Enfer, les flammes glaciales - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Enfer, les flammes glaciales

Traduit par Pierre

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Judas est en enfer. Malgré les contorsions de certains théologiens vénérés, comme Hans Urs von Balthasar, il est bien difficile de trouver une piste de salut universel dans les Écritures. Même Platon déclarait que si les pires méchants ne recevaient pas les pires châtiments dans l’au-delà, le monde semblerait fondé sur l’injustice.

On entend pourtant dire que, l’Église catholique n’ayant jamais prononcé la damnation de quiconque, on ne peut affirmer qu’une âme souffre maintenant ou souffrira à jamais de tourments pratiqués en enfer.

Je vais en venir à Judas, mais permettez un avis personnel : parmi toutes les questions qu’on se pose sur la douleur, la souffrance, le péché et la damnation, la seule qui m’importe (ce n’est pas l’objet de cet article) se pose ainsi : Pourquoi portons-nous la tache du péché originel ?

En d’autres termes: pourquoi, alors que nous n’avons jamais demandé à naître, sommes-nous exposés au risque de damnation en raison de notre venue — involontaire — au monde?

Beaucoup, beaucoup de gens soulèvent sincèrement ces questions, car nos esprits, pensent-ils, sont bien incapables de concevoir damnation éternelle ou salut éternel (Ce que Paul déclare dans la lettre aux Corinthiens – 1Co, 2:9 – à propos du Paradis peut bien être transcrit à propos de l’enfer: nos esprits n’en ont jamais saisi l’horreur profonde), et ce serait grande injustice que Dieu prédispose quiconque à la terreur éternelle.

Maintenant, réponse à cette question: Judas.

Mon fils ainé était, il y a deux ans, en garnison à Fort Knox et, un dimanche (avant de partir en excursion sur la « Route du Bourbon ») nous sommes allés à la messe au Monastère trappiste N.D. de Gethsemani près de Bardstown (Kentucky).

J’avais bien entendu dire que cet établissement avait une approche plutôt hors-norme du dogme catholique, mais je n’étais guère préparé à encaisser l’homélie du Père Abbé sur l’enfer.

Se tenant sous une tapisserie qui représentait Lao-Tsu, Gandhi, Patrice Lumumba, Martin Luther King et autres héros et martyrs de la paix, ce prêtre déclara que l’enfer pouvait bien être vide. Je ne peux me rappeler les noms de tous ceux à qui il accordait un visa de sortie de l’enfer, mais je sais qu’Adolf Hitler en faisait partie. Judas figurait-il parmi les bénéficiaires du salut éternel que nous pouvons espérer ? Selon la logique de ce Père Abbé, oui !

L’ennui, avec ce tas de compassion, c’est la déclaration fort nette du Christ quant à la perdition de Judas. Saint Jean note la prière prophétique du Seigneur au cours de la Cène :

« Je ne suis plus dans le monde ; eux sont dans le monde, et moi, je viens vers toi, Père saint, garde-les dans ton nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un comme nous.

Quand j’étais avec eux, je les gardais dans ton nom que tu m’as donné. J’ai veillé et aucun d’eux ne s’est perdu, sauf le fils de perdition, afin que l’Écriture fût accomplie. »

Il y en a donc bien un de perdu, c’est sûr.

L’accomplissement de l’Écriture que cite Jésus est le Psaume 41: « Même le confident sur qui je faisais fond et qui mangeait mon pain, se hausse à mes dépens.» (Ps 41, 10). Et — comme en réponse aux questions relatives au péché originel, à la rédemption et à la damnation — les mots de Jésus, dans le même contexte eucharistique: « Oui, le Fils de l’homme s’en va selon qu’il est écrit de lui; mais malheur à cet homme-là par qui le Fils de l’homme est livré! Mieux eût valu pour cet homme-là de ne pas naître!» (Mc, 14:21).

Ne pas naître. Étant données notre propre existence, l’extase promise aux Saints et même les joies en ce bas monde, comment l’expression « Ne pas naître » n’implique-t-elle pas l’exclusion du paradis pour Judas? D’évidence, il est damné.

À nouveau, on entend parfois, à propos d’autres prophéties formulées ce même soir, spécialement à propos de Pierre, que les Apôtres n’avaient pas encore bien compris qui était Jésus. Oui, ils croyaient en lui, le Messie, mais ils croyaient tout comme la plupart des Juifs qui attendaient de Lui la délivrance. Élu de Dieu, non pas Dieu en personne.

Mais la trahison de Judas ne peut être atténuée; son suicide clôt la question. Tous deux, Pierre et Judas, ont renié le Christ, mais Pierre s’esr repenti.

Saint Augustin décrit l’humanité comme « massa damnata », pas besoin de traduire. Nous sommes des enfants après la Chute, obsédés par la concupiscence — phénomène mystérieux lié à notre ressemblance avec Dieu ; libres. nous savons que nous sommes tombés. L’expérience nous le montre. Aucun système socio-politique ne nous délivrera de ce lien. Nous savons que l’enfer existe, car Jésus en a apporté l’évidence au cours de Son ministère terrestre. Nous savons que ceux qui y résident ont été condamnés avec équité, car notre Dieu équitable ne jugerait pas autrement.

Ni l’Écriture ni la tradition ne permet d’envisager un appel après le Jugement dernier, tel qu’évoqué dans le Symbole des Apôtres.

À l’occasion d’un Jeudi saint — c’était en l’an 1300 — Dante commença sa descente en enfer. Incapables de trouver la « diritta via » (le chemin direct) lui et son guide, habitant des Limbes, Virgile, avancent par les neuf cercles. Hors du paradis, le mieux que puisse souhaiter un pécheur non repenti serait de se trouver en compagnie de Virgile et autres habitants des Limbes — une telle issue est peu vraisemblable pour un catholique damné.

Et si on imagine que la Divine Comédie, ne relevant ni des Écritures ni du Magistère, n’a aucune vertu pédagogique, rappelons que Benoît XV lui a consacré une Encyclique (In Praeclara Summorum, 1921) où il écrivait que le « divin » Dante décrivait la triple existence des âmes telle qu’il l’imaginait de manière à mettre en lumière par la vraie doctrine de la foi la condamnation des impies, la purification des bons esprits, et le bonheur éternel des élus avant le jugement dernier.

Dans le neuvième cercle, fin fond de l’enfer, où tout est glacé, balayé par les rafales du vent des ailes de Satan, Dante et Virgile découvrent Judas. Le Diable engloutit la tête de Judas, les griffes plantées dans son dos. Pour l’éternité.

NDT: texte français des citations bibliques tiré de la Bible de Jérusalem.

Source : Hell Frozen Over : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/hell-frozen-over.html

Dessin : Lucifer ronge Judas par John Flaxman, vers 1807