Crise de la pêche ou crise des ressources naturelles? - France Catholique
Edit Template
L'amour du travail bien fait avec saint Joseph artisan
Edit Template

Crise de la pêche ou crise des ressources naturelles?

Copier le lien

La pêche française sort lentement d’une crise qui est partie du port des Sables d’Olonne le 10 mai dernier et qui a gagné progressivement toutes les côtes métropolitaines. Le motif en était l’augmentation sans précédent, par son ampleur et sa rapidité, du prix du gazole qui a doublé en un an passant, hors taxe, de 0,40 à 0,80 € le litre, sans savoir de surcroît jusqu’où et jusqu’à quand cette hausse va continuer.

Michel Barnier, ministre de l’Agriculture et de la Pêche, a convoqué le mercredi 21 mai à Paris les responsables de la profession afin de dégager avec eux une solution durable et compatible avec les règles de l’Union européenne toujours à l’affût de la moindre distorsion de concurrence.

Parmi les propositions classiques, un dirigeant a fait une suggestion originale. Il a d’abord constaté que près de la moitié de l’envolée du prix du carburant est le fait de la spéculation qui profite de la forte demande des pays émergents, et notamment la Chine, en matières premières. D’où l’appel qu’il a lancé pour classer le pétrole comme patrimoine de l’humanité afin de le faire échapper aux surenchères financières. Certes, l’idée n’a pas été retenue, d’autant que l’enceinte n’était pas la plus habilitée pour en décider, mais la réflexion mérite qu’on s’y attarde.

Assurément, le pétrole appartient au patrimoine mondial dès lors qu’il est présent sur les cinq continents et sous tous les océans et qu’il est consommé dans le monde entier. Mais cela est-il suffisant pour mériter une telle distinction?

De fait, le pétrole est rare (même si les ressources sont sans doute plus importantes qu’on ne le croit) et pour cette raison de plus en plus précieux compte tenu de la forte demande dont il continue de faire l’objet en dépit de la montée en puissance (lente il est vrai) des énergies alternatives.
Mais la notion de patrimoine implique celle de conservation. Comme il n’est pas objet de contemplation, à quoi servirait le pétrole s’il n’était plus exploité?
On pourrait le réserver alors à certains usages, en ayant également le souci d’en assurer une juste répartition entre les différentes parties du monde. Cela suppose beaucoup de préalables: une autorité mondiale reconnue, d’autres sources d’énergie suffisamment performantes pour compenser la perte de l’offre de pétrole pour les autres usages et aussi une claire définition de ce qu’il faut entendre par juste répartition ; les pays en voie de développement estiment en effet avoir un retard à rattraper qui justifie à leurs yeux un plus gros appétit, toutes proportions gardées, que les pays nantis.

Certains diront, et pas seulement les libéraux, que le meilleur régulateur en ce cas est encore le prix.

Beaucoup d’écologistes en effet pensent que le pétrole n’est pas vendu suffisamment cher, indépendamment des taxes qui lui sont affectées, en raison des dégâts qu’il provoque sur l’environnement. Et puis, quand on voit sur nos marchés des produits sans valeur ajoutée venir de l’autre bout du monde, on peut se dire que finalement, le transport n’est pas très (pas assez) cher.
Plutôt qu’une crise de la pêche, nous sommes davantage entrés dans une crise du pétrole et au-delà des ressources naturelles exploitables. Mais les proclamer patrimoine mondial de l’humanité n’aurait sans doute pas les conséquences souhaitées par ceux qui l’appellent de leurs voeux.

Fabrice de Chanceuil