire) vers 14 ou 15 ans à peu près – les femmes parfois un peu plus tôt et les hommes un peu plus tard. Des cultures avisées trouvent des moyens de rendre ces jeunes adultes capables de prendre des responsabilité d’adulte, spécialement en ce qui regarde le mariage et la famille ; les cultures insensées qui ne le font pas en subissent les conséquences.

Nous, tout particulièrement depuis les années 50, nous avons décidé de subir les conséquences. Nous avons créé « l’adolescence », une construction totalement absurde d’une étape de développement où les adultes en devenir se voient donner toutes les libertés de l’âge adulte sans aucune de ses responsabilités. Et nous sommes surpris de voir surgir des problèmes ?

Au lieu de faire ce que font les cultures avisées, c’est-à-dire prendre les « jeunes adultes » et s’assurer qu’ils passent leur temps avec de vrais adultes afin d’apprendre les disciplines et les vertus dont ils ont besoin pour prendre leurs responsabilités d’adulte et préparer leur liberté d’adulte, nous laissons nos jeunes adultes passer tout leur temps avec les autres jeunes adultes, qui sont pour la plupart aussi nuls qu’eux-mêmes, agissant généralement de façon puérile.

Ne poussez pas les jeunes femmes suivant mes cours à sortir avec les jeunes hommes à l’université, avec leurs addictions aux jeux vidéo, aux sms, aux réseaux sociaux et leur incapacité à tenir une véritable conversation avec une véritable jeune femme, vive et intelligente.

Ce que je propose ? Le « projet de rencontre », à l’université de Boston, est une bonne idée. Entraîner jeunes gens et jeunes filles aux danses de salon pourrait en être une autre. Mais rien ne marchera très bien tant que nous n’arrêterons pas de traiter nos « adultes émergents » comme des enfants et que nous ne commencerons pas à les incorporer dans la société adulte.

Si vous voulez des hommes adultes, il est nécessaire que les garçons passent du temps avec des adultes matures et responsables, probablement à travailler. Des ados passant tout leur temps avec des ados, c’est une recette pour le désastre. Cela crée – passez-moi l’expression – des ados toxiques.

Randall B. Smith est professeur de théologie (chaire Scanlan) à l’université Saint-Thomas de Houston.

Illustration : « Amazone » par Anne-Louis Girodet-Trioson, 1812 [collection privée]

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/02/13/toxic-femininity/