Dieu ne veut pas la souffrance des hommes - France Catholique

Dieu ne veut pas la souffrance des hommes

Dieu ne veut pas la souffrance des hommes

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DIEU NE VEUT PAS LA SOUFFRANCE DES HOMMES

par Jean-Claude LARCHET, deuxième édition revue et augmentée,

Le Cerf, collection Théologies, 2008

17€, 146 pp.

Sous ce titre excellent nous est servi un livre un peu décevant qui n’aurait certainement pas été accepté par une maison d’édition aussi exigeante que le Cerf, s’il s’était agi d’un catholique. Mais Jean-Claude Larchet a le mérite d’être de confession orthodoxe, ce qui excuse bien de choses et d’abord lui permet de discourir doctement, avec force subtilités byzantines, sur le « péché ancestral » (tellement mieux que le trop célèbre péché originel des Latins), transmis, comme de bien entendu, avec la reproduction sexuée, et résorbé dans l’Incarnation (naissance virginale) et la Passion.

N’était l’acharnement avec lequel l’auteur veut se démarquer de ce qu’il considère comme les vices de la pensée occidentale (le dolorisme et le juridisme), on serait bien près de lui donner raison sur la plupart des points. Oui, Dieu est innocent de la souffrance humaine, elle n’est pas le prix à payer de notre finitude de créature, elle dérive d’un acte de liberté, tous les hommes inclus dans le projet corporatif de Dieu en Adam, en subissent les conséquences (et n’en sont pas coupables, même si chacun s’empresse d’y joindre son péché personnel), la souffrance née du péché facilite la répétition du mal, elle risque de séparer l’homme de Dieu, elle n’a pas de valeur en soi, néanmoins le Christ l’a subie pour y faire passer son obéissance filiale et dénouer le lien infernal qui la liait au péché. Désormais, elle subsiste comme un reliquat et nous donne l’occasion d’une offrande à la suite du Christ. Un jour Dieu la vaincra totalement.

Dans l’introduction, l’auteur se fait l’écho des réactions à sa thèse reçues de la part de critiques tant catholiques que protestants, et, plutôt que d’y répondre, il note qu’elles sont tellement contradictoires qu’elles s’annulent ! On n’a pas de peine à imaginer les écarts qui existent malheureusement sur le sujet : entre ceux qui nient toute historicité au péché des origines et ceux qui essaient d’en garder quelque chose, entre les défenseurs de la thèse de la colère Dieu s’abattant sur le Christ bouc émissaire et ceux pour qui la souffrance du Christ est la manifestation d’un Dieu impuissant devant le mal de l’homme, il n’y a que l’embarras du choix ! Un petit inventaire que nous avons fait personnellement sur les positions tenues par des auteurs très en vogue sur le motif de la Rédemption est proprement effarant.

Alors, ne pourrait-on proposer à Jean-Claude Larchet de mieux s’informer sur ce que porte la tradition occidentale, qu’il anathématise quand même un peu vite : il verrait que saint Augustin malgré ses faiblesses (qui n’en a ?) donne une analyse extraordinairement fine du péché des origines, qui n’est pas si éloignée qu’il le croit de la pensée de Maxime le Confesseur (qui l’a probablement connue); il découvrirait que saint Anselme ne fait nullement de la souffrance de l’innocent la compensation requise par un Dieu vengeur ; il verrait peut-être que l’attitude exprimée dans le langage de la « réparation » n’est pas si opposée qu’on veut bien le dire à l’ascétisme que vit l’Orient chrétien.

Et peut-être (moyennant une toilette nécessaire de certaines curiosités marquées par l’histoire de part et d’autre) arriverait-on ainsi à proposer au monde qui nous entoure un discours un peu plus cohérent sur un point essentiel de notre foi. Car devant les interrogations de l’homme de toujours, peut-être plus pressantes aujourd’hui, sur le sens de la souffrance et de la mort, il ne suffit pas de répondre (et là J. Cl. Larchet a pleinement raison) : que voulez-vous, c’est un mystère !

Michel GITTON