Enfin un porte-parole pour l'Église contestataire - France Catholique

Enfin un porte-parole pour l’Église contestataire

Enfin un porte-parole pour l’Église contestataire

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J’ai participé en 1970 à une manifestation à Washington à l’hôpital universitaire George-Washington. Il s’agissait d’une présence silencieuse dans les locaux où le personnel de l’hôpital accueillait les femmes souhaitant avorter. L’hôpital était en infraction avec les lois du District de Colombie, qui interdisaient alors les avortements. [N.d.T. : D.C. District of Colombia = espace administratif fédéral — indépendant de tous les États de l’Union — englobant le territoire de la capitale fédérale Washington.]. Néanmoins l’Hôpital pratiquait couramment les avortements.

Notre démarche consistait simplement à demander à l’Hôpital de respecter la législation du District de Colombie. Les manifestants ne passèrent même pas l’entrée du bâtiment administratif et furent refoulés à l’aide de gaz lacrymogène. Plusieurs d’entre nous furent interpellés (pas moi) pour avoir tenté de nous protéger des vaporisateurs, des victimes étant arrêtées alors que les utilisateurs de lacrymogènes étaient libres. Le chef d’accusation était tellement inconsistant qu’il n’y eut pas de suites.

On peut retenir de cet incident la réaction de l’Épiscopat catholique. La plupart des Évêques s’abstinrent de commenter, mais les Évêques qui réagirent étaient d’évidence embarrassés par un tel comportement protestataire de catholiques. Tenir un langage contre l’avortement était une chose, mais tout autre était l’engagement actif perturbant l’ordre public.

S’agissant d’une protestation pacifique, ils ne pouvaient critiquer des violences, mais des actions non violentes pour faire cesser l’activité d’un organisme public, même s’il pratiquait la mise à mort d’enfants à naître. Non seulement nous ne reçûmes aucune aide financière pour couvrir les amendes et les frais judiciaires suite aux arrestations, mais de plus nous fûmes montrés du doigt comme les bêtes noires de l’Église Catholique.

Les choses ont bien changé. Désormais nous pouvons compter sur Mgr. Robert McElroy, Évêque de San Diego, qui promeut des actions protestataires en faveur de ses choix politiques. Pour autant que je sache, il n’a jamais suggéré que nous engagions des actions protestataires pour mettre fin au massacre d’enfants à naître par le Planning Familial ou autres, ni de contrer un gouvernement qui approuve ces assassinats. Mais lors de sa déclaration au rassemblement mondial des mouvements populaires en Californie, l’évêque activiste a annoncé qu’avec l’élection du Président Trump « désormais, nous devons devenir des contestataires. »

Il poursuivit en proférant une série d’accusations infondées contre le nouveau gouvernement, dont celles-ci :


« Nous devons protester contre ceux qui veulent envoyer l’armée dans nos rues pour expulser les sans-papiers, arracher les parents à leurs familles, contre ceux qui décrivent les réfugiés comme nos ennemis et non comme nos frères et sœurs en détresse, qui nous font voir les musulmans, hommes, femmes et enfants comme fauteurs de terreur plutôt que comme créatures de Dieu, qui cherchent à nous voler notre assistance médicale, qui arracheraient de la bouche des enfants les bons d’aide alimentaire et les repas pour miséreux. »

C’est typiquement le genre d’accusations infondées lancées par les activistes de gauche et les médias à leur botte pour renverser littéralement un gouvernement légalement élu.

Les mots tirent leur sens du contexte, et le mot « contestataire » dans le langage politique actuel implique « abattre », « renverser ». C’est un slogan largement employé par des gens tel Michael Moore et autres révolutionnaires de gauche, comme Saul Alinsky et Cie qui aimeraient voir renverser le gouvernement. Mgr McElroy peut bien soutenir que ce n’est pas son intention. Mais en adoptant le langage révolutionnaire il ne peut échapper au soupçon de son approbation pour cet objectif.

Avec un tel langage dans les années 1970 nous aurions pu passer implicitement pour des révolutionnaires. Et un appel de l’Épiscopat aurait été parfaitement justifié pour nous alerter et préciser que renverser le gouvernement n’était pas conforme aux vues de l’Église. J’attends ce genre de rappel envers Mgr McElroy, mais sans illusions.

La Conférence de Modesto (Californie) était co-organisée par le Dicastère pour le développement intégral de l’humanité (Vatican) et la Conférence de l’Épiscopat U.S. En fait, le rassemblement mondial des Mouvements Populaires résulte d’une initiative personnelle de S.S. François selon leur site internet. Mais de tels mouvements, bien que pleins de bonne volonté et affichant de nobles intentions, ont parfois dérivé en s’intégrant à l’Église.

Un exemple: Don Luigi Giussani, qui, des années durant, avait collaboré avec le mouvement Italien Gioventù Studentesca fut confronté à un problème en 1968. La majorité de cette organisation d’étudiants avait pris un virage à gauche [volta alla sinistra] et rejoint le Mouvement Étudiant Italien, groupe marxiste dans les Universités et écoles d’Italie. Pour lui, la solution consistait à entraîner la minorité sur un nouveau chemin, « Communion et Libération », qui serait fidèle aux idéaux et pratiques de la chrétienté qu’il avait, par ses écrits, soutenus au fil des années.

Un problème se pose à nous à présent: nous ne pourrons pas remplacer l’Église par un nouveau mouvement si les responsables de l’Église adoptent ce type de radicalisme politique en dénaturant la vérité par des appels à la contestation d’un gouvernement légitime en période de troubles.

La vérité est exigeante, dénaturer la vérité en triturant les faits équivaut à mentir. Politiciens et presse le pratiquent sans cesse, mais ce ne peut être toléré au sein de l’Église, particulièrement chez ses dirigeants. Trump peut bien ne pas être votre président rêvé, mais c’est pure calomnie que raconter qu’il est favorable à un « projet d’envoyer l’armée dans les rues pour déporter les sans-papiers, d’arracher mères et pères à leurs familles, de présenter les réfugiés comme des adversaires… de nous inciter à voir les musulmans, hommes, femmes et enfants comme une menace plutôt que comme enfants de Dieu… de confisquer, spécialement aux pauvres, le système de protection sociale… d’ôter les aides alimentaires de la bouche des enfants. »

C’est une forme brute, malhonnête, politicarde de rhétorique — la forme la plus dangereuse de toute contestation, la confiscation de la vérité au profit de buts politiques, ce qui peut aisément engendrer la violence, quelles que soient les intentions de ceux qui tiennent un tel langage.

7 mars 2017.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/03/07/the-disruptive-church-now-has-a-spokesman/

Mgr. McElroy s’affiche à la frontière Mexicaine. [photo Chris Stone]