Église éthique - France Catholique

Église éthique

Église éthique

Alors qu’en France on s’acharne contre le Vatican et les évêques sur d’autres questions éthiques, les états-généraux de la bioéthique font figure de paradoxe. L’Église qui s’y est invitée sans complexe y occupe une place de choix.
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Nul ne sait dans quelle mesure le processus participatif en cours influencera les parlementaires investis de la souveraineté nationale lorsqu’ils auront à débattre et voter la révision des lois bioéthique, à partir de la fin de l’année. Mais une chose est certaine : dans ce grand remue-méninges l’Église catholique tient le haut du pavé.
Jean-Paul II avait insisté dans l’Évan­gile de la vie, sur l’urgence d’une nouvelle culture de vie nécessitant « une mobilisation générale des consciences » (art. 95). Pourquoi nouvelle ? Le Saint-Père précisait trois raisons :

1/ « Parce qu’elle sera en me­sure d’aborder et de ré­soudre les problèmes inédits posés aujourd’hui au sujet de la vie de l’homme »,

2/ Parce qu’elle sera adoptée avec une conviction forte et active par tous les chrétiens »,

3/ « Parce qu’elle sera ca­­pable de susciter un débat culturel sérieux et courageux avec tous ».

Sur chacun de ces trois points, le texte pontifical se révèle prophétique pour la France. Clonage, gestation pour autrui ou recherche sur l’embryon ont fait irruption comme des débats cruciaux dessinant, d’une certaine manière, les nouvelles frontières du savoir et de l’humanité. Les chrétiens se révèlent de plus en plus passionnés par ces enjeux où ils n’ont pas, à proprement parler d’intérêts à défendre, mais où s’exprime leur souci de la dignité humaine et du respect de tout être humain. Il reste, certes, du chemin à parcourir pour que chaque chrétien se sente concerné, mais beaucoup considèrent déjà que l’exigence de droit et de justice se double d’un enjeu humanitaire et pastoral déterminant.

Quant au débat culturel à engager avec tous, on peut aujourd’hui constater son émergence, malgré le contexte laïciste, les lois permissives en vigueur et les polémiques récentes où le message éthique de l’Église est contesté. Édité sous l’égide de la Com­mission bioéthique de la Conférence des Évêques de France, le livre Bioéthique – propos pour un dialogue est paru le jour même du lancement officiel des états-généraux (de même qu’un site Internet ecclésial dédié à ce sujet). Il a reçu un excellent accueil. Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, a tenu à ce que cet ouvrage fasse une place essentielle aux réflexions universitaires qui permettent d’étayer de façon scientifique les positions de l’Église. Il montre qu’elles ne sont en rien dogmatiques mais simplement destinées à prendre en compte l’humanité – scientifiquement prouvée – de l’être humain, dès sa conception, et la défense des intérêts du plus faible contre la loi du plus fort. C’est cette dernière qui peine à trouver des raisons pour se justifier.
Lors des débats houleux sur le Téléthon 2006, on avait déjà entendu des personnalités exté­rieures à l’Église reconnaître sa légitimité et sa cohérence, à l’image de Jean-Yves Nau, journaliste spécialiste des questions de médecine au quotidien Le Monde, mais aussi d’Emmanuel Hirsch. Le philosophe, qui dirige l’espace éthique des Hôpitaux de Paris, avait publié une tribune affirmant que le mérite de l’Église avait été de « libérer la parole » sur un sujet tabou. Les spécialistes ecclésiaux du domaine (on pense, à Paris, à Mgr Michel Aupetit ou au père Brice de Malherbe) sont donc attendus par les organisateurs du « débat citoyen » pour la pertinence de leurs éclairages : comme si le lobby scientiste, de plus en plus suspecté de jouer aux apprentis-sorciers, rendait nécessaire un contrepoint raisonnable argumenté. Or l’Église est pratiquement la seule institution non spécialisée à s’investir avec autant de sérieux sur ces sujets qui conditionnent l’avenir de l’humanité. Le site des états-généraux de la bioé­thique montre bien qu’au-delà de la majorité silencieuse, indécise, que ce type de débat n’intéresse pas, on a, d’un côté, des groupes d’intérêt qui veulent que la loi se conforme à leur désir en occultant – du fait des souffrances qu’ils en­durent – les atteintes aux droits de l’homme induites et, de l’autre, une Église qui s’intéresse à l’humanité dans sa globalité. Heureusement qu’elle est là, par exemple, pour défendre la dignité des personnes handicapée déjà conçues puisque les grandes associations qui devraient le faire ont largement cédé aux sirènes eugénistes, sans voir leur caractère autodestructeur.

Il reste, bien entendu – et les autorités de l’Église ne l’ignorent pas – à propager sa parole jusqu’à tous les fidèles, car beaucoup se retrouvent vite en grande difficulté lorsque les épreuves les fragilisent : grossesse imprévue ou difficile, problème d’infertilité, annonce du handicap… De même que les chrétiens de l’Empire romain se différenciaient des païens en gardant tous leurs enfants, de même, ceux d’aujourd’hui, s’ils veulent demeurer « sel de la terre » plutôt que de s’affadir dans les lois du monde, devront être en mesure d’a­jus­ter courageusement leur discernement éthique pour le faire rayonner dans leur entourage, au service de l’humanité.