Du passé faire table rase - France Catholique
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Van Eyck, l'art de la dévotion. Renouveau de la foi au XVe siècle
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Du passé faire table rase

Traduit par Bernadette Cosyn

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Les photos par satellites ont commencé à révéler l’ampleur des destructions archéologiques dans les zones contrôlées par Daesh dans l’est de la Syrie et le nord-ouest de l’Irak. Nous pouvons voir à quel point ces destructions sont terribles.

La destruction du monastère (antérieur à l’Islam) d’Élie, près de Mossoul, s’est effectuée à coups de bulldozers. Les pierres ont été réduites à l’état de gravier, et éparpillées de telle manière qu’en reconnaissance aérienne, on dirait de la cendre.

Pourtant, pour ce site comme pour des douzaines d’autres sites historiques et culturels d’importance mondiale, nous savons que tout n’a pas été anéanti. Les objets d’art qui pouvaient être facilement emportés ont préalablement été prélevés et vendus sur des marchés noirs internationaux. Nous savons que Daesh, qui agit comme Califat, c’est-à-dire comme un gouvernement musulman traditionnel, a un service officiel nommé Kata’ib Taswiyya spécialisé dans ce genre de travail. Plus qu’un simple auto-financement [pour réaliser les destructions], c’est une source de revenus majeure pour le mouvement dans son ensemble.

Chose éminemment curieuse, ces experts en démolition bénéficient du travail de longue haleine d’agences essentiellement occidentales telles l’UNESCO, qui ont rassemblé les informations indispensables pour identifier les cibles et donnent son maximum d’efficacité à l’effet de propagande. Des sites obscurs, incluant des monastères dans des lieux retirés, auraient sinon été ignorés, et ils ont été ignorés par de précédentes armées musulmanes cherchant à réduire en esclavage ou à éliminer des chrétiens installés.

Chaque avancée technologique occidentale sert les ennemis de la civilisation aussi bien que ses amis. Le GPS, par exemple, est un cadeau diabolique fait aux tenants de la « lutte asymétrique » qui l’utilisent tout en sortant des sentiers battus des anciennes notions chrétienne de décence morale. Même après avoir visionné nos propres avions s’écraser contre nos propres gratte-ciels, nous ne l’avons pas saisi.

Seuls le dynamisme et la discipline ont favorisé les civilisés — inspirés par la foi et un but à atteindre. Avec la décadence, cet avantage a été perdu. Le libéralisme, ce cancer pernicieux qui détruit la civilisation de l’intérieur, œuvre en minant les principes mêmes qui lui ont permis de se développer, armant l’une après l’autre chaque cellule contre le corps tout entier.

L’esprit occidental libéral simpliste assure que les terroristes musulmans sont fous. Nous révélons notre degré d’ignorance en ce qui les concerne chaque fois que qu’un politicien fait une déclaration stupide sur les intentions pacifique de l’Islam. Les « terroristes » ne sont pas de vrais musulmans, affirment nos politiques, peut-être sur la base d’une analogie inconsciente avec tant de prétendus chrétiens occidentaux, qui ne sont pas réellement chrétiens.

Naturellement, ils n’y croient pas eux-mêmes. Ils savent qu’ils mentent – mais ils croient le faire pour la cause du libéralisme chatoyant, qui surpasse la simple vérité.

Quand on en vient à l’extermination des chrétiens assyriens, ils sont perplexes. C’est « une querelle dans un pays lointain, entre des gens dont nous ne savons rien. » Quand un million de « migrants » musulmans prend pied sur nos rivages, ils traitent cela comme une crise à part. Car l’esprit libéral analytique, qui produit systématiquement des conclusions erronées, met en pièce chaque problème pour ne garder que ses composants de base au lieu de chercher patiemment une vision cohérente de l’ensemble.

Cet esprit libéral perpétuellement agité aime également « établir des priorités » alors qu’il ignore complètement chaque aspect du problème tant qu’il ne se présente pas comme une crise ou une urgence en raison de sa localisation.

