Espagne, sauvegarder la réconciliation - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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Espagne, sauvegarder la réconciliation

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J’ai écouté hier soir le discours de Carles Puigdemont, Premier ministre catalan, qui est loin d’avoir mis un terme à la crise ouverte avec Madrid. L’autre jour, j’expliquais que nous ne pouvions que faire des vœux en faveur de la paix et d’une solution qui concilie, si possible les partis contraires. Nous n’y sommes pas. La paix, elle régnait dans ce pays, depuis la fin de l’époque franquiste, à cause de la transition heureuse qu’avait permise le roi Juan Carlos. Ce fut une sorte de miracle d’obtenir des partis politiques, de droite et de gauche, et même du parti communiste de Santiago Carrillo, un consensus constitutionnel, avec un exercice paisible et ordonné du pouvoir. Il faut avoir en tête les blessures de la guerre civile, qui fit un million de morts et qui déchira profondément le pays. Encore aujourd’hui, ces blessures réapparaissent avec la difficulté de solder les comptes. Comment procéder, lorsque les familles elles-mêmes sont divisées parce qu’elles ont eu leurs membres dans les deux camps à la fois ?

Pour un bernanosien comme moi, cette guerre d’Espagne constitue un point de repère considérable. On sait que le livre prodigieux de Bernanos, Les grands cimetières sous la lune, est né de la révolte profonde de l’écrivain face aux massacres dont il avait été le témoin à Majorque, du côté nationaliste. Pourtant, il avait été d’abord de ce camp-là, son fils aîné, Yves, s’était engagé dans la Phalange. Mais cette révolte anticipe aussi le conflit qui va ravager l’Europe avec la Seconde Guerre mondiale. Bernanos ne peut accepter d’être solidaire avec un régime de terreur qui trahit ses convictions essentielles. Albert Camus avait très bien compris que sa position était hors partis, qu’elle n’avalisait nullement les horreurs d’en face. Simone Weil, qui s’était engagée du côté républicain, lui en avait donné témoignage dans une lettre magnifique que Bernanos conservait précieusement sur lui : « Depuis que j’ai été en Espagne, que je lis toutes sortes de considérations sur l’Espagne, je ne puis citer personne, hors vous seul, qui, à ma connaissance, a baigné dans l’atmosphère de la guerre espagnole et y ait résisté. » Cet accord profond anticipait sur une réconciliation que tous les hommes de bonne volonté prient le Ciel de sauvegarder.

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 11 octobre 2017.