Des complices heureux - France Catholique

Des complices heureux

Des complices heureux

(Avant de livrer ce texte de mon Journal à la lecture d’un lecteur inconnu, je lui conseillerais de s’abstenir, sauf s’il aime autant rire que pleurer. Il faut dire qu’ici je démontre sans retenu ma mauvaise foi en même temps que mes indécentes inquiétudes.)
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Depuis quelques jours le mot ‘’complice’’ me hante et me tourmente : en effet, avec lui, mes neurones fonctionnent à plein régime et me présentent nos gouvernants, nos ministres et même le Président sous l’apparence désolante de ‘’complices’’ : ‘’impossible’’ leur dis-je, ce sont des gens plus que sérieux : inébranlables dans leurs convictions qu’ils savent irréprochables. Ils me répondent : tous les élus de la France, d’en haut comme d’en bas, doivent passer par le filtre de l’analyse élémentaire. Alors je ressasse le peu que je sais sur ce mot terrible, ‘’complice’’, qui désigne aussitôt une personne peu fréquentable, un ‘’louvoyeur’’ de première, un maître en suggestions, en partisan du vrai autant que du mensonge. Entre autres bagatelles. Alors je m’insurge : tout de même, ils sont la fine fleur de nos élites, et pour l’instant presque tous sont sans avoir jamais dû répondre à des juges. Et moi, je ne veux en rien les juger. Juste mesurer à quel point ils ont été incompétents.

Et pourtant… je crois dur comme fer qu’ils ont pris part au crime : simplement je ne sais pas comment ils s’y sont pris pour, en faisant le bien, obtenir le mal. Sans le vouloir, j’en suis fermement convaincu, je dois en accepter l’évidence : agissant donc comme sans savoir ce qu’ils faisait ? Et ce qu’ils continuent de faire ? À ce point innocents ? Un ami, quelque peu excessif, vient à la rescousse de ma cervelle tourbillonnaire : « Ils ont aidé le malheur, ils ont favorisé l’arrivée du pire qui soit, le massacre d’hommes, de femmes et d’enfants ! – Sans même s’en apercevoir, n’est-ce pas ? – Bien sûr, sans l’avoir voulu, mais sans avoir cherché à savoir. » Savoir quoi ? Nous allons ensemble chercher où se cache l’innommable, peut-être la bêtise, à moins que l’imbécile ne soit que moi.

Comment, nous deux, pouvions-nous affirmer une telle horreur ? ‘’Faire’’ sans avoir pensé que tout allait à vau-l’eau Il faut maintenant que je m’applique à mettre les arguments bien en ordre, et partir (si je le puis) du plus simple pour arriver au plus complexe, le plus inexplicable.

Je visionne à nouveau tout ce que j’ai ingurgité en fait d’images, de topos, de textes, de confidences, afin d’avoir devant moi le portrait le plus réaliste possible de notre président et de nos élus d’en haut et surtout ne faire peser sur lui comme sur eux l’accablant propos, ‘’complice(s) !’’, que s’il devient impossible de le comme de les croire sur parole le et les « plus audacieux » des meilleurs (sic) de nos élites.

Nous l’avons donc tous vu survolté mais calme, digne, ne souriant plus, ce qui a dû lui coûter beaucoup d’efforts, mais aussi triomphant, et je ne parviens pas à savoir pourquoi, même si sa taille l’assimile à Napoléon. Depuis le 13 novembre il me semble particulièrement à son affaire : dynamique, offensif, guerrier, sûr de lui, l’œil grave et le verbe ployant sous le poids des idées pillées à l’un et à l’autre comme s’il était déjà en mars 2017 : admirable de posture, ouvrant les vannes de la Banque de France et résistant ferme aux exigences de Junker, notre bourreau, alors qu’il se veut ‘’européiste’’ jusqu’au plus extrême sectarisme fédéraliste… tout en oubliant sa fixation hasardées sur Bachar el-Assad, ce traître et ce massacreur avéré… dont maintenant il médite sur l’incroyable renversement des situations qui fait que bientôt il pourrait se faire qu’il ait absolument besoin de son armée comme de celle de Poutine… Je le vois même mettre en doute les informations reçues quant au nombre exact de victimes que l’Alaouite en chef aurait sur la conscience. Qui vivra verra.

Alors, complice ou non ? Avant les tueries daéchiennes de novembre, il nageait dans l’indécision, ne prenait aucunement la mesure des dangers pourtant connus au moins depuis le 7 janvier 2015, alors que quatre jours plus tard il rameutait l’ensemble des rois de ce monde et le gros des troupes de l’unité nationale en une parade digne de César… On allait voir ce que l’on allait voir ! Avec lui au moins, les promesses ne coûtaient rien. Mais le « Moi Président, je serai intraitable ! » reste accroché à mes amygdales…

Depuis, nous l’avons encore entendu poursuivre son dialogue d’aveugle et de sourd entre lui et Fabius, l’entêté des analyses caduques ; entre lui et Valls et Caseneuve, aux fusils tournés vers les Français, « tous coupables de quelque chose » ; entre lui et Taubira, plus entichée de brigands que de gens honnêtes… Il ne cessait de valser – expression plus que symbolique – avec son premier ministre sur le perron de l’Élysée, répétant à deux voix et inlassablement que personne ne pouvait penser que des djihadistes entraient chez nous sous la capuche des migrants, ces pauvres parmi les pauvres dont ils laissaient pourtant un grand nombre se noyer après avoir été embarqués sur des rafiots de fortune par les gentils Libyens, mais féroces militants de l’EI ; que le seul danger qui menaçait la France était l’islamophobie et l‘affreux racisme qui existe si violemment au côté de la race qui n’existe pas : des maux pires encore que l’Homophobie – espace mental sanctuarisé – ou la Guerre des Genres, ce nouveau paradigme d’une intelligentsia ‘’parisianismique’’ ; que le gouvernement, sous sa conduite ferme et vigilante, veillait au grain, mais pas le bon ; qu’il convenait de laisser entrer tous les X et tous les Y parce que l’on parviendrait un jour à trouver les moyens de les loger, tous, « la France est riche » clamaient les courtisans de Solférino, aussi de les nourrir, tous, de les instruire aussi, tous, d’assurer également à tous une mixité impeccable comme de fournir à chacun le boulot digne de leurs capacités : aussi de permettre à ceux qui reviendraient de ‘’là-bas’’, après leurs vacances passées dans le Club Med ès Califat, de se réadapter aux charmes de la douce France.

Contrairement à la réalité la plus tenace, rien de tout cela n’a tenu la route.
Pendant ce temps, il laissait les déficits filer à grande allure, (d’où le sigle secret de DFGA), se disant à tout hasard qu’il était normal de se dire, comme l’Ancêtre, « après moi le déluge » ; il s’affairait pour que sa chère ministre de l’Éducation nationale idéologise gaiement les programmes destinés aux 80% des enfants hexagonaux que la République revendique comme les siens ; effaçant autant que possible le droit strict des parents d’être les premiers éducateurs de leurs héritiers… Il se réjouissait du bon travail de Madame Taubira au sein des prisons comme des tribunaux, ces derniers pris au point d’allonger indécemment la durée de passage des accusés, de ce fait automatiquement privés de jugement. Je ne toucherai pas à ce sujet tant il y aurait à dire d’effrayant… Il ordonnait que les effectifs de la Police nationale s’effilochent si bien que les policiers n’avaient d’autre ressource pour se faire entendre que d’aller sous ses fenêtres hurler leur désespoir ; que l’Armée française devienne d’urgence une force digne d’une république bananière tout en envoyant nos soldats sauver l’Afrique noire du danger que représentaient les terroristes, non encore clairement identifiés : trop dangereux. Pendant ce temps il rognait les revenus des familles ; soupçonnait les catholiques d’intentions perfides et n’hésitait pas à recourir à des sortes de persécutions hypocrites envers eux ; pensait à faire demain la guerre aux écoles libres, anciennes verrues sur le nez de la République, après avoir renforcé gaillardement les possibilités d’un côté de s’envoyer en l’air avec tout un chacun dès la puberté comme bien après les cent ans révolus et, de l’autre côté, de supprimer sans souci le fruit fatalement bestial de ces coïtages à tout vat.

J’oublie le principal : la ‘’démoralisation’’ accélérée de notre peuple. Je sais parfaitement que l’entreprise a commencé il y a plus de deux siècles, mais le coup d’accélérateur est manifeste. La ‘’morale’’ a mauvaise réputation : « Ah non ! Pas de morale s’il vous »… Je me suis toujours demandé ce que pouvait cacher cette répugnance à ce que l’on se réfère à la ‘’morale’’ : l’équivalent peut-être de donner des leçons intempestives ? Ou bien d’être obligé de dire en quoi « le régime est ‘’irréprochable’’ comme ses serviteurs » ? La règle n’est plus morale, elle n’est que « relativisme opérationnel »… D’indiquer que telle façon d’agir n’est pas correcte ? D’édicter un code à respecter, qui soit donc respectueux du Bien et du Mal ? Le connais la chanson : un jour, des gens d’une Drac ont fichu en l’air l’un de mes projets sous le prétexte que j’avais le sens de ce Bien et de ce Mal dont plus personne en notre pays ne se souvenait de ce que cela voulait dire. Et bien, cela se voit aujourd’hui par défaut.

Vais-je poursuivre ? Oui, j’ose en effet ajouter à la charge : un peuple que l’on démolit de la sorte est en train de mourir, de se métamorphoser en cadavre métaphysique. Un mort vivant, un zombie, ou tout autre réalité funeste, comme mon lecteur le voudra. La morale seule ne suffit pas : toute morale ne peut exister qu’en fonction d’une spiritualité forte, reliée à une Vérité soutenable et durable et rattachée à une histoire de longue date. Entre autres justifications… Or la morale telle qu’ainsi conçue a été jetée au ruisseau, à l’égout. La spiritualité telle que présentée a été reléguée à la sphère du privé et à jamais condamnée par les autorités intellectuelles (de gauche naturellement !) à ne pas intervenir dans la conception que l’on doit se faire de la vie publique : c’est pourquoi l’on peut aujourd’hui relever que le vrai critère d’une ‘’bonne’’ vie publique s’énonce comme chez les Romains : « Panem et circenses », quoique beaucoup chez nous manquent de pain. Quant aux jeux du cirque, ils se trouvent partout, certains gratuits, d’autres pas chers. Les plus désirés sont à prix d’or. En vérité, ce ‘’Cirque’’ permanent est devenu gangrène invisible : tu t’avales trois litres de vin en quatre vingt dix secondes et tu as gagné l’enfer. Il existe, en plus de la bénédiction laïque de la République, mille autres manières de cesser d’être une âme vivante.

J’ai honte d’avoir à recenser ces misères, elles aussi publiques. Cette lèpre qui dévore les esprits, corrompt ces pauvres âmes déjà nommées, formate les intelligences. Ainsi ai-je entendu un jeune homme, sur l’écran d’une chaîne, que le danger qu’il redoutait le plus était le risque des ‘’amalgames’’. Éberluant. Qui a formé ce triste bonhomme, qui donc lui a fait connaître le doux plaisir de réfléchir intelligemment, de se faire une opinion qui ne soit pas obligatoirement celle d’un intello godillot, de tirer des conclusions tenant compte de ce qui avait été avant, de ce qui était en train de se passer et de ce qui risquait de se produire et même reproduire ? Entre autres choses, naturellement.

J’ai honte de moi, qui n’ai pas réussi à agir en temps utile, à me faire entendre si peu que ce soit ne serait-ce que pour arracher un tout petit bout de cette purulence pseudo-spirituelle. Si la société française, au lieu d’être avachie sur les coussins de ses liquidations, avait su marcher debout, apprendre de son histoire mieux que ses péchés, ses crimes parfois – tels ceux que la République a commis puis cachés comme la Guerre de Vendée – mais aussi et surtout ses grandeurs, ses merveilles, ses atouts, ses avancées parfois sublimes, ses grandes heures même coloniales, car enfin je connais encore des colonisés qui sont restés fiers de l’avoir été… Ce qu’en somme j’ai pu recevoir en héritage dans les années cinquante et autres… Ce pays pour lequel je n’éprouve plus aujourd’hui qu’une compassion douloureuse parce que je ne perçois, du côté des instances de pouvoir, aucune capacité à comprendre qu’elles ne dirigent qu’un pays en sursis de disparition, d’extinction, de mort en somme. Mais je regarde les milliers de jeunes dont je sais la révolte en même temps que je discerne en eux la volonté farouche de reprendre ce qu’on leur a volé et détruit, leur patrie … comme fut détruite Palmyre quoique ce fut pour la France avec des armes autrement précises et sauvages. Point de sang, mes aïeux, cela est réservé aux imbéciles, mais la chimie spirituelle qui vous expédie l’humain sur les arbres des chimpanzés, nos ‘’cousins’’…

Vraiment, je crois qu’une relève splendide se prépare et, me semble-t-il, les pontes qui se maintiennent au pouvoir malgré les chaînes qu’ils traînent à leurs chevilles se préparent de mauvais jours. Devraient prendre leur retraite avant d’être ridicule, ce qui ne serait qu’une charmante mise à la porte.

Complice ! Et complices avec lui tous ceux qui soutiennent la politique dont il nous a comblé depuis 2012. Que doit faire un gouvernement ? Faire en sorte que les intérêts du peuple soient sauvegardés. Exemple : on bombarde les positions du Califat. J’approuve mais je m’inquiète. Quelle riposte sera celle du Daesch ? Parce qu’il ripostera, naturellement. Un quidam bien en forme reçoit d’un autre quidam une gifle sur sa joue gauche ; que va-t-il faire ? Il va ou bien lui donner un coup de poing s’il n’a jamais lu la « Nouvelle vivante »1 de Jésus-Christ, ou bien il va lui présenter la joue droite. Cette seconde façon de répondre correspond à ce que peut un individu : mais un État ? Il n’a qu’un devoir : celui de faire en sorte que le peuple qui l’a élu soit le mieux possible protégé. Il se doit donc de mettre en branle toute la machinerie de l’État pour que ce but soit atteint. Or cela n’a pas été fait par le Président de la République française : autant dire qu’il a laissé la France sans capacité préventive suffisante pour empêcher le Daesch de mettre ses terroristess en état de nuire.

S’il avait, dès le 7 janvier 2015, non pas diminué, mais augmenté le nombre de nos soldats comme de nos policiers et de nos agents de renseignements, s’il avait fait en sorte que nos équipements de guerre, au lieu de diminuer, de n’être plus convenablement entretenues, avaient été renforcés, donnant ainsi du travail à nombre de nos chômeurs, nous aurions pu penser qu’il avait un sens aigu de sa responsabilité : au contraire il a abandonné nos soldats en leur disant « faites votre devoir » sans leur fournir les meilleurs moyens possibles de remplir intégralement ce ‘’devoir’’ : ainsi ont-ils été et demeurent exposés à des dangers que seuls leur bravoure, leur professionnalisme et leur dévouement ont permis jusqu’à présent de repousser en cette Afrique qui est celle de tous les risques et que pourtant le devoir et la joie de la vraie France est de lui venir en aide et de lui permettre de se tirer au plus tôt de ses difficultés, de ses vertiges comme de ses humiliations : elle en vaut grandement la peine.

Complices. Si toutes les mesures avaient été prises dès au moins l’apparition du Califat, dont les intentions étaient parfaitement claires, l’attentat de novembre eut été probablement bien moins meurtriers : les Services du Renseignement, redimensionnés, réunifiés, auraient mieux percé les intentions belliqueuses ; les Polices auraient pu développer des tactiques et des stratégies adaptées aux risques ; les Armées auraient pu elles-mêmes, en ce qui concernent leurs rôles propres, faire ce qui leur revient de droit. Le maître mot, en ce domaine comme en d’autres, est et sera toujours une prévision à court, moyen et long terme. Il s’est dit depuis longtemps que la paix ne serait pas toujours promise à l’Europe et donc aussi à la France. Des attentats, dès les années 1980, ont été le fait de djihadistes. Les groupes de terroristes islamistes étaient divers et nombreux : on n’a jamais vu que la dispersion ne donne pas lieu un jour à des regroupements… Au début, difficile de concevoir clairement l’avenir : il était certain, dès le 7 janvier dernier, peut-être avant, de comprendre les enjeux et donc d’adapter les moyens à ce qui se prévoyaient. Un autre maître mot : préparer toujours le coup d’avance. Le Califat pour l’instant nous impose les siens, et cela parce que la mobilisation en France ressemble à ce que l’on disait autrefois, non sans mépris abusif, des carabiniers italiens.

C’est en cela que réside la complicité : il n’est pas sérieux de se disculper en recourant à la riposte facile : « Nous ne savions pas », une expression surfaite et mensongère, tant les informations de bonne origine étaient loin de manquer. Mais si vraiment ils ne savaient pas, il fallait alors qu’ils s’en aillent et laissent la place à qui savaient. Nombre de spécialistes, aussi bien civils que militaires, policiers, gendarmes et agents de renseignements, ‘’savaient’’ en effet, et ils savaient depuis plus longtemps qu’une seule année.

Qui et quand, parmi nos élus, a lancé le bon cri d’alarme ? Je ne vois pas où se trouve ce prophète parmi les seuls qui auraient pu déclencher le mouvement salvateur. Mais je me souviens d’un homme au moins, un Libyen ancien ministre à Tripoli, qui, de passage en France, a révélé peu après ce 7 janvier fatidique que Daesch sévissait le long des côtes libyennes, qu’il organisait le départ des migrants et que, les accompagnant, étaient glissés parmi eux des recrues terroristes. Or, jusqu’au vingt novembre dernier, le gouvernement et toute la presse de gauche, tous les intellos de gauche ont soutenu que cela n’était pas vraisemblable, qu’il s’agissait d’un fantasme évidemment de droite, sauf qu’à droite fort peu se sont mêlés de répandre ce ‘’bruit’’. Pour ma part, dans l’un de mes articles donnés à France Catholique, j’avais précisément divulgué cette information capitale : je la suppose telle avec vraisemblance.
Depuis longtemps d’ailleurs je détaillais ce qui me semblait ne pas aller convenablement dans le traitement de la migration comme dans celui que l’on appliquait concernant la multitude sans cesse croissante des nouveaux arrivants. Mais pour la presse de gauche, un peu moins à droite, je n’étais même pas un ‘’pot de terre’’, je n’étais qu’un vague fantôme, un intellectuel dont la place légitime ne pouvait être que la poche d’une puce… je n’ose pas dire d’un acarien.

Dominique Daguet