Bien que n’étant pas la seule communauté chrétienne présente en Syrie et en Irak, la communauté assyrienne est, ou plutôt était, la plus importante en nombre, et son histoire en tant que communauté chrétienne remonte au premier siècle après Jésus-Christ. Leur habitat immémorial correspond également aux zones que Daesh conquiert.

Les hommes d’État occidentaux assurent que c’est la faute à pas de chance, et haussent les épaules quand on leur dit que c’est leur propre erreur de jugement – envahir, gérer de travers puis abandonner l’Irak – qui a livré les Assyriens aux mains de Satan. Ils s’en sont lavés les mains, ou plus démocratiquement nous nous en sommes lavés les mains, et nous avons versé des larmes de crocodile, car comment s’attendre à ce que nous endossions la responsabilité de nos propres actions ?

Et maintenant, nous pensons que le problème, c’est Daesh, alors qu’il n’est qu’un aspect du problème. Un indice évident aurait dû être relevé : Daesh remplace Al Qaeda. Il fait partie des agents opérant en Libye et ailleurs (et qui ont également pour but d’exterminer les chrétiens) et a des antennes dans les autres groupes salafistes – ayant hérité, comme c’est étrange, des connexions terroristes internationales de Saddam Hussein.

Mais en définitive, Daesh est lui-même tout autant remplaçable que al-Qaeda. Et cela parce qu’il est l’avant-garde d’un islam sunnite militant, qui a en son temps remplacé le nationalisme arabe comme force politique la plus puissante du Moyen-Orient. Et alors que les militants chiites téléguidés par l’Iran, qui sont le pendant de Daesh, affrontent les salafiste sunnites, nous ne pouvons pas nous prélasser béatement. L’un comme l’autre se consacrent à notre anéantissement.

Cela signifie que nous faisons face à un problème bien plus vaste que celui qui pourrait se résoudre par un bombardement sans méthode des camps et des champs de pétrole de Daesh.

Bien plus, l’extermination des chrétiens antiques (et des autres non-musulmans, et également des minorités musulmanes plus paisibles) fait partie des activités de Daesh les plus populaires dans le monde sunnite. Notez qu’ils font la réclame pour leurs actes bestiaux dans leurs vidéos de recrutement, et qu’elles ont été efficaces, non seulement régionalement, mais également parmi les jeunes musulmans et les convertis qui ont grandi en Occident.

Daesh tire sa fierté du meurtre des chrétiens et de la destruction de l’héritage chrétien, et une grande part de sa popularité vient de cela. Mettez-vous bien cela dans la tête : leur tactique est réfléchie, et non pas folle, à part dans le sens de radicalement démoniaque.

Nous les affrontons maintenant alors que nous sommes presque entièrement démunis du bagage moral, intellectuel et spirituel avec lequel nos ancêtres ont affronté la menace islamique durant quatorze siècles. Car ils ont fort bien compris que l’Eglise et l’Etat sont les deux piliers qui soutiennent la civilisation chrétienne, dont la survie nécessite de garder l’Islam à distance.

C’est ce qu’ont fait les moines du monastère Saint-Elie, et les Assyriens de Ninive, qui ont si souvent enduré des pogroms. Ces moines, au cours des siècles, ont souvent été confrontés à ce choix : le martyr ou la conversion, dans des circonstances où ils ne pouvaient pas riposter. Mais eux et leur peuple ont stoïquement refusé la conversion, et continuent de le faire.

Ils n’ont jamais demandé à être envahis. Ils n’ont jamais non plus mendié leur éradication, comme nous, nous le faisons.

David Warren est un ancien rédacteur du magazine Idler et éditorialiste de Ottawa Citizen. Il a une connaissance approfondie du Proche-Orient et de l’Extrême-Orient.

Illustration : avant (à gauche) et après les destructions opérées par Daesh

Source : http://www.thecatholicthing.org/2016/01/23/erasing-the-past/