Drôle de paix en Ukraine - France Catholique
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Drôle de paix en Ukraine

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C’est une drôle de paix qui commence en Ukraine avec la guerre qui continue de plus belle dans l’Est du pays après la signature difficilement obtenue, comme à l’arraché, d’un accord de paix très précaire à Minsk par les deux présidents russe et ukrainien, MM. Poutine et Porochenko, entourés d’Angela Merkel et François Hollande. Déjà, on a signalé presque en même temps l’arrivée sur le sol ukrainien d’une cinquantaine de nouveaux chars russes et d’une quarantaine de véhicules lance-roquettes envoyés par Moscou… Un accord de paix ? Hélas, une drôle de paix il faut bien déjà le constater, une « paix » qui pourrait n’être que l’antichambre d’une nouvelle guerre, plus meurtrière et plus dévastatrice encore que la série de combats qui a ravagé l’Est de ce malheureux pays qu’est l’Ukraine.

L’Ukraine, un pays toujours en quête d’indépendance, convoité par le Kremlin depuis les vagues successives de colonisation entreprises par les tsars Pierre le Grand et Catherine II, puis par leurs successeurs communistes Lénine et Staline. Notamment au prix exorbitant et horrible du « Holodomor », la famine artificielle de 1932-33 où Staline fit périr environ 7 millions de paysans ukrainiens lors de sa politique de collectivisation impérialiste.

Oui, une drôle de paix, c’est à craindre. Avec le risque du retour de flamme d’une guerre déstabilisatrice par ricochets pour l’Europe entière, inquiète, mais dont l’opinion publique est encore en partie aveuglée par une méconnaissance incroyable de la réalité historique du monde slave de l’Est dans sa complexité. Et par le thème hypertrophié désormais fantasmatique d’un « complot » américain, pourquoi pas judéo-maçonnique américain tant qu’on y est en matière d’idéologies ultranationalistes, à l’heure où les Etats-Unis vont de maladresses en hésitations, et où l’Europe occidentale marche sur des œufs, à côté d’une Pologne, d’une Roumanie et de Pays baltes réellement inquiétés par les bruits de bottes venus, non pas de l’Ouest, mais bien de l’Est, quoi qu’en pensent bien des idéologues hantés par cet esprit de système que redoutait Bernanos !

Kiev, « la Jérusalem des Slaves », berceau ukrainien et « ruthène » d’une chrétienté orthodoxe hélas déchirée et longtemps dénaturée par le faux messianisme marxiste-léniniste et stalinien puis par ses métastases ultranationalistes et néosoviétiques, est menacée par un peuple frère hélas héritier jaloux de cette cité maternelle, non pas mère, mais grand-mère de la Moscovie russe. Vladimir Poutine va-t-il se laisser tenter à nouveau par une fuite en avant militaire pleine de dangers pour l’équilibre de cette partie du monde qui tremble ? Ou saura-t-il comprendre qu’il peut contribuer avec beaucoup plus d’utilité, de vrai courage et d’avenir durable à une unité culturelle, morale, matérielle et spirituelle des peuples slaves de l’Est ? Désormais, on le saura très vite. Mais on peut déjà exprimer des craintes, tant l’idéologie meurtrière a pris le pas sur le sens des réalités et sur le respect de la liberté légitime, et cela dans trop d’esprits, jusqu’en Europe occidentale, où M. Poutine trouve des connivences étranges, dans les rideaux de fumée de l’aveuglement doctrinaire et partisan des stratèges en chambre.
Le Droit des peuples à disposer d’eux-mêmes avait trouvé de nombreux défenseurs le 21 août 1968 à l’heure de la mise à mort du « Printemps de Prague » et le 13 décembre 1981 à l’heure du coup de force contre l’été polonais de Gdansk. Il y avait à l’époque une opinion publique occidentale debout. Aujourd’hui, sous couleur d’aimer une Russie effectivement digne d’être aimée, mais vers quels lendemains, pour quel « Empire », quel astre mort, là est la question, ne trouvera-t-on qu’une intelligentsia occidentale couchée, compromise, stipendiée ou aveuglée ?

Denis LENSEL