Église. L'héritage renié ou développé ? - France Catholique

Église. L’héritage renié ou développé ?

Église. L’héritage renié ou développé ?

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L’histoire du christianisme n’a jamais été un long fleuve tranquille, même si, selon saint Augustin, c’est à la paix comme tranquillité de l’ordre que nous devons viser. L’excellent philosophe polonais Leszek Kolakowski remarquait que les convulsions de l’Occident s’expliquaient largement par des tensions internes à la pensée chrétienne, dès lors que l’équilibre de l’orthodoxie se trouvait mis en péril. Mais l’orthodoxie elle-même apparaît comme une conquête continue à l’égard des tendances centrifuges et des hérésies. Certes, comme l’avait compris le bienheureux cardinal Newman, c’est le corps de l’Église qui a reçu le privilège de demeurer indemne de la pénétration de l’erreur dissolvante. Mais cette immunité ne garantit pas des convulsions qui finissent par disparaître dans le discernement de la foi ecclésiale. Et puis, le corps ecclésial ne vit pas indépendamment de la civilisation de son temps, des moments de l’histoire dont il lui faut aussi affronter les défis. Lorsque le pape François évoque aujourd’hui « le changement culturel et anthropologique qui influence tous les aspects de la vie », il se rapporte à la mission de l’Église qui, à chaque période, doit se confronter à l’évolution des mœurs et des mentalités.

Ce faisant, le Pape prend le risque d’être incompris et de se voir reprocher une rupture avec ses prédécesseurs. Mais ne pouvait-on pas faire un reproche analogue à Jean-Paul II, dont l’enseignement en matière d’éthique familiale et sexuelle constituait une réelle nouveauté par rapport au magistère antérieur ? Non qu’il marque une quelconque rupture avec lui, bien au contraire, puisqu’il s’agissait d’un développement organique d’une même doctrine. De même aujourd’hui, pourquoi ne ferait-on pas crédit à son successeur de vouloir prolonger ce développement ? Sans doute, en transformant l’Institut Jean-Paul II en Institut pontifical pour les sciences du mariage et de la famille, François prend le risque d’attrister tous ceux qui sont attachés à la pensée de son grand prédécesseur et qui estiment que celle-ci est toujours susceptible d’autres prolongements.

Mais ajouter d’autres objets d’études à celui d’un héritage ne signifie pas reniement. Encore faut-il, bien sûr, que les recherches poursuivies le soient dans une véritable fidélité créatrice. Seule la pertinence des travaux du nouvel Institut permettra de juger du bien-fondé d’une refondation.

Que des dubia (des doutes) soient émis à son égard ne peut être exclu ou condamné d’avance. Cela fait partie aussi de la vie du corps ecclésial. Encore faut-il qu’ils soient fondés dans l’esprit de l’Évangile et ne provoquent pas des guerres intestines nuisibles aussi bien à la charité qu’à la rectitude de la foi.