Eucharistie et politique - France Catholique

Eucharistie et politique

Eucharistie et politique

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© P Deliss / GODONG

Un homme politique catholique peut-il communier alors qu’il cautionne un discours public contraire à l’enseignement de l’Église, en l’occurrence l’avortement ?

Telle était la question, celle de la « cohérence eucharistique », posée par les évêques américains, lors de leur assemblée plénière, et à laquelle une écrasante majorité d’entre eux – 168 contre 55 – a répondu par la négative. En attendant un vote définitif sur ce sujet que le Vatican surveille de près, afin qu’il ne soit pas considéré comme une décision anti-Biden.

Catholique, le président américain assiste à la messe, affirme s’opposer personnellement à l’avortement, mais ne veut pas imposer publiquement cette position. Et il a déjà pris plusieurs mesures saluées par les partisans du droit à l’avortement. Au risque du scandale sur ce qui constitue le cœur de la foi…

Une arme politique « médicinale »

Débat sensible donc, mais dont les enjeux dépassent le cas américain. D’abord parce qu’il s’inscrit dans la claire volonté des évêques d’un « réveil [de la foi] eucharistique », après une pandémie ravageuse du point de vue de la pratique religieuse. Et sur ce point, il n’y a pas que l’Amérique…

Par ailleurs, il faut noter que l’excommunication, rarement utilisée, a pour vocation première d’être « médicinale » : il ne s’agit pas de condamner sans rémission aux flammes de l’enfer, encore moins d’exclure les baptisés de l’Église, mais de placer le sujet devant ses responsabilités en le coupant par sa désobéissance des effets de la grâce, tout en espérant un changement de comportement. Le cas le plus célèbre étant l’empereur germanique Henri IV, qui finit par faire pénitence devant le pape à Canossa, en Italie.

Avec ce nouvel épisode, c’est également la question des rapports épineux entre le spirituel et le temporel qui se trouve ainsi relancée, et au plus haut niveau. L’Église, épouse du Christ, est-elle fondée à juger de toutes les actions humaines, au nom d’un amour pour les hommes qui n’est pas de la complaisance ? Ou bien se trouve-t-elle réduite à apporter un vague supplément d’âme, à être un supplétif des pouvoirs civils, sans remettre en cause l’ordre établi lorsque celui-ci est illégitime ? La période du Covid a montré combien cette question était aiguë…

Le grand saint Thomas d’Aquin, théologien de référence (cf. p. 16-17 et 23-25), affirmait avec sagesse qu’en toute chose, il fallait considérer la fin. Afin de ne pas risquer de tomber dans un relativisme pratique, où la doctrine se trouve déniée de toute application concrète, les pasteurs américains ont ainsi rappelé que la vie éternelle restait la fin dernière qui légitimait le rôle de l’Église dans la vie de la cité.

Certes la situation française est très différente des États-Unis, mais une réflexion s’avère nécessaire dans le cycle électoral ouvert par les régionales. Surtout après l’épisode du vote de la loi bioéthique, qui a vu l’impossibilité du dialogue raisonnable avec des positions contraires à la volonté gouvernementale, celles de l’Église en particulier – montrant ainsi les limites de ce dialogue. Il faudra donc à l’avenir envisager d’autres méthodes…