Conservateurs ? - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Conservateurs ?

Grande Bretagne

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L’Angleterre est au plus bas. Le Congrès du parti conservateur à Manchester du 2 au 5 Octobre a coïncidé avec l’annonce de mauvais résultats économiques (0 % de croissance et début de récession) et la dégradation de la notation de douze banques britanniques. L’appel au sursaut avait de la peine à passer.  Quelques mois après les émeutes urbaines. La perspective en 2012 des jeux olympiques et du jubilé de la Reine (soixante ans de règne) ne suffit pas à convaincre de la valeur de l’alliance entre modernité et tradition dont Albion s’est souvent targuée. Cette évocation d’une continuité entre l’avenir et le passé rappelle Disraeli qui était convaincu qu’il fallait « tout changer pour tout conserver », formule devenue rhétorique pour tout néo-conservatisme.

Le conservatisme à l’anglaise ne privilégie pas l’État mais la société. Moins d’État, mais plus de lien social, tel est l’objectif affiché pour prévenir toute répétition des émeutes. Comme Disraeli avait étendu le suffrage universel afin de donner un soutien populaire massif à la monarchie, Cameron et ses amis font le pari de suivre l’évolution sociologique du pays : au lieu de mener ce qu’ils considèrent comme des combats d’arrière-garde, ils souhaitent faire de nécessité vertu. Ils partent du principe que la cohésion de la société et de la nation repose sur les contrats qui lient les uns aux autres, que ceux-ci soient primordialement économiques, mais aussi —ce fut la grande surprise, et la seule, de la conférence — civils. Le premier ministre a profité de l’occasion pour annoncer qu’il légalisera le « mariage » homosexuel « non pas en dépit de son conservatisme, mais bien à cause de celui-ci ». Comment cela peut-il se faire ? Parce qu’il juge socialement bénéfique de conférer un statut à toute relation, que celle-ci soit entre un homme et une femme, ou entre deux êtres de même sexe. L’institution importe plus en l’occurrence que le jugement moral.

La démarche s’accompagnerait de mesures en faveur d’une réduction drastique de l’immigration, de la promesse de renvoyer aux frontières les illégaux, et d’un fort euroscepticisme, sinon d’un franc mépris pour les difficultés du continent et de sa monnaie,  sans pour autant aller jusqu’à prôner le retrait de l’Union. Ainsi sommes-nous en présence d’un modèle nouveau, déjà vu aux Pays-Bas et au Danemark, qui redistribue les cartes idéologiques, morales et politiques. Ceci se comprend si l’on se souvient de l’origine des nouveaux dirigeants du parti tory et de leur mode de vie londonien — bien incarné dans la figure charismatique du maire conservateur non-conformiste de la capitale britannique, Boris Johnson. Ce cocktail, que l’on qualifierait, de ce côté de la Manche, de post-soixantehuitard, tend à réinventer des fidélités et à réinsuffler de la responsabilité de l’intérieur d’une société libérale ou « libérée » que l’on accepte comme telle, faute de pouvoir la régenter de l’extérieur selon des normes dont on entend préserver l’esprit à défaut de la lettre.

A ce titre, Londres prétend anticiper un mouvement européen post-Euro et post-unitaire où les pays du continent n’auraient plus d’autre choix que de relâcher les contraintes de leur super-État bruxellois mais aussi de leurs traditions nationales devenues trop pesantes. Le reste de l’Europe n’a pourtant rien à envier à l’état économique et moral déplorable de l’Angleterre.