Debout dans le nuage - France Catholique

Debout dans le nuage

Debout dans le nuage

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Du temps où j’avais ma propre “petite revue”, un jour il m’est arrivé d’être confronté aux Apple. Il y a trente ans, quand la révolution informatique de l’époque prenait de la vitesse.

Je ne savais rien des ordinateurs, sauf que je ne les aimais pas. Mais de nombreux contemporains plus jeunes réussirent à me convaincre qu’il me fallait des Apple au bureau, pour remplacer les machines à écrire. Cela gagnerait tout plein de temps à mon petit personnel. Nous serions « en réseau » ensemble. Cela nous économiserait de l’argent. En vérité, l’avenir de la chose imprimée dépendait des Apple.

La chance a fait que l’avenir de la chose imprimée devait vite être effacé par cette même technologie, mais c’est incroyable ce que nous pouvions ignorer en 1988.

Nous eûmes quelques aperçus aristotéliciens, mais passagers. Par exemple, je me revois disant à un interlocuteur technophile que « si nous pouvons avoir des bureaux libérés du papier, tout pourra devenir libre de papier. »

Mais ceci mis à part, la tâche immédiate pour ma génération (au crépuscule du baby boom) était de se mettre d’accord avec les Apple.

A l’époque, il y avait encore deux sexes, seulement trois genres (en comptant le « neutre »), et je me souviens, seulement des Apple et des IBM. Nous plaisantions (y compris les filles) sur le fait que ceux-ci étaient respectivement masculins et féminins.

Posez une question à un IBM, et la réponse sera froidement « oui » ou « non ». Et c’était habituellement « non «  ce qui simplifiait la vie. Mais parfois, on avait l’idée d’une question meilleure, plus précise et technique, à laquelle on pouvait obtenir un « oui ». Et dans ce cas, on devenait subrepticement soi-même un ordinateur.

Toutefois, si on posait une question à un Apple, on se trouvait dans un espace différent « ami de l’utilisateur ». La réponse n’était ni oui ni non. C’était plus comme « tu chauffes » ou « tu refroidis ». L’utilisateur était conduit le long d’un chemin de jardin cybernétique, et dans ce cas, on était subtilement transformé en ordinateur, ou pire, en algorithme électronique.
Comme l’a dit un jeune plaisantin : « Un IBM ressemble plus à une machine à calculer améliorée ; un Apple ressemble plus à ta petite amie. »

Il s’agissait du jeune technicien électronique récemment diplômé qui installait nos ordinateurs. Je lui avais donné la tâche de faire de notre nouveau système une installation béton. Ma crainte était que des choses telles que des manuscrits soigneusement édités ne disparaissent dans l’espace électronique. Il m’assura que j’avais raison d’avoir peur.

En essayant de détruire un fichier, il arrivait qu’une petite fenêtre s’ouvre avec la question « êtes-vous certain que vous voulez détruire ceci ? »

Si on choisissait « oui », une autre s’ouvrait « êtes-vous vraiment vraiment sûr que vous voulez détruire ceci ? »

Enfin, si on était vraiment décidé, une troisième fenêtre apparaissait. Elle disait : » Eh bien c’est impossible ».

Le gentil lecteur peut imaginer la vision décalée qui s’ensuivait. J’ai commencé à imaginer un monde dans lequel rien ne pourrait jamais être détruit. Cela pouvait être perdu, bien sûr, dans l’océan sans fond des fichiers indestructibles, mais on ne pourrait plus jamais avoir la satisfaction de savoir que c’était…parti.

En effet, les choses dont nous souhaitons franchement être débarrassés reviendraient souvent nous hanter. Les erreurs les plus embarrassantes referaient surface avec persistance, nécessitant une nouvelle correction.
Avant même l’Internet et son « cloud » réputé, les habitants du bureau de cette petite revue ont fait connaissance avec le « meilleur des mondes » rendu possible par les ordinateurs – un monde dans lequel la stupidité et la méchanceté humaines pouvaient être facilement amplifiées, et la vertu passée sous silence. Tous les éléments fixes de l’art y étaient déviés, et tous les rigoureux : « soit/soit » s’y dissolvaient dans une complexité irréfléchie.
Du moins cela me semblait-il ainsi à l’époque. Et c’est toujours le cas.

Pourquoi est-ce que je mentionne tout ceci ? Parce que j’essaye de comprendre ce nouveau monde de Rome dans lequel la clarté de l’enseignement catholique d’autrefois est pratiquement détruite sans raison apparente.

Les questions fondatrices qui autrefois avaient le genre de réponses directes sur lesquelles tout le monde pouvait s’appuyer – une question simple comme « Etes-vous marié » – disparaissent dans un brouillard épais de « miséricorde » et « d’accompagnement ». Les questions morales qui étaient d’une stabilité parfaite, vacillent et tournoient maintenant à travers les dimensions multiples de « tu chauffes » ou « tu refroidis » – jusqu’à des conclusions soudaines, imprévisibles et incompréhensibles.

Nous ne sommes plus dans ce monde particulier – soit on était dans le Kansas, soit on n’y était pas. Nous sommes entrés dans un monde où nous ne sommes ni ici, ni là, mais dans un nuage comme le cloud d’internet, duquel n’importe quelle sorte de réponse peut être tirée, et nous sommes systématiquement « ailleurs ».

Et dans un endroit où il n’y a pas de réponse ferme, seulement des réponses douces – un endroit où même un prince de l’Eglise nous dit qu’il y a des moments où deux et deux font cinq, et où il le démontre par d’autres déclarations loufoques ; un endroit qui réclame une théologie de style « cloud », dans laquelle « A » et « non A » coexistent avec désinvolture.

C’est un lieu où le dogme catholique qui a perduré pendant vingt siècles peut être renversé par une note en bas de page d’une encyclique pontificale longue et sinueuse dans laquelle sont énoncés d’innombrables nouveaux péchés ; sur ceux-ci, aucun confesseur catholique ne pourrait avoir le contrôle. (Si je continue à respirer, je contribue au « réchauffement de la planète » alors, comment puis-je recevoir l’absolution ?)

Je ne suis pas en droit de douter du fait que nos maîtres pasteurs « ont de bonnes intentions ». Je ne peux certainement pas blâmer des hommes qui sont les symptômes plutôt que les causes de notre misère générale intellectuelle et spirituelle.

Pourtant même si nous nous noyions dans cette mer polluée, le Christ demeurerait la réponse. Notre devoir est d’ignorer le blabla, et de fixer notre attention sur Lui. Car Lui seul peut nous sauver. Les clercs bavards ne seront jamais en position de le faire.

Le père Schall a fait un bon compte rendu de cette position de base mardi dernier. Il a affirmé le principe de Socrate, selon lequel il n’est jamais bien de faire mal – Le vrai rocher du Calvaire sur lequel se tenait notre Seigneur ; et notre mur dressé contre toutes les accusations mensongères.

2 mars 2018

Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/03/02/standing-in-the-cloud/