Confessions d’un converti - France Catholique
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Van Eyxk, l'art de la dévotion
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Confessions d’un converti

Traduit par Isabelle

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Cette année a soulevé de multiples réflexions sur le 500ème anniversaire de la Réforme. Pour moi, 2017 a également été une année de commémoration personnelle : cela fait sept ans que je suis revenu au catholicisme. Une conversation, un soir, avec un prêtre dominicain s’est changée en un plongeon quelque peu impulsif dans le sacrement de pénitence (je ne m’étais pas confessé depuis l’âge de sept ans). Mais de même que commémorer la Réforme a été la cause à la fois d’un examen de conscience et d’un deuil, l’anniversaire de ma conversion a eu le même effet. Perte et gain, titre du roman philosophique du saint cardinal John Henry Newman qui traite de la conversion au catholicisme d’un étudiant d’Oxford, décrit ce que j’ai éprouvé.
La grande majorité des témoignages de conversion au catholicisme se polarisent sur tout ce que l’on gagne en entrant dans l’Eglise qu’a fondée Jésus. Cela est juste et bon – l’Eglise n’est pas seulement quelque chose qu’Il a établi il y a des millénaires, elle est le lieu où Il réside toujours. De plus, puisqu’elle est vraiment universelle, elle englobe tout ce qui est juste, bon et beau. N’empêche, cela peut rendre service à d’autres convertis en puissance, ainsi qu’à ceux qui les rencontreront, de décrire ce qui, en même temps, est perdu.

Communauté : Je faisais partie d’une petite communauté chrétienne dans la ligne de l’Eglise presbytérienne d’Amérique (PCA) Ma congrégation PCA réunissait environ 150 fidèles tous les dimanches. Je connaissais pratiquement toutes les familles, et elles me connaissaient. Nous bavardions, parfois pendant des heures après le service religieux. J’étais allé chez beaucoup d’entre eux. Quand une famille mettait un nouvel enfant au monde, on l’annonçait à l’église, et les diacres n’avaient pas de mal à assurer des repas pour aider la famille à faire la transition. Deux longs offices le dimanche, des études de la Bible, et de nombreuses activités sociales en semaine, et en weekend…votre vie tournait intimement autour d’un petit groupe de personnes. C’était une vraie bénédiction, qui comprenait l’ouverture aux autres, le dévouement, et un amour profond. Il est difficile de cacher ses fautes et ses échecs dans une telle communauté ; Quand on vous aime même si l’on connait vos péchés, l’Evangile prend vie.

Par contraste, lors de ma première messe après être retourné dans le giron de l’Eglise, il n’y a eu aucune invitation à aucune fonction sociale après la messe. Aucune annonce au sujet d’un groupe de jeunes adultes, ni d’une étude de la bible. Personne à la paroisse ne savait que j’étais là pour la première fois. J’étais anonyme. Bien que j’aie petit à petit trouvé des groupes sociaux catholiques, la messe du dimanche est restée typiquement une heure par semaine assis tout seul, laissé seul. La paroisse catholique que j’ai fréquentée les premières années après ma conversion n’était qu’à un quart de mille de la caserne de pompiers où ma congrégation presbytérienne tenait ses offices. Isolé dans ma nouvelle paroisse, c’était pour moi tentant de ne pas remonter la route.

Une culture partagée : En tant que chrétien réformé, je faisais partie d’un petit monde paroissial. Il n’y avait qu’environ 330 000 autres membres de cette dénomination à travers les Etats Unis – et peut-être quelques millions de plus dans le pays qui s’intituleraient « réformés » ou « calvinistes ».

Paradoxalement, ceci avait pour effet d’approfondir les liens de notre petit « ghetto » calviniste. Nous lisions les mêmes livres, chantions les mêmes cantiques et parlions la même langue. Nous partagions aussi un héritage théologique commun, avec nos « saints », qui étaient des hommes complètement ignorés en dehors de notre petit monde – J. Gresham Machen, Charles Hodge, B.B. Warfield, Robert Lewis Dabney. Nous étions fiers de notre culture réformée. De fait, nous en avions besoin. Une communauté chrétienne aussi petite a besoin d’un grand flot de richesse culturelle partagée pour survivre.

Quand j’ai quitté l’église presbytérienne, j’ai laissé à peu près tout cela derrière moi. Les paroisses catholiques ne chantaient pas les cantiques que je connaissais, ne lisaient pas les livres qui m’avaient si profondément formé, et ne s’intéressaient pas à ce que mon petit monde de chrétienté pouvait avoir à offrir. Pour être clair : Je savais que la plus grande part de ma formation théologique était inexacte ou incomplète, et que les « saints » réformés s’estompaient en comparaison de la sainteté ou de l’éclat d’un saint Thomas d’Aquin, d’un saint François de Sales, ou d’une sainte Thérèse de Lisieux.

Aussi m’a-t-il fallu tout recommencer à zéro, apprendre à chanter le Salve Regina en latin, développer ma connaissance et mon appréciation des différents courants culturels, liturgiques et théologiques qui existaient au sein de l’Eglise, et trouver quelque chose dans le catholicisme que je puisse m’approprier. Sept ans plus tard, c’est certainement chose faite, et j’ai sans aucun doute plus de fierté et de loyauté vis-à-vis de l’Eglise catholique et ses manifestations culturelles merveilleusement diverses que je n’en ai jamais eu envers le calvinisme. Mais j’ai dû faire tout ce chemin presque entièrement seul.

Les gens : J’ai laissé derrière moi deux centaines de compagnons presbytériens avec lesquels j’avais développé une relation profonde. Dans les mois qui ont suivi ma conversion, une fille calviniste qu’à une époque j’avais sérieusement fréquentée – et espéré épouser – me dit que si je revenais, elle se marierait avec moi. Vous parlez d’une guerre spirituelle ! J’ai dit non (après plusieurs nuits sans sommeil !). Heureusement, beaucoup de mes amitiés (non romantiques) avec mes anciens coreligionnaires ont persisté. Cependant ces amitiés sont maintenant malheureusement incomplètes, il nous est impossible de communier dans les éléments les plus universels du christianisme catholique : L’Eucharistie, et l’union à l’épiscopat apostolique, et cela nous sépare.

Ce sont de réelles blessures, et c’est pour cela que, finalement, j’écris dans ces pages ce que je vis. Bientôt, nous allons célébrer Noël et je sais déjà ce qui est en premier sur la liste de mes souhaits : La réunification de tous les chrétiens, particulièrement avec mes frères calvinistes séparés. Quand je suis entré dans l’Eglise catholique, j’ai gagné le Christ, et tout ce qu’Il a accordé gratuitement à son corps mystique. Mais j’y ai perdu la communion avec certains de mes meilleurs amis, qui, je l’espère me rejoindront un jour à Rome et je prie pour cela.

Leur séparation, (et celle de tous les protestants) est en effet une perte qui devrait tous nous donner la force de les aider à trouver non seulement le véritable héritage apostolique, mais aussi à la source et au sommet de tout ce qu’eux-mêmes désirent profondément : la communion avec le Christ dans l’Eucharistie. C’est là que nous pouvons trouver ce pour quoi il a si sincèrement prié dans Jean XVII : que nous soyons un – une bonne chose pour laquelle nous pouvons prier pendant cette période de l’avent.

2 décembre 2017

Source : https://www.thecatholicthing.org/2017/12/02/confessions-of-a-convert/

Tableau : Communion des Apôtres par JJ Tissot, c. 1890 [Musée de Brooklyn]/