De la fatigue - France Catholique
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L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
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De la fatigue

Traduit par Charlotte

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Le titre de cet article rappelle le Père James V.Schall, S.J. – tant des articles de notre très cher collaborateur défunt commençaient par “De …”

Le dernier article du Père Schall ici s’appelait “Qui êtes-vous ? Il y écrivait: L’histoire du monde enregistre les jugements, sages et non sages, rendus par les personnes humaines qui vivent dans ce monde pendant un temps bref ou long.

« Car que le temps soit court ou long… »

Les lecteurs de The Catholic Thing se souviennent peut-être de deux articles que j’ai écrits l’année dernière au sujet d’un cancer, du traitement pour cette maladie, et d’en sortir sans que l’on puisse déceler un cancer nulle part dans mon corps.

Le test principal pour déceler le cancer est le scan TEP (Tomographie par émission de positrons), et on m’en a fait un autre à la fin du mois d’août dernier; il était tout à fait clair. Mais… il y a des endroits que le TEP ne peut pas “voir.”

Sans entrer dans les détails, une IRM faite la semaine dernière indique qu’il est possible que j’aie le cancer dans l’un de ces endroits cachés. Une biopsie le confirmera, mais sur une échelle de 1 à 5, je suis apparemment à 4.

Une chose est sûre: si s’agit d’un cancer, ce n’est pas le même que celui pour lequel j’ai été traité en 2018.

Alors pourquoi en parler maintenant, avant la biopsie ? Parce que c’est ce que je fais. Car, que j’aie le cancer de nouveau ou non, je suis forcé une fois de plus de faire face à ma mortalité et à mon immortalité.

Comme Schall aurait pu m’écrire si nous échangions encore de fréquents courriels : Tous les hommes sont mortels; Miner est un homme; donc, Miner est mortel.

C’est bien ma chance.

J’aurai bientôt soixante douze ans, ce qui me rend plus âgé que mes deux parents quand ils sont morts. A l’exception de quelques opérations mineures liées aux sports, je n’ai jamais été hospitalisé avant de subir une arthroplastie partielle du genou (héritage du sport) à 64 ans. Depuis lors…

Eh bien, disons simplement que, si vous vivez assez longtemps, votre corps vous rappelle abondamment qu’il n’est pas immortel. Les docteurs commencent à secouer la tête et à retirer des choses ou à en mettre d’autres.

Je suis fort et mon corps peut le supporter, et je supporterai d’autres traitements contre le cancer si c’est nécessaire. Cependant, ce qui me fatigue vraiment, c’est le refrain apparemment constant de “un test de plus…” D’accord, je le ferai. Je coopérerai avec les protocoles.

Mais ce matin, après avoir reçu la nouvelle de ce dernier diagnostique au téléphone par un de mes nombreux médecins , ma première pensée a été de nouveau : memento mori (souviens-toi que tu dois mourir). J’avais ce petit bout de sagesse latine dans mon calendrier électronique, et je devrais peut-être l’y remettre. (Je l’avais remplacé par C’est toujours Pâques. Je pense que je garderai cela aussi.)

Tout ceci est peut être, comme Madame Miner le dit quelquefois: “T.I.” Trop d’information. Pourtant, comme je le dis, c’est ce que je fais: écrire pour régler les problèmes.

C’est un paradoxe pour les chrétiens, n’est-ce pas ? Nous sommes appelés à la vie. Dieu a parlé à Jérémie, en disant :

Avant de te former au ventre maternel, je t’ai connu;

Avant que tu sois sorti du sein, je t’ai consacré;

Comme prophète de nations je t’ai établi.i (1:5)

Je suis convaincu que cet appel s’applique à nous tous, même si nous ne sommes pas prophètes.

Mais nous sommes aussi, pourrait-on dire, appelés à mourir. C’est toujours le mercredi des cendres.

Un vrai catholique ne devrait pas craindre la mort. Il est facile d’écrire cela, et, quand je l’ai fait, les paroles de notre Seigneur à ses disciples fatigués à Gethsémani me viennent à l’esprit: “L’esprit est prompt, mais la chair est faible.” (Mathieu 26:40)

J’ai “emmené” le Christ avec moi pendant les différents tests et traitements claustrophobes qui ont été les miens, soutenu par la déclaration de Paul à l’Eglise de Corinthe que, sentant la présence de Dieu dans “la peur et le tremblement” et démontrant “l’esprit et la puissance,” il leur a apporté la vérité “afin que votre foi puisse reposer non sur la sagesse humaine mais sur la puissance de Dieu.” (1 Corinthiens 2 – 5)

Vivre, c’est mourir, mais vivre joyeusement, pleinement n’est pas s’attarder sur “le destin”, la mort. Et pourtant, comment peut-il y avoir une vraie joie si, à la fin de tout nous imaginons seulement … rien. Naturellement, je peux écrire ces mots, mais personne ne peut vraiment imaginer rien. Quand j’avais quatre ans, je m’asseyais sur l’escalier de secours de notre appartement et je pensais: « Et s’il n’y avait rien ?” Et : “Je suis ici.” Je regardais le ciel gris ardoise et je savais ou sentais que “rien” est la seule chose qui ne peut pas être.

Saint Alphonse de Liguori a écrit (Préparation à la mort): “C’est une folie de ne pas penser à la mort. C’est une plus grande folie d’y penser et de ne pas s’y préparer.”

Pendant toute la claustrophobie de l’année dernière, j’ai prié, mais pas pour moi. Et je me suis souvenu de ma mort à venir: à tout moment et quelles que soient les circonstances.

Et un autre paradoxe béni: plus le souvenir était clair, plus j’étais heureux. Et il semblait que la bonne nouvelle allait continuer : plus de cancer, plus de cancer.

Et qu’imaginez-vous ? Quand on m’a dit que j’avais besoin d’une IRM, Je me suis rendu compte que j’avais cessé de me souvenir de la mort, et j’étais soudain fâché, impatient, et ô, si fatigué de tout cela. Comme nous pouvons oublier vite de nous souvenir !

Mais ayant appris que je devrai peut-être revivre tout cela, je suis soudain de nouveau en paix. Je ne veux pas mourir; je vivrai peut-être jusqu’à 100 ans. Tout ceci n’est pas ce pour quoi je suis né – pas pour cette vie ou cette mort.
Je suis né (ou, plutôt, né de nouveau) pour le ciel :

Toutes les nations du monde cherchent ces choses [terrestres], et votre Père sait que vous en avez besoin.

Cherchez plutôt son royaume, et tout vous sera donné par surcroît.
Ne crains plus, petit troupeau, car ton Père est heureux de te donner le royaume. (Luc 12:29-32)

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/09/30/on-being-tired/

Image: Cruche noire et crâne de Pablo Picasso, 1946 [Galerie Tate, Londres], un classique memento mori.