Craindre à juste titre - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Craindre à juste titre

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Le songe de Joseph par Gerard Seghers, 1630

Le songe de Joseph par Gerard Seghers, 1630

[Kunsthistorisches Museum, Vienne]

C’est la salutation angélique standard : ne crains pas. Les puissants messagers de Dieu, parce qu’ils sont tellement plus puissants que nous, cherchent à apaiser notre peur compréhensible d’eux. Mais dans l’annonciation à saint Joseph, la salutation de l’ange est quelque peu différente (Mt 1, 18-24). Dans ce cas-ci, l’ange cherche à alléger non pas la peur de lui, mais la tâche propre de Joseph en tant que fils de David, époux de la Vierge et père de Jésus. En d’autres termes, ce n’est pas tant N’aie pas peur de moi, mais N’aie pas peur de ta vocation. Ou en d’autres termes, « Ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse. »

Joseph n’a pas peur de Marie ni de ce qui peut résulter de son entrée dans sa maison. Il a plutôt une crainte révérencielle. Elle a été comparée à celle d’Isaïe qui, lorsqu’il se trouve devant le Seigneur, prend douloureusement conscience de sa propre indignité et crie : « Malheur à moi, je suis condamné ! Car je suis un homme aux lèvres impures, vivant parmi un peuple aux lèvres impures, et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur des armées ! » (Is 6, 5). Ou encore, la peur de Joseph a été comparée à celle de Saint Pierre qui, après la pêche miraculeuse, tombe à genoux devant Jésus et dit : « Éloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur. » (Lc 5, 8)

Bien sûr, l’interprétation courante est que l’hésitation et la peur de Joseph viennent de sa découverte de la grossesse de Marie. Il semblerait qu’elle ait été infidèle, alors il chercherait à se soustraire au mariage. Mais s’il était vrai que Joseph doutait de sa fidélité, alors l’ange devrait apaiser sa colère, pas sa peur. Il existe cependant une autre interprétation, celle d’Origène, Saint Jérôme et Saint Bernard entre autres. C’est que Joseph n’avait aucun doute sur la pureté et la fidélité de Marie. Ainsi, sans douter de sa virginité, il la rencontre maintenant aussi en tant que mère. Il voit la mère vierge.

En tant que Juif pieux, Joseph connaissait le signe messianique prophétisé par Isaïe : « Voici, que la vierge enfantera un fils, et on le nommera Emmanuel. » (Is 7:14.) Maintenant, voyant Marie à la fois vierge et mère, il se trouve devant l’accomplissement de cette prophétie. Il sent que sa propre indignité et sa sainte peur le dépassent. Comme Isaïe et Pierre avant lui, il cherche à s’excuser et à sortir de la scène. L’ange vient pour l’empêcher de laisser cette vénérable louange le tenir à l’écart de sa tâche. N’aie pas peur… ne laisse pas ta sainte crainte t’écarter de ta vocation.

Nous devons donc comprendre Joseph non pas comme un homme faible cherchant une issue, mais comme un « homme juste » impressionné par le miracle opéré dans sa bien-aimée et conscient de sa propre indignité. À l’évidence, cette interprétation devrait contribuer à faire progresser la dévotion à Joseph, si nécessaire à notre époque.

Considérez les deux qualités de Notre-Dame qui provoquent une telle révérence de la part de Joseph : la virginité et la maternité. Ce sont bien sûr deux choses que notre culture déteste et attaque. La virginité est considérée soit comme une blague, soit comme quelque chose à conquérir. Nulle part dans notre culture nous ne la voyons comme quelque chose à valoriser, à préserver et à donner purement. Quant à la maternité, nous ne la valorisons qu’à nos propres conditions. C’est-à-dire que nous ne l’apprécions pas du tout. Nous la rejetons lorsque cela ne nous convient pas et l’exigeons quand nous le voulons. Nous apprécions ce qu’elle peut nous apporter. Sinon, c’est quelque chose à éviter par la contraception ou l’avortement.

Joseph fournit un exemple salutaire de ce qu’un homme devrait être et faire. Il révère ce qu’il trouve en Marie. Il ne méprise pas sa pureté ni ne lui en veut de sa maternité. En effet, il considère ces qualités en elle comme quelque chose de plus prometteur. Elles appellent le meilleur de lui-même.

Joseph a également quelque chose à nous apprendre sur le leadership (d’une importance particulière, étant donné les récents échecs de l’Église). Joseph doit être le chef de la Sainte Famille, exerçant l’autorité sur Jésus et Marie. La révérence – cette crainte du Seigneur et de ce que Dieu a opéré – est la condition et le fondement nécessaire pour ce poste élevé. De même, Isaïe ne devient pas prophète (en fait, le prophète, comme on l’appelle traditionnellement) tant qu’il ne se voit pas comme indigne de cela. Pierre, avant d’être élevé à la tête des Douze, doit d’abord tomber à genoux avec respect.

L’homme qui manque de révérence abusera inévitablement de son pouvoir. Sans cette crainte appropriée du Seigneur, il l’utilisera pour son propre avancement ou en négligera l’exercice. L’Épouse du Christ mérite donc d’avoir comme ministres sacrés, ceux qui sont chargés de notre Seigneur Lui-même, des hommes comme Joseph, conscients de leur indignité et capables de s’humilier devant Ses mystères.