Être acteur et pas seulement auditeur - France Catholique
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Pâques : un feu nouveau avec les pèlerins d'Emmaüs
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Être acteur et pas seulement auditeur

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« La prière au moment du repas » par Fritz von Uhde, 1885

« La prière au moment du repas » par Fritz von Uhde, 1885

Alte Nationalgalerie, Berlin

Maintenant que nous sommes suffisamment loin de Noël pour ne plus risquer d’offenser personne, on pourrait se demander pourquoi les gens ont commencé à envoyer des photos de famille en guise de cartes de Noël ? On pourrait peut-être aussi se demander pourquoi tant de personnes ne disent plus le bénédicité avant les repas. Ou n’assistent plus à la messe. Que se passe-t-il ?

Ce sont de sérieux problèmes, pas simplement des changements de mode : comme Saint Thomas d’Aquin l’a un jour expliqué : « l’homme ne devrait pas se satisfaire d’être uni par la foi à la vérité de Dieu, il devrait confesser ouvertement cette foi ».

Ce n’était pas qu’une sorte de « pieuse admonition », cela est lié à la nature même de la foi. Les Évangiles nous disent que l’amour de Dieu et l’amour du prochain sont étroitement liés. De même, l’épître de Jacques parle de « celui qui observe la loi parfaite de la liberté et persévère et qui n’est pas un auditeur qui oublie mais un acteur qui agit ».

En fait, Thomas d’Aquin expliquait que dans les situations adéquates, si nous n’exprimons pas notre foi en actes, nous « privons Dieu de l’ honneur qui lui est dû et notre prochain d’un service que nous aurions dû lui rendre ». Dieu et le prochain, je dois considérer les deux pour savoir comment faire quelque chose.

Quelles sont les situations adéquates ? Toujours secourable, Thomas poursuit en disant, par exemple, « si un homme interrogé sur sa foi gardait le silence, de sorte que les gens croient qu’il n’a pas de foi ou que sa foi est fausse, ou que cela détourne les autres de la foi, la confession de la foi est nécessaire au salut ».

Agir sans la foi ou donner l’impression de ne pas avoir de foi ne sont pas des considérations sans importance, peu importe que le monde regarde cela comme n’ayant guère de substance, alors que les conséquences sont si graves.

Si vous envoyez une carte durant le temps de Noël, vous devriez vous sentir contraint par le temps liturgique de marquer votre action clairement en référence à la naissance du Christ. Noël est la célébration d’un véritable événement historique. Voilà le contexte et la seule raison valable des cartes de Noël. Vous pouvez envoyer des photos de famille à n’importe quel moment de l’année. Je ne juge pas la foi intérieure de quiconque, mais les actions extérieures sont quelque chose qui peut être évalué objectivement, ainsi que l’affirme saint Thomas.

Parmi les fidèles, il semble y avoir une grande dérive portant à laisser de côté les actions extérieures, même si elles sont le vecteur par lequel la foi touche le monde extérieur et le change. Cela transforme rapidement la foi en une simple idée et non en un mode de vie basé sur des événements historiques.

Les gens inclinent à l’idée venue des Lumières selon laquelle la religion est uniquement une idée ; vous pouvez donc avoir votre idée du christianisme et moi la mienne. Des événements historiques concrets, cependant, créent différentes situations qui exigent une réponse. Ils ne peuvent pas être entièrement laissés de côté ou négligés. Ils existent, même si nous faisons mine de les ignorer. Qu’on les aime ou pas, ils font partie de notre monde et participeront à notre jugement quand nous seront finalement jugés.

Quand nous exprimons la vérité par des cartes de Noël illustrées de scènes de la Nativité, nous nous joignons à la médiation du Christ dans le grand mystère de Salut du monde. Quelqu’un envoyant une image de la Nativité est un intermédiaire entre Dieu et le destinataire avec ce message : « J’ai envoyé mon Fils dans le monde pour toi ». Il y a également des actes d’adoration et des sacrifices parce que nous sortons de notre train-train pour les envoyer.

En ce qui concerne le bénédicité, pour employer les mots de Thomas d’Aquin, si nous ne disons pas cette prière, cela « prive Dieu de l’honneur qui Lui est dû ». Pourquoi ? Parce qu’une personne ou une famille laisse passer une chance de reconnaître que ce repas, en dernier ressort, est un don de Dieu. Oui, il y a des intermédiaires, mais sans Dieu, pas de nourriture parce que tous les intermédiaires et la croissance même de la nourriture viennent de Dieu !

Nous ne pouvons pas savoir avec certitude, mais l’éloignement de l’expression extérieure de la foi signifie-t-elle également qu’il y a moins d’œuvres véritablement charitables ? Il se peut que ce soit l’état d’esprit en arrière-plan du déclin de l’assistance à la messe, par exemple, ou même que cela contribue à l’échec des mariages. Nous ne pouvons pas savoir avec certitude, mais nous devrions nous poser la question : y a-t-il moins d’expressions de la foi entre les époux – et par là un lien plus lâche qui fait que Dieu n’entre pas chaque jour dans la vie maritale ?

Le catholicisme était étonnamment public jusqu’au moment où a été ingéré le mythe des Lumières selon lequel la foi est supposée être affaire privée ou le mythe selon lequel les grandes questions doivent être prises en main par l’élite, laquelle nous tapote la tête en nous disant de ne pas nous en soucier.

Au contraire, au lieu d’imaginer que l’élite sociale est la source du sens, sachons que Jésus-Christ, d’essence divine, est véritablement la source de tout ce qui fait sens. De ce fait, le catholicisme « apporte à l’humanité la lumière allumée par l’Évangile et met à sa disposition les ressources salvatrices que l’Église elle-même, sous la conduite de l’Esprit-Saint, reçoit de son Fondateur » (Vatican II).

Les catholiques ne peuvent pas le faire s’ils dissimulent la lumière à leurs amis, à la place du marché, à l’école, au tribunal. Et les conséquences ne sont pas petites. Comme le sage païen Aristote l’a enseigné à l’Église, des erreurs petites à leur début conduisent en définitive à de vastes erreurs